C'est en 1825 que le mot "déontologie" apparaît pour la première fois en langue française, dans la traduction de l'ouvrage du philosophe utilitariste anglais Jeremy Bentham intitulée "l'Essai sur la nomenclature et la classification des principales branches d'Art et Science".
Il a formé ce terme à partir des racines grecques « logos » : discours et « déontos » ; ce qu’il faut faire. Il s’agit de dire « si telle ou telle action doit ou ne doit pas être faite. ».
Vingt ans plus tard, le Dr Max Simon publie le premier ouvrage de Déontologie médicale (voir note 1) dont la parution coïncide avec le Congrès médical qui, rassemblant pour la première fois plus de 1000 médecins français à Paris, est l'occasion d'une prise de conscience et de la naissance du corps médical.
La déontologie médicale peut être définie comme un ensemble de principes guidant le comportement du médecin et de règles auxquelles il doit se conformer, essentiellement dans l’exercice quotidien de sa profession et notamment dans ses relations avec ses patients, ses confrères et les membres d’autres professions de santé. La méconnaissance de ces principes et règles est susceptible d’être sanctionnée par la juridiction disciplinaire de l'Ordre des médecins.
C’est ce qui distingue le code de déontologie d’un recueil de principes éthiques, dont l’inobservation n’encourt pas d’autres sanctions que morales.
Le code de déontologie médicale, comme le prévoit l'article L. 4127-1 du code de la santé publique, est élaboré et adopté par le conseil national de l’Ordre des médecins puis édicté sous la forme d’un décret en Conseil d'Etat. Cette procédure donne ainsi à l’Ordre compétence pour définir les dispositions qui vont régir la conduite du médecin dans l’exercice de sa profession, sous réserve qu’elles respectent les normes qui lui sont supérieures (la Constitution et les lois) et s’inscrivent de façon cohérente dans la réglementation existante. Il s’intègre au code de la santé publique.
Le présent code de déontologie est la sixième version. Le premier code a été édicté le 28 juin 1947 (note 2), une deuxième version date de 1955 (note 3), la troisième de 1979 (note 4), la quatrième de 1995 (note 5) et la cinquième de 2012 (note 6)).
Bien qu'étoffé au fil des versions successives (79 articles dans le code de 1947, 119 dans celui-ci), le code de déontologie médicale reste relativement concis, sans entrer dans les détails, ni envisager tous les cas particuliers et sans donner toutes les explications ou justifications. C'est l'objet de ces commentaires qui clarifient l’esprit des articles du code.
Les médecins militaires, qui ne sont pas tenus de s’inscrire à l'Ordre des médecins, disposent de règles de déontologie (note 7) propres largement inspirées du code s'appliquant aux civils mais tenant compte de leur pratique dans le cadre de l'institution militaire. Les autres professions médicales (chirurgiens-dentistes, sages-femmes), ou de santé (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, pharmaciens) qui disposent également d'un Ordre, ont leurs propres codes de déontologie.
L'institution de l'Ordre des médecins, confirmée par l'ordonnance du 26 septembre 1945, a conduit à la rédaction du premier code de déontologie médicale, publié le 28 juin 1947. Celui-ci reprend les principes traditionnels régissant la pratique médicale. Les nouveaux médecins prêtent le serment médical, reprenant les principes essentiels du serment d’Hippocrate, ce dernier ayant déjà établi, il y a près de vingt-cinq siècles, des règles toujours valables : probité et dévouement du médecin qui doit préserver la vie, ne pas nuire, respecter les personnes malades, leurs intérêts, leur vie privée et le secret médical, être juste.
Le code d’Hammourabi (1752 av. J.C.) renferme les premières dispositions sur la responsabilité du médecin, vues davantage sous l’angle pénal que sous l’angle moral (salaires, sanctions).
Ces principes sont retrouvés, à quelques différences près, dans le Serment médical d’Assaph, médecin juif du VIIème siècle,
Au XIIème siècle, un médecin de Cordoue, Maïmonide, reprend ces principes dans une "prière", qui mérite d'être également connue, où il ajoute la compétence et l'amour de la science, en en reconnaissant les limites et en exprimant le souci de la faire progresser.
Depuis Montaigne, l'individu s'est émancipé et son intérêt a tendance à prévaloir sur celui de la collectivité : le médecin a pour mission de soigner et de défendre la santé publique.
