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Article 69 - Caractère personnel de l'exercice


Article 69 (article R.4127-69 du code de la santé publique)

L'exercice de la médecine est personnel ; chaque médecin est responsable de ses décisions et de ses actes.

 

Le caractère personnel de l'exercice médical et la notion de responsabilité sont intimement liés ; l'un ne se conçoit pas sans l'autre. Mais sous le simple énoncé de cet article des situations diverses peuvent se présenter.

1 - EXERCICE PERSONNEL

1- 1 - Le médecin exerce sous son propre nom (article75).

Le diplôme de docteur en médecine et la formation médicale spécialisée qui lui est liée confèrent le droit d'exercer. Les conditions d'exercice (modes, titres, qualifications) sont cautionnées par l'Ordre pour que le public soit exactement informé des qualités du médecin qu'il choisit. L'Ordre veille également à la compétence du remplaçant (qui exerce sous sa propre responsabilité), afin que la confiance du patient ne puisse être abusée. L'accomplissement des formalités de remplacement (article 65) permet au remplaçant de se substituer au médecin remplacé pour un temps déterminé contractuellement. Ce dernier ne peut exercer à titre libéral pendant la période définie en commun, sous réserve des dispositions du dernier alinéa de l’article 65.

Le médecin peut s’attacher le concours d’un médecin collaborateur, libéral ou salarié (article 87) ou salarier un confrère  (article 95). Dans des circonstances exceptionnelles (épidémie, afflux de population en période de vacances), il peut se faire aider temporairement par un assistant médecin ou un adjoint étudiant en médecine (article L.4131-2 du code de la santé publique ; article 88 du code de déontologie). Chacun d’eux exerce en toute indépendance.

1-2 - Le médecin ne peut pour autant rester isolé dans son exercice. De plus en plus la complexité des moyens diagnostiques ou thérapeutiques nécessite l'avis et la coopération de plusieurs médecins.

Quelles que soient les situations ou formes d’organisation, chaque médecin conserve son indépendance et ses responsabilités propres ; le caractère personnel de l'exercice doit toujours être bien précisé et affirmé dans les contrats (voir note [1]).

Enfin, des auxiliaires médicaux (infirmiers, infirmiers anesthésistes ou de  bloc opératoire, manipulateurs d'électro-radiologie médicale, laborantins etc.) peuvent aider le médecin dans son exercice. Les actes qu'ils peuvent pratiquer sont précisés par décrets et leur exécution est de leur responsabilité propre, le médecin restant responsable de sa prescription.

En aucun cas, qu'il s'agisse d'actes exécutés par un médecin ou par un auxiliaire, la confiance que le patient a accordée personnellement à son praticien ne doit être trompée

 2 - RESPONSABILITE DU MEDECIN

2-1 - Chaque médecin est responsable et cette responsabilité personnelle est d'abord d'ordre moral. Elle est partie intégrante du "contrat de soins" où s'exprime la "rencontre d'une confiance et d'une conscience" (L. Portes).

L'article 70 habilite le médecin à une pratique limitée seulement par ses connaissances, son expérience, ses possibilités. Ainsi le médecin doit toujours, en toutes situations et circonstances pouvoir se justifier, notamment devant ses pairs, des décisions qu'il a prises, des actes qu'il a effectués. Il ne peut jamais oublier les risques qu'il fait courir à un patient, même s'ils sont exceptionnels, ni ceux qu'il court indirectement.

En plus de cet article 69 qui pose le principe du caractère personnel de l'exercice, l'ensemble du code l'aide à déterminer sa responsabilité déontologique.

Cette notion est à prendre en considération pour le programme des études médicales. Celles-ci ne consistent pas seulement en l'acquisition de connaissances, elles doivent être une école de responsabilité auprès de la personne malade.

