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Article 37-1 - Directives anticipées

Article 37-1 (article R.4127-37-1 du code de la santé publique)

I. Lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin en charge du patient est tenu de respecter la volonté exprimée par celui-ci dans des directives anticipées, excepté dans les cas prévus aux II et III du présent article.

II. En cas d'urgence vitale, l'application des directives anticipées ne s'impose pas pendant le temps nécessaire à l'évaluation complète de la situation médicale.

III. Si le médecin en charge du patient juge les directives anticipées manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale, le refus de les appliquer ne peut être décidé qu'à l'issue de la procédure collégiale prévue à l'article L. 1111-11. Pour ce faire, le médecin recueille l'avis des membres présents de l'équipe de soins, si elle existe, et celui d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant, avec lequel il n'existe aucun lien de nature hiérarchique. Il peut recueillir auprès de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou de l'un des proches le témoignage de la volonté exprimée par le patient.

IV.  En cas de refus d'application des directives anticipées, la décision est motivée. Les témoignages et avis recueillis ainsi que les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient.
La personne de confiance, ou, à défaut, la famille ou l'un des proches du patient est informé de la décision de refus d'application des directives anticipées.


Le respect de l’autonomie du patient se traduit par l’exigence d’un consentement éclairé pour tout acte médical (article R. 4127-36). Ce principe inclut pour le patient, en état d’exprimer sa volonté, le droit de refuser ou d’arrêter un traitement. Il est de ce fait indispensable que le patient ait reçu toute l’information nécessaire préalablement à une prise de décision éclairée et que le médecin s’assure de la compréhension de cette information (article R. 4127-35).

Pour garantir le respect de l’autonomie du patient y compris dans la situation où celui-ci se trouverait hors d’état d’exprimer sa volonté, la loi a prévu la possibilité pour toute personne majeure de faire part, de façon anticipée dans un document écrit, daté et signé, appelé « directives anticipées », de ses volontés relatives à sa fin de vie, en particulier le refus de traitement ou d'actes médicaux, leur poursuite, leur limitation ou leur arrêt.

L’article L. 1111-11 du code de la santé publique, issu de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016, précise ainsi que : « Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l'arrêt ou du refus de traitement ou d'actes médicaux. / A tout moment et par tout moyen, elles sont révisables et révocables. Elles peuvent être rédigées conformément à un modèle dont le contenu est fixé par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Haute Autorité de santé. Ce modèle prévoit la situation de la personne selon qu'elle se sait ou non atteinte d'une affection grave au moment où elle les rédige. / Les directives anticipées s'imposent au médecin pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement, sauf en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale.

La décision de refus d'application des directives anticipées, jugées par le médecin manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient, est prise à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire et est inscrite au dossier médical. Elle est portée à la connaissance de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de la famille ou des proches. / Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, définit les conditions d'information des patients et les conditions de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées. Les directives anticipées sont notamment conservées sur un registre national faisant l'objet d'un traitement automatisé dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Lorsqu'elles sont conservées dans ce registre, un rappel de leur existence est régulièrement adressé à leur auteur. / Le médecin traitant informe ses patients de la possibilité et des conditions de rédaction de directives anticipées. / Lorsqu'une personne fait l'objet d'une mesure de tutelle, au sens du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil, elle peut rédiger des directives anticipées avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué. Le tuteur ne peut ni l'assister ni la représenter à cette occasion ».

Ces dispositions prévoient expressément le principe que les directives anticipées s’imposent au médecin pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement.

Encore faut-il que ces directives répondent à un certain nombre d’exigences permettant de garantir leur validité (authentification de leur auteur, de sa capacité juridique, contenu approprié et modalités de révision, possibilité de révocation etc.) et leur accessibilité (modalités de conservation permettant leur accessibilité en temps utile pour le médecin) (voir note 1).

Le décret n° 2016-1067 du 3 août 2016 relatif aux directives anticipées pris en application de l’article L. 1111-11 précité précise les modalités de rédaction, de révision et de révocation des directives anticipées (note 1) et précise également par insertion de l’article R. 1111-19 les modalités de leur conservation.