L’actualisation du code répond à divers soucis de forme et de fond : celui d'améliorer la rédaction des articles, en éliminant quelques obscurités ou redondances, et d'en remanier parfois l'ordre, pour mettre en relief les principes fondamentaux de la déontologie avant de les développer dans le cadre des différents modes d'exercice, ainsi que pour rapprocher les articles ayant un objet voisin ; celui d'intégrer apports de la jurisprudence et références aux législations nouvelles ; celui de faire sa place au progrès scientifique et technique, notamment au développement du numérique et de l’intelligence artificielle ; celui de tenir compte de l'évolution des pratiques professionnelles dans des domaines tels que l’exercice coordonné, l'exercice salarié, la télémédecine ; celui de faire écho aux grands débats éthiques : dons d'organes et de produits issus du corps humain, recherche sur la personne humaine, essais thérapeutiques, fin de vie, assistance médicale à la procréation, tests génétiques. La rédaction du code a pour objet de dégager des principes généraux tout en tenant compte de nombreux facteurs.
1 - Le premier principe répond à la primauté de la personne (voir note 8). Il est affirmé dès l'article 2, de deux manières. Tout d'abord le médecin est au service de "l'individu" et de celui de "la santé publique". Le code international d’éthique médicale de l’Association médicale mondiale (AMM) modifié en 2022 dispose que « Le premier devoir du médecin est de promouvoir la santé et le bien-être de chacun de ses patients en lui prodiguant des soins en temps utile, avec compétence et compassion, conformément aux bonnes pratiques et aux règles professionnelles de la médecine. Il incombe également au médecin de contribuer à la santé et au bien-être des populations et de l’ensemble de la société, y compris les générations futures. Tout traitement médical doit être administré avec le plus grand respect de la vie et de la dignité humaines et de l’autonomie et des droits du patient ».
Dans un deuxième temps, l’article 2 insiste sur le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité.
Le respect de la vie n’est pas propre au médecin mais s’applique particulièrement à lui, sans être poussé à l’absurde (obstination déraisonnable). Il en va de même du fameux principe « Primum non nocere », car il n’y a pratiquement pas d’intervention médicale sans risque (l’effet placebo a pour contrepartie un effet nocebo) et le respecter trop scrupuleusement conduirait à l’inaction, elle-même dangereuse : ce souci doit donc être proportionné aux risques engendrés par la maladie, présente ou à venir. La notion de « dignité » a été ajoutée en 1995
Le respect est cité à plusieurs reprises tout au long du code. Une de ses manifestations les plus importantes tient dans le secret médical, affirmé dès Hippocrate, inscrit dans le code pénal (1810) et devenu le secret professionnel dans le code pénal, entré en vigueur en 1994. Son importance persistante est attestée par sa place au début du code à l’article 4. Il est indispensable à l'exercice médical qui implique une confiance réciproque entre les deux participants du "colloque singulier" (expression de Georges Duhamel, 1935) ou de la "rencontre singulière" (expression de Paul Ricoeur , 1996) : cette confiance est nécessaire à la confidence, le patient doit pouvoir confier les choses les plus intimes qui le concerne, ou le médecin y accéder - ce qui est indispensable à la qualité des soins - pourvu que l'un et l'autre sachent que rien n'en filtrera en dehors d'eux. C'est un secret partagé d'abord, naturellement, entre patient et médecin, puis, selon les nécessités, avec pertinence et sans excès, avec d'autres professionnels concourant à la prise en charge.
Ce respect de la personne persiste après sa mort, comme pour le secret médical.
2 - Le deuxième principe, propre à la médecine française, est un principe de liberté qui s’applique au médecin quel que soit son mode d’exercice.
Cette liberté concerne d'abord le patient qui est libre de choisir son médecin. L'exercice de cette liberté est accru par un net renforcement de l'information du patient, une information "loyale, claire et appropriée". Elle est inscrite parmi les devoirs du médecin et précisée par la loi dans des cas particuliers comme la recherche sur la personne humaine, l'interruption volontaire de grossesse, l'assistance médicale à la procréation ou la tenue de registres épidémiologiques...Le patient est libre d'accepter ou de refuser ce qui lui est proposé. Son consentement n'autorise pas pour autant le praticien à se livrer à des actes illégitimes. Hors situation d'urgence où l'obligation de porter secours prime, le patient doit donner son consentement pour tout ce qui le concerne : examens, consultations, hospitalisations, soins de toute nature. Ce consentement ne disparaît pas en fin de vie, même s'il est parfois difficile de connaître la volonté du patient en l’absence de désignation d’une personne de confiance ou de directives anticipées. La famille ou les proches sont alors consultés.