Cette idée de la responsabilité médicale est sensiblement différente de la notion juridique de cette responsabilité. En droit, on cherche à déterminer si tel praticien porte la responsabilité d'un dommage ou d'un échec. La responsabilité morale du médecin (cela est vrai aussi pour d'autres professions) va plus loin, ou plus exactement commence plus tôt, dès l'action, dès la décision d'agir : le médecin sait qu'il assume non seulement la responsabilité d'un geste qu'il doit faire, et qui doit être correctement fait, mais aussi celle du sort de l'être humain qui s'est confié à lui. Le médecin n'ignore pas que son métier consiste à choisir entre des risques car l'action thérapeutique en comporte nécessairement (art.40). Il ne pense pas trop à sa responsabilité "juridique", qui pourrait le paralyser. Il pèse le pour et le contre et agit de la façon qui lui paraît la plus adaptée. Son souci ne doit pas être de "se mettre à couvert" mais de bien faire.

2-2 - Le médecin peut être appelé à répondre devant les tribunaux de sa responsabilité juridique, pénale ou civile. Celle-ci a une base contractuelle, c'est-à-dire que, depuis un arrêt célèbre (voir note 2), les juristes considèrent qu'entre patient et médecin se forme un contrat tacite, le "contrat de soins" par lequel le médecin s'engage à donner des soins "non pas quelconques... mais consciencieux, attentifs et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science".

La responsabilité juridique du médecin n'est pas une obligation de résultat : il ne s'engage pas à guérir la maladie, l'échec n'entraîne pas par lui-même une responsabilité ni pénale ni civile, c'est une responsabilité de moyens. Les soins doivent être adéquats, donnés avec compétence et conscience. Le juge pourra condamner le médecin si l'on peut retenir contre lui une faute dans les moyens employés (faute technique, négligence, imprudence, faute de jugement, faute de surveillance).

L'appréciation des fautes médicales est souvent délicate. Elle est toujours (ou presque) éclairée par une expertise confiée à un ou plusieurs médecins experts.

La tendance actuelle de la jurisprudence est celle d'une sévérité plus grande que par le passé. La médecine a fait de grands progrès, le public en attend toutes les guérisons, on demande davantage aux médecins. On cherche aussi davantage à désigner un responsable afin d'indemniser le plaignant.

Une procédure de règlement amiable des accidents médicaux, des affections iatrogènes ou infections nosocomiales a été instituée par la loi du 4 mars 2002 (voir note 3). Dans chaque région, une commission régionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI), composée de représentants des malades et des usagers du système de santé, des professionnels de santé, des établissements et des assureurs, présidée par un magistrat, va, après expertise, apprécier si le dommage dont la victime d’un acte de prévention, de diagnostic ou de soins l’a saisie, engage la responsabilité du professionnel ou de l’établissement de santé qui en est l’auteur. Selon le cas, l’indemnisation du dommage sera à la charge de l’assureur ou de la solidarité nationale par l’intermédiaire de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Tout médecin libéral est tenu de contracter une assurance pour les risques encourus en matière de responsabilité civile (article L.1142-2 du code de la santé publique). Certes les médecins exerçant à titre salarié dans un établissement de prévention, de diagnostic ou de soins sont en principe couverts, dans la limite de la mission qui leur est impartie, par l’assurance de l’établissement employeur mais il leur est vivement conseillé de s’assurer à titre personnel. Le manquement à l’obligation d’assurance est disciplinairement et pénalement répréhensible (voir note 4).

Il est également prudent que les médecins qui cessent leur activité mais délivrent des soins à leurs proches, ou sont appelés à porter assistance à une personne en danger, souscrivent un contrat de responsabilité civile professionnelle adapté à ces situations.

2-3 - Dans les établissements publics de santé, la responsabilité morale de chaque médecin n'est pas différente de celle de la pratique privée et, entre médecin et patient, à l'hôpital comme ailleurs, existe ce "contrat" tacite qui oblige le médecin.

A l'hôpital comme ailleurs, la responsabilité médicale est personnelle. Le travail s'y effectue souvent en équipe et certaines décisions sont prises à plusieurs, mais, comme il a déjà été dit, chaque médecin est responsable de ce qu'il fait et prescrit. Le médecin responsable de l’unité a en outre une responsabilité dans l'organisation et le fonctionnement de son service, ainsi que dans la délégation des actes et soins aux praticiens (internes ou médecins associés) placés sous son autorité.