L’article R. 1111-19, I du code de la santé publique dispose que « Les directives anticipées sont conservées selon des modalités les rendant aisément accessibles pour le médecin appelé à prendre une décision de limitation ou d'arrêt de traitement dans le cadre de la procédure collégiale définie à l'article R. 4127-37-1 ». 

L’arrêté du 3 août 2016 relatif au modèle de directives anticipées, prévu aux articles L.1111-18 et R 1111-18 du code de la santé publique, comporte en annexe deux modèles de directives anticipées. Le modèle A concerne la situation des personnes ayant une maladie grave ou qui sont en fin de vie et le modèle B, la situation des personnes qui pensent être en bonne santé (note 2).

Les directives anticipées s'imposent au médecin pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement, excepté dans deux situations, celle de l'urgence vitale et celle du caractère manifestement inapproprié ou non conforme des directives anticipées à la situation médicale.

 

I – Le principe : le respect de la volonté du patient exprimée dans des directives anticipées

Lorsque qu’une limitation ou un arrêt de traitement susceptible d’entraîner le décès est envisagé et que le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin doit s’enquérir des volontés que celui-ci a pu antérieurement exprimer concernant sa fin de vie au travers des directives anticipées (voir note 3), telles qu’elles sont définies par la loi (article L. 1111-11 du code de la santé publique).

Le médecin recherche l’existence d’éventuelles directives anticipées (voir note 4).

Si celles-ci ne figurent pas dans le dossier médical du patient et que ce dernier dispose d’un dossier médical partagé (DMP), le médecin vérifie si des indications relatives aux directives anticipées y ont été portées.

A défaut, il interroge la personne de confiance éventuelle ou la famille ou les proches du patient sur l’existence de directives anticipées et leur lieu de conservation.

Pour être contraignantes à l’égard du médecin, les directives anticipées ne doivent pas être contraires aux dispositions de la loi.

Si le patient a formalisé dans des directives anticipées ses volontés relatives à sa fin de vie concernant les conditions de la poursuite, de la limitation, de l'arrêt ou le refus de traitement ou d'actes médicaux qui lui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, le médecin est tenu de les respecter, sous réserve que ces volontés soient appropriées au regard de la situation médicale.

Le contexte dans lequel les directives anticipées ont été rédigées, en particulier lorsque le patient a une connaissance éclairée de la maladie en cours et de son évolution, revêt ici une importance toute particulière.

En effet, la rédaction de directives anticipées par des patients atteints de certaines maladies chroniques ou dégénératives, en particulier avec l’aide d’un médecin, permet d’anticiper les décisions qui devront être prises, compte tenu de l’évolution de la maladie et des différentes options possibles.

Les directives anticipées ne peuvent avoir une valeur absolue car nul ne peut préjuger de son attitude dans telle ou telle situation tant qu’elle ne s’est pas effectivement présentée à lui.


II- Les exceptions

Le médecin n’est toutefois pas tenu de se conformer aux volontés exprimées dans des directives anticipées dans deux situations :

  • en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation du patient
  • lorsque ces directives apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient.
  1. En cas d’urgence vitale

L’application des directives anticipées ne peut être envisagée de la même façon dans le cas d’une fin de vie attendue et dans le cas d’une urgence vitale.

Dans cette dernière situation, le médecin, qui doit donner des soins sans tarder, n’est pas en mesure de rechercher les volontés que le patient a pu antérieurement exprimer dans d’éventuelles directives anticipées. Il n’aura d’ailleurs souvent pas accès aux directives anticipées en temps utile.

L’urgence rend donc impossible leur prise en compte pendant le temps nécessaire à l’évaluation complète de la situation du patient.

Cette exception ne couvre que le temps nécessaire à l’évaluation complète de la situation du patient.

Passé ce temps, les directives anticipées s’imposent au médecin dans les conditions prévues au I.

  1. En cas de directives manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale

Si le pouvoir d’appréciation du médecin est contraint par l’existence de directives anticipées, il n’est pas lié par celles qui seraient contraires aux dispositions de la loi ou manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient.