La liberté du médecin équilibre celle du patient. Elle garantit l’indépendance du médecin et participe à la qualité des soins. Elle est cependant limitée dans certaines circonstances. Le médecin a ainsi l'obligation de porter secours à une personne en péril qui l'appelle ou lui est signalée. Il dispose d'une liberté de prescription tenant compte des données acquises de la science ainsi que des ressources disponibles pour la santé publique. Il peut rompre la relation de soins à trois conditions : notamment en dehors d'une situation d'urgence, en en informant le patient et en assurant la continuité des soins, par relais avec un autre médecin, choisi par le patient.
Cette double liberté fonde le contrat de soins habituels, contrat tacite ou implicite plus souvent qu'écrit ou explicite, mais qui n'en a pas moins une valeur reconnue.
Les relations entre soigné et soignant ont évolué avec les droits des patients et de celui leur autonomie, soulignant au-delà du devoir de soigner ou soulager, la nécessité d’informer, de conseiller, de protéger.
Le médecin se doit de faire preuve de moralité, de probité, de dévouement, principes qui honorent sa profession.
3 - Une troisième catégorie de principes concerne les qualités exigibles du médecin, du fait de la mission qui lui est confiée par la société. Il est personnellement responsable de ses actes avec, en corollaire, la nécessité de préserver son indépendance professionnelle. Cette indépendance, assurée dans l’intérêt des patients, est la clef de voûte de l'exercice médical, qui ne saurait dépendre d'influences personnelles, matérielles ou financières ou de liens vis-à-vis d'employeurs, d'organismes payeurs, de partenaires industriels ou même humanitaires, etc. Cette responsabilité s'étend aux personnes et collaborateurs travaillant sous son autorité. Elle se partage partiellement lors de travail en équipe ou en réseau.
Pour répondre à sa mission, le médecin doit être compétent. Cette compétence résulte des études qu'il a faites, parfois d'une formation complémentaire acquise et reconnue par les commissions de qualifications gérées par l'Ordre, de son exercice habituel qui peut conduire à développer certaines aptitudes tandis que d'autres s'estompent. Restant posée dans son principe, la compétence générale que donnait le titre de docteur en médecine connaît de fait de sérieuses limitations. Elle est entretenue par un développement professionnel permanent, un perfectionnement régulier pour tenir compte des innovations scientifiques et techniques comme de nouveaux modes d'exercice. La pratique professionnelle est appréciée par une évaluation dont le besoin se fait de plus en plus sentir et qui a toute raison de devenir périodique. Cette compétence est soumise à des installations et à des moyens matériels dont le médecin dispose selon sa pratique. Le médecin doit être aussi disponible, pour répondre à la demande de soins du patient, porter secours en cas d'urgence, assurer la permanence des soins.
Il doit exercer sans discrimination vis-à-vis de quiconque. Il doit prendre en charge toute personne avec une attention particulière pour les plus vulnérables.
4 - Enfin ces principes, pour être appliqués, appellent un certain nombre de règles, précisées pour un exercice individuel ou des échanges de toutes sortes avec d'autres médecins ou d'autres professionnels de santé. La solidarité entre médecins, déjà énoncée dans le serment d'Hippocrate, est normale au sein d'une collectivité : c'est la confraternité. Dans le détail, ces règles varient un peu selon le mode d'exercice, comme cela est précisé dans le titre IV du présent code.
Ces indications générales mettent en évidence une évolution dans la continuité. Les grands principes demeurent. Certains changements n'en sont pas moins conséquents ; ils sont dus à l'évolution de la médecine - des connaissances qui la fondent et de ses conditions d'exercice - comme à celle de la société dans laquelle elle se pratique et qu'elle est censée servir.
Notes :
1 M. Simon, « Déontologie médicale ou des devoirs et des droits des médecins dans l'état actuel de la civilisation », Paris Baillière, 1845 2 Règlement d'administration publique n° 47-1169 du 27 juin 1947 (J.O. du 28 juin 1947) 3 Décret n° 55-1591 du 28 novembre 1955 (J.O. du 6 décembre 1955) 4 Décret n° 79-506 du 28 juin 1979 (J.O. du 30 juin 1979) 5 Décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 (J.O. du 8 septembre 1995) 6 Décret n° 2012-694 du 7 mai 2012 portant modification du code de déontologie médicale (JO du 8 mai 2012) 7 Décret n° 2008-967 du 16 septembre 2008 fixant les règles de déontologie propres aux praticiens des armées 8 "La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie". (Article 16 du code civil / loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain.)