Au point de vue juridique, les médecins hospitaliers ont un statut administratif. A moins d'une faute personnelle détachable de la fonction, c'est l'établissement qui supporte la responsabilité civile des actes pratiqués. Ce sont les tribunaux administratifs qui sont compétents.

A titre principal la responsabilité de l’établissement de santé public est engagée sur le fondement de la faute de service. La distinction traditionnelle entre faute simple pour un mauvais fonctionnement du service et faute lourde, seule susceptible d'engager la responsabilité de l'établissement pour un acte médical, est aujourd'hui abandonnée. Depuis un arrêt du Conseil d'Etat de 1992 (CE Ass., 10 avril 1992, Ep. V, req. n°79027), il n'est plus exigé pour un acte médical qu'il s'agisse d'une faute lourde. Mais la faute médicale demeure une faute spécifique aux critères bien définis. Constitue également une faute, le défaut d’information (CE Sect., 5 janvier 2000, Consorts T, req.n°181899).

En dehors du régime de présomption de faute, retenu en matière d’infection iatrogène et de maladie nosocomiale (article L.1142-1 du code de la santé publique), la responsabilité de l’établissement de santé public est engagée, en l’absence de toute faute, sur le fondement du risque :

  1. dans des cas prévus par des lois  spécifiques, (contamination par le virus de l’hépatite C, vaccination obligatoire d’un professionnel de santé)
  2. dans quelques cas exceptionnels admis par la jurisprudence :
  • recours à une thérapeutique nouvelle (CAA Lyon, 21 décembre 1990, Consorts Gomez, n° 89LY01742) ; accident hors de proportion avec l’état du patient à son entrée à l’hôpital (CE Ass., 9 avril 1993, Bianchi, req. n° 69336).

Les choses se passent donc, au point de vue juridique, un peu comme si le "contrat de soins" était conclu entre le patient et l’établissement de santé. Cette évolution qui déplace une partie de la responsabilité ne manque pas de s'accompagner d'un certain transfert de l'autorité.

Un médecin hospitalier peut toutefois être poursuivi personnellement devant les juridictions pénales pour homicide, coups et blessures, faute technique supposant une méconnaissance manifeste de l'art médical, absence de consentement du patient, non-assistance à personne en péril, manquement au secret professionnel, etc.

Depuis la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, un médecin hospitalier peut être traduit devant la juridiction professionnelle de l'Ordre, pour des faits se rattachant à sa fonction hospitalière publique, par le ministre chargé de la santé, le représentant de l’Etat dans le département, le directeur général de l’ARS, le procureur de la République, le Conseil national ou le Conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit (article L.4124-2 du code de la santé publique).

Il en va de même pour tout médecin exerçant une fonction publique.

Le caractère responsable - sous ses différents aspects - de l'exercice personnel du médecin constitue ainsi un facteur social essentiel. "La société ne saurait garantir à ses membres un droit à la bonne santé. Elle peut seulement organiser pour eux l'accès à des soins de qualité. Et peut-être cette qualité est-elle liée au sentiment conservé par les médecins qu'ils sont personnellement responsables de leurs actes" (voir note 5).


([1]) Dans le cas  d’une SEL ou d’une SCP, bien que ce soit la société elle-même qui exerce, chaque médecin est individuellement soumis au code de déontologie ;

(2) Cour de Cassation, arrêt Mercier, 20 mai 1936

(3) Articles L.1142-1 à L.1142-24 ; R.1142-13 à R.1142-18 du code de la santé publique

(4) Article L.1142-25 du code de la santé publique : « Le manquement à l'obligation d'assurance prévue à l'article L. 1142-2 est puni de 45 000 Euros d'amende.
Les personnes physiques coupables de l'infraction mentionnée au présent article encourent également la peine complémentaire d'interdiction, selon les modalités prévues par l'art. 131-27 du code pénal, d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice de laquelle ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. Cette interdiction est portée à la connaissance du directeur général de l’Agence Régionale de Santé qui en informe les organismes d'assurance maladie. »

(5) J. SAVATIER , « Aspects actuels ou méconnus de la responsabilité médicale », Actes Colloque CERSAMS 1991 - 111