Ces directives doivent en effet être conciliées avec la prise en compte des éléments médicaux relatifs à l’état de santé du patient et l’évolution possible de cet état au regard des connaissances médicales avérées.

La loi a ainsi prévu le cas où le médecin estimerait ne pas devoir suivre les directives anticipées : soit parce qu’elles priveraient le patient de la possibilité de recevoir des traitements ou des soins susceptibles d’améliorer sensiblement son état, soit parce que les volontés exprimées seraient en contradiction avec les bénéfices attendus de thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue, soit parce que le contexte clinique diffèrerait de celui envisagé dans les directives.

Le médecin en charge du patient conserve un pouvoir d’appréciation au regard de la situation concrète et de l’état des connaissances médicales. S’il estime ne pas devoir se conformer aux volontés exprimées par le patient dans ses directives anticipées, il doit, préalablement à toute décision, initier une procédure collégiale.

Cette procédure comporte les étapes suivantes :

  1. Le médecin en charge du patient recueille l'avis des membres présents de l'équipe de soins, si elle existe.

Par leur présence quotidienne auprès des patients dans les services des établissements de santé, comme au domicile ou dans les établissements médico-sociaux, les professionnels, membres de l’équipe de soins, ont une appréciation de la situation du patient et du ressenti de son entourage. Le médecin traitant habituel du patient doit, si possible, être consulté.

  1. Il  prend l’avis d'au moins un autre médecin, appelé en qualité de consultant.

  • La notion de « consultant » renvoie à un médecin qui dispose des connaissances, de l’expérience, et, puisqu’il ne participe pas directement aux soins, du recul et de l’impartialité nécessaires pour apprécier la situation dans sa globalité.

Ce praticien est étranger à l’équipe de soins qui assure la prise en charge du patient. Dans un EHPAD, il est recommandé de ne pas faire appel au médecin coordonnateur de l’établissement, ce qui n’exclut pas le recours à un médecin coordonnateur d’un autre EHPAD (note 5). S’il doit être compétent dans le domaine de l’affection en cause, il n’est pas nécessairement un spécialiste ou un expert de la question. Non pas que les avis techniques d’experts soient superflus, mais ils interviennent plus tôt, en amont de la décision. S’il n’est pas nécessairement un spécialiste de l’éthique, son expérience, ses capacités professionnelles et humaines doivent lui permettre une analyse claire de la situation. En possession de toutes les données concernant la situation de la personne malade, il doit, non seulement apporter un avis éclairé, mais aussi aider, par un échange confraternel, le praticien qui le consulte à mener à terme la réflexion dans l’intérêt du patient. Conformément à l’esprit de la loi, l’avis du consultant peut être recueilli à distance. Ceci est de nature à permettre une fin de vie à domicile.

  • Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. Certes le code de déontologie affirme qu’il ne peut exister entre médecins de lien de dépendance professionnelle, l’article R. 4127-37-1 précise, pour éviter tout risque de pression, réel ou redouté, qu’il ne doit exister « aucun lien de nature hiérarchique» entre les deux médecins. Cela exclut en particulier du rôle de consultant les médecins qui auraient entre eux un lien administratif de nature hiérarchique.
  1. Il recherche si nécessaire, notamment en cas d’incertitude sur ce que le patient aurait  voulu, le témoignage de la volonté de ce dernier auprès de la personne de confiance, si le patient en a désigné une, ou à défaut auprès de la famille ou de l’un des proches. Il ne s’agit pas ici de recueillir un avis mais de rechercher la volonté que le patient peut avoir antérieurement exprimée auprès de son entourage, quelle qu’en soit la forme. 