Il a formé ce terme à partir des racines grecques « logos » : discours et « déontos » ; ce qu’il faut faire. Il s’agit de dire « si telle ou telle action doit ou ne doit pas être faite. ».
Vingt ans plus tard, le Dr Max Simon publie le premier ouvrage de Déontologie médicale (voir note 1) dont la parution coïncide avec le Congrès médical qui, rassemblant pour la première fois plus de 1000 médecins français à Paris, est l'occasion d'une prise de conscience et de la naissance du corps médical.
La déontologie médicale peut être définie comme un ensemble de principes guidant le comportement du médecin et de règles auxquelles il doit se conformer, essentiellement dans l’exercice quotidien de sa profession et notamment dans ses relations avec ses patients, ses confrères et les membres d’autres professions de santé. La méconnaissance de ces principes et règles est susceptible d’être sanctionnée par la juridiction disciplinaire de l'Ordre des médecins.
C’est ce qui distingue le code de déontologie d’un recueil de principes éthiques, dont l’inobservation n’encourt pas d’autres sanctions que morales.
Le code de déontologie médicale, comme le prévoit l'article L. 4127-1 du code de la santé publique, est élaboré et adopté par le conseil national de l’Ordre des médecins puis édicté sous la forme d’un décret en Conseil d'Etat. Cette procédure donne ainsi à l’Ordre compétence pour définir les dispositions qui vont régir la conduite du médecin dans l’exercice de sa profession, sous réserve qu’elles respectent les normes qui lui sont supérieures (la Constitution et les lois) et s’inscrivent de façon cohérente dans la réglementation existante. Il s’intègre au code de la santé publique.
Le présent code de déontologie est la sixième version. Le premier code a été édicté le 28 juin 1947 (note 2), une deuxième version date de 1955 (note 3), la troisième de 1979 (note 4), la quatrième de 1995 (note 5) et la cinquième de 2012 (note 6)).
Bien qu'étoffé au fil des versions successives (79 articles dans le code de 1947, 119 dans celui-ci), le code de déontologie médicale reste relativement concis, sans entrer dans les détails, ni envisager tous les cas particuliers et sans donner toutes les explications ou justifications. C'est l'objet de ces commentaires qui clarifient l’esprit des articles du code.
Les médecins militaires, qui ne sont pas tenus de s’inscrire à l'Ordre des médecins, disposent de règles de déontologie (note 7) propres largement inspirées du code s'appliquant aux civils mais tenant compte de leur pratique dans le cadre de l'institution militaire. Les autres professions médicales (chirurgiens-dentistes, sages-femmes), ou de santé (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, pharmaciens) qui disposent également d'un Ordre, ont leurs propres codes de déontologie.
L'institution de l'Ordre des médecins, confirmée par l'ordonnance du 26 septembre 1945, a conduit à la rédaction du premier code de déontologie médicale, publié le 28 juin 1947. Celui-ci reprend les principes traditionnels régissant la pratique médicale. Les nouveaux médecins prêtent le serment médical, reprenant les principes essentiels du serment d’Hippocrate, ce dernier ayant déjà établi, il y a près de vingt-cinq siècles, des règles toujours valables : probité et dévouement du médecin qui doit préserver la vie, ne pas nuire, respecter les personnes malades, leurs intérêts, leur vie privée et le secret médical, être juste.
Le code d’Hammourabi (1752 av. J.C.) renferme les premières dispositions sur la responsabilité du médecin, vues davantage sous l’angle pénal que sous l’angle moral (salaires, sanctions).
Ces principes sont retrouvés, à quelques différences près, dans le Serment médical d’Assaph, médecin juif du VIIème siècle,
Au XIIème siècle, un médecin de Cordoue, Maïmonide, reprend ces principes dans une "prière", qui mérite d'être également connue, où il ajoute la compétence et l'amour de la science, en en reconnaissant les limites et en exprimant le souci de la faire progresser.
Depuis Montaigne, l'individu s'est émancipé et son intérêt a tendance à prévaloir sur celui de la collectivité : le médecin a pour mission de soigner et de défendre la santé publique.
L’actualisation du code répond à divers soucis de forme et de fond :
celui d'améliorer la rédaction des articles, en éliminant quelques obscurités ou redondances, et d'en remanier parfois l'ordre, pour mettre en relief les principes fondamentaux de la déontologie avant de les développer dans le cadre des différents modes d'exercice, ainsi que pour rapprocher les articles ayant un objet voisin ;
celui d'intégrer apports de la jurisprudence et références aux législations nouvelles ;
celui de faire sa place au progrès scientifique et technique, notamment au développement du numérique et de l’intelligence artificielle ;
celui de tenir compte de l'évolution des pratiques professionnelles dans des domaines tels que l’exercice coordonné, l'exercice salarié, la télémédecine ;
celui de faire écho aux grands débats éthiques : dons d'organes et de produits issus du corps humain, recherche sur la personne humaine, essais thérapeutiques, fin de vie, assistance médicale à la procréation, tests génétiques.
La rédaction du code a pour objet de dégager des principes généraux tout en tenant compte de nombreux facteurs.
1 - Le premier principe répond à la primauté de la personne (voir note 8). Il est affirmé dès l'article 2, de deux manières. Tout d'abord le médecin est au service de "l'individu" et de celui de "la santé publique".
Le code international d’éthique médicale de l’Association médicale mondiale (AMM) modifié en 2022 dispose que « Le premier devoir du médecin est de promouvoir la santé et le bien-être de chacun de ses patients en lui prodiguant des soins en temps utile, avec compétence et compassion, conformément aux bonnes pratiques et aux règles professionnelles de la médecine. Il incombe également au médecin de contribuer à la santé et au bien-être des populations et de l’ensemble de la société, y compris les générations futures. Tout traitement médical doit être administré avec le plus grand respect de la vie et de la dignité humaines et de l’autonomie et des droits du patient ».
Dans un deuxième temps, l’article 2 insiste sur le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité.
Le respect de la vie n’est pas propre au médecin mais s’applique particulièrement à lui, sans être poussé à l’absurde (obstination déraisonnable). Il en va de même du fameux principe « Primum non nocere », car il n’y a pratiquement pas d’intervention médicale sans risque (l’effet placebo a pour contrepartie un effet nocebo) et le respecter trop scrupuleusement conduirait à l’inaction, elle-même dangereuse : ce souci doit donc être proportionné aux risques engendrés par la maladie, présente ou à venir.
La notion de « dignité » a été ajoutée en 1995
Le respect est cité à plusieurs reprises tout au long du code. Une de ses manifestations les plus importantes tient dans le secret médical, affirmé dès Hippocrate, inscrit dans le code pénal (1810) et devenu le secret professionnel dans le code pénal, entré en vigueur en 1994. Son importance persistante est attestée par sa place au début du code à l’article 4. Il est indispensable à l'exercice médical qui implique une confiance réciproque entre les deux participants du "colloque singulier" (expression de Georges Duhamel, 1935) ou de la "rencontre singulière" (expression de Paul Ricoeur , 1996) : cette confiance est nécessaire à la confidence, le patient doit pouvoir confier les choses les plus intimes qui le concerne, ou le médecin y accéder - ce qui est indispensable à la qualité des soins - pourvu que l'un et l'autre sachent que rien n'en filtrera en dehors d'eux. C'est un secret partagé d'abord, naturellement, entre patient et médecin, puis, selon les nécessités, avec pertinence et sans excès, avec d'autres professionnels concourant à la prise en charge.
Ce respect de la personne persiste après sa mort, comme pour le secret médical.
2 - Le deuxième principe, propre à la médecine française, est un principe de liberté qui s’applique au médecin quel que soit son mode d’exercice.
Cette liberté concerne d'abord le patient qui est libre de choisir son médecin. L'exercice de cette liberté est accru par un net renforcement de l'information du patient, une information "loyale, claire et appropriée". Elle est inscrite parmi les devoirs du médecin et précisée par la loi dans des cas particuliers comme la recherche sur la personne humaine, l'interruption volontaire de grossesse, l'assistance médicale à la procréation ou la tenue de registres épidémiologiques...Le patient est libre d'accepter ou de refuser ce qui lui est proposé. Son consentement n'autorise pas pour autant le praticien à se livrer à des actes illégitimes. Hors situation d'urgence où l'obligation de porter secours prime, le patient doit donner son consentement pour tout ce qui le concerne : examens, consultations, hospitalisations, soins de toute nature. Ce consentement ne disparaît pas en fin de vie, même s'il est parfois difficile de connaître la volonté du patient en l’absence de désignation d’une personne de confiance ou de directives anticipées. La famille ou les proches sont alors consultés.