  1. Ni la loi ni le code n’exigent le consensus entre les médecins et les membres présents de l’équipe de soins mais il est difficile d’imaginer qu’une telle décision soit prise par le médecin en charge du patient en cas de désaccord. L’article R.4127-37-1 n’exclut pas la consultation d’un troisième confrère si l’un des deux médecins le juge utile. Dans les cas difficiles, même si l’appréciation de la situation du patient est dans l’ensemble partagée, il peut persister des incertitudes justifiant de faire appel à un avis complémentaire.
    C’est une appréciation médicale de l’état global du patient qui est demandée au regard des volontés qu’il a exprimées dans ses directives anticipées et que le médecin estime manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ; elle peut se faire, par exemple, en référence aux « règles ou recommandations de bonnes pratiques » élaborées par les sociétés savantes.
    Quelles que soient les volontés de la personne, la décision de ne pas suivre les directives anticipées repose sur l’état de santé du patient, sur sa souffrance et sur un pronostic.

  2. Au vu de cette procédure collégiale, le médecin prend sa décision.

 

III- Décision du médecin

La décision appartient au seul médecin en charge du patient après qu’il a mis en œuvre la procédure collégiale définie plus haut. Comme toute décision médicale, elle est individuelle (article R.4127-69) et engage la responsabilité de celui qui la prend. Elle doit être formalisée par écrit dans le dossier du patient.

La décision doit d'autant plus être motivée dans le dossier du patient qu’elle intervient dans le cadre des exceptions prévues au II.

Dans ce cas doivent également être consignés les nom et qualité des personnes consultées, l’avis des membres présents de l’équipe de soins et du ou des médecin(s) consultant(s), le témoignage de la volonté exprimée par le patient recueilli auprès de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou de l'un des proches, les étapes de cette procédure et les éléments retenus par le médecin pour fonder sa décision.

Si le médecin traitant du patient a pu être consulté, son avis est consigné.

La décision de refus d'application des directives anticipées et ses motivations sont portées à la connaissance de la personne de confiance, ou, à défaut, de la famille ou de l'un des proches du patient.

 

([1]) Article R. 1111-17 du code de la santé publique : « Les directives anticipées mentionnées à l'article L. 1111-11 s'entendent d'un document écrit, daté et signé par leur auteur, majeur, dûment identifié par l'indication de ses nom, prénom, date et lieu de naissance. La personne majeure sous tutelle peut rédiger des directives anticipées avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué.

Toutefois lorsque l'auteur de ces directives, bien qu'en état d'exprimer sa volonté, est dans l'impossibilité d'écrire et de signer lui-même le document, il peut demander à deux témoins, dont la personne de confiance lorsqu'elle est désignée en application de l'article L. 1111-6, d'attester que le document qu'il n'a pu rédiger lui-même est l'expression de sa volonté libre et éclairée. Ces témoins indiquent leur nom et qualité et leur attestation est jointe aux directives anticipées.

Les directives anticipées peuvent être, à tout moment, soit révisées, soit révoquées. Elles sont révisées selon les mêmes modalités que celles prévues au premier alinéa pour leur élaboration. En présence de plusieurs écrits répondant aux conditions de validité, le document le plus récent l'emporte ».

([3]) Article L. 1111-12 du code de la santé publique : « Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin a l'obligation de s'enquérir de l'expression de la volonté exprimée par le patient. En l'absence de directives anticipées mentionnées à l'article L. 1111-11, il recueille le témoignage de la personne de confiance ou, à défaut, tout autre témoignage de la famille ou des proches ».

([4]) Article R. 1111-20 du code de la santé publique précise que : « Lorsqu'il envisage de prendre une décision de limitation ou d'arrêt de traitement en application de l'article L. 1111-4, et à moins que les directives anticipées ne figurent déjà dans le dossier en sa possession, le médecin interroge le dossier médical partagé. A défaut de directives anticipées conservées ou enregistrées dans le dossier médical ou le dossier médical partagé, il recherche l'existence et le lieu de conservation des directives anticipées auprès de la personne de confiance, auprès de la famille ou des proches, ou, le cas échéant, auprès du médecin traitant de la personne malade ou du médecin qui lui a adressé cette personne ».

([5]) P. HECQUARD, « Article R.4127-37 du code de la santé publique et médecins coordonnateurs d’EHPAD, de réseaux de soins palliatifs et de services d’hospitalisation à domicile », 26 juin 2009