La liberté du médecin équilibre celle du patient. Elle garantit l’indépendance du médecin et participe à la qualité des soins. Elle est cependant limitée dans certaines circonstances. Le médecin a ainsi l'obligation de porter secours à une personne en péril qui l'appelle ou lui est signalée. Il dispose d'une liberté de prescription tenant compte des données acquises de la science ainsi que des ressources disponibles pour la santé publique. Il peut rompre la relation de soins à trois conditions : notamment en dehors d'une situation d'urgence, en en informant le patient et en assurant la continuité des soins, par relais avec un autre médecin, choisi par le patient.
Cette double liberté fonde le contrat de soins habituels, contrat tacite ou implicite plus souvent qu'écrit ou explicite, mais qui n'en a pas moins une valeur reconnue.
Les relations entre soigné et soignant ont évolué avec les droits des patients et de celui leur autonomie, soulignant au-delà du devoir de soigner ou soulager, la nécessité d’informer, de conseiller, de protéger.
Le médecin se doit de faire preuve de moralité, de probité, de dévouement, principes qui honorent sa profession.
3 - Une troisième catégorie de principes concerne les qualités exigibles du médecin, du fait de la mission qui lui est confiée par la société. Il est personnellement responsable de ses actes avec, en corollaire, la nécessité de préserver son indépendance professionnelle. Cette indépendance, assurée dans l’intérêt des patients, est la clef de voûte de l'exercice médical, qui ne saurait dépendre d'influences personnelles, matérielles ou financières ou de liens vis-à-vis d'employeurs, d'organismes payeurs, de partenaires industriels ou même humanitaires, etc. Cette responsabilité s'étend aux personnes et collaborateurs travaillant sous son autorité. Elle se partage partiellement lors de travail en équipe ou en réseau.
Pour répondre à sa mission, le médecin doit être compétent. Cette compétence résulte des études qu'il a faites, parfois d'une formation complémentaire acquise et reconnue par les commissions de qualifications gérées par l'Ordre, de son exercice habituel qui peut conduire à développer certaines aptitudes tandis que d'autres s'estompent. Restant posée dans son principe, la compétence générale que donnait le titre de docteur en médecine connaît de fait de sérieuses limitations. Elle est entretenue par un développement professionnel permanent, un perfectionnement régulier pour tenir compte des innovations scientifiques et techniques comme de nouveaux modes d'exercice. La pratique professionnelle est appréciée par une évaluation dont le besoin se fait de plus en plus sentir et qui a toute raison de devenir périodique. Cette compétence est soumise à des installations et à des moyens matériels dont le médecin dispose selon sa pratique. Le médecin doit être aussi disponible, pour répondre à la demande de soins du patient, porter secours en cas d'urgence, assurer la permanence des soins.
Il doit exercer sans discrimination vis-à-vis de quiconque. Il doit prendre en charge toute personne avec une attention particulière pour les plus vulnérables.
4 - Enfin ces principes, pour être appliqués, appellent un certain nombre de règles, précisées pour un exercice individuel ou des échanges de toutes sortes avec d'autres médecins ou d'autres professionnels de santé. La solidarité entre médecins, déjà énoncée dans le serment d'Hippocrate, est normale au sein d'une collectivité : c'est la confraternité. Dans le détail, ces règles varient un peu selon le mode d'exercice, comme cela est précisé dans le titre IV du présent code.
Ces indications générales mettent en évidence une évolution dans la continuité. Les grands principes demeurent. Certains changements n'en sont pas moins conséquents ; ils sont dus à l'évolution de la médecine - des connaissances qui la fondent et de ses conditions d'exercice - comme à celle de la société dans laquelle elle se pratique et qu'elle est censée servir.
Notes :
1 M. Simon, « Déontologie médicale ou des devoirs et des droits des médecins dans l'état actuel de la civilisation », Paris Baillière, 1845
2 Règlement d'administration publique n° 47-1169 du 27 juin 1947 (J.O. du 28 juin 1947)
3 Décret n° 55-1591 du 28 novembre 1955 (J.O. du 6 décembre 1955)
4 Décret n° 79-506 du 28 juin 1979 (J.O. du 30 juin 1979)
5 Décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 (J.O. du 8 septembre 1995)
6 Décret n° 2012-694 du 7 mai 2012 portant modification du code de déontologie médicale (JO du 8 mai 2012)
7 Décret n° 2008-967 du 16 septembre 2008 fixant les règles de déontologie propres aux praticiens des armées
8 "La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie". (Article 16 du code civil / loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain.)