Au service des médecins dans l’intérêt des patients

Article 16 - Collecte de sang et prélèvements d'organes

Article 16 (article R.4127-16 du code de la santé publique)

La collecte de sang ainsi que les prélèvements d'organes, de tissus, de cellules ou d'autres produits du corps humain sur la personne vivante ou décédée ne peuvent être pratiqués que dans les cas et les conditions définis par la loi.

Les lois de bioéthique relatives l'une au respect du corps humain (voir note 1), l'autre au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal (voir note 2]) ont introduit dans le code civil, le code pénal et le code de la santé publique des dispositions visant tout particulièrement :

  • au respect du corps humain et de son intégrité, même après le décès ;
  • à interdire tout commerce du corps humain, de ses composants et de ses produits ;
  • à réaffirmer l’anonymat (voir note 3) et la gratuité du don ;
  • à clarifier la notion de consentement des donneurs ;
  • à encadrer par la loi et ses décrets d'application les activités de prélèvement d'organes, de tissus et de cellules d'une part, de greffe d'autre part ;
  • à assurer la sécurité sanitaire des éléments et produits du corps humain prélevés et collectés à des fins thérapeutiques

De nombreuses dispositions de la loi visent à accroître l’effort d’information du public en faveur du don de sang et d’organes et à diminuer les obstacles, notamment économiques (voir note 4) mais aussi culturels, qui entravent le prélèvement.

Les situations très délicates du don d’organe chez des personnes en état de mort encéphalique et qui n’auraient pas fait connaître, au préalable, leurs intentions à ce sujet, devraient être résolues dans un climat de confiance et de sérénité, respectueux à la fois des souhaits du défunt, rapportés par l’entourage et compatibles avec les objectifs de santé publique en matière de prélèvements.

Cela est d’autant plus nécessaire que les besoins thérapeutiques sont importants eu égard au petit nombre de donneurs potentiels.

Pour prévenir ces situations difficiles, il serait bon que les médecins, comme les y incite l’article R. 4127-12 du code (concours apporté à la protection de la santé) abordent ces questions avec leurs patients au cours de leur prise en charge.

 

1 - Le sang

Le code de la santé publique distingue la collecte de sang selon la finalité de son utilisation : fins thérapeutiques, fins de contrôles médicaux (article L.1221-8, dernier alinéa), fins de recherche (article L.1221-8-1).

Le prélèvement ne peut être fait, sous peine de sanction pénale, qu’avec le consentement du donneur majeur, par un médecin ou sous sa direction et sa responsabilité. Cependant, à titre exceptionnel, un prélèvement peut être effectué sur un mineur (article L. 1221-5) :

  • lorsque des motifs tirés de l’urgence thérapeutique l’exigent ;
  • lorsqu’il n’a pu être trouvé de donneur majeur immunologiquement compatible.

Le consentement écrit de chacun des titulaires de l’autorité parentale est requis. Le refus du mineur fait obstacle au prélèvement.

L’Établissement français du sang est chargé sur l’ensemble du territoire national des activités de collecte du sang, de qualification biologique du don, de préparation, de distribution et de délivrance des produits sanguins labiles (voir note 5).

La sécurité transfusionnelle a été renforcée, pour prévenir la transmission des maladies infectieuses, virales en particulier. La sélection des donneurs est organisée (voir note 6) ; des analyses biologiques et tests de dépistage sont mis en œuvre avant la distribution, la délivrance, l’utilisation du sang, de ses composants et de ses dérivés (voir note 7).

L'hémovigilance (voir note 8) a été instituée pour assurer la sécurité transfusionnelle à toutes les étapes de la chaîne transfusionnelle.

La traçabilité de tout produit sanguin est obligatoire. Elle vise à retrouver un éventuel donneur contaminant ou les receveurs d'un produit présentant un risque postérieur au don.

À cela, il faut ajouter la modification des indications thérapeutiques dans les différentes disciplines. Les règles biologiques de compensation ont été modifiées pour réduire les risques liés à la transfusion.

Le sang et ses composants peuvent être utilisés à d’autres fins que thérapeutiques, soit pour des recherches, soit pour constituer directement une collection d’échantillons biologiques humains. Les règles relatives au consentement du donneur, à la gratuité du don, aux contrôles sanitaires sont identiques à celles retenues pour la collecte à finalité thérapeutique, sans préjudice du respect des obligations propres aux recherches (voir note 9).

 

2 - Organes, tissus, cellules ou autres produits du corps humain

Précédées par la loi n°76-1181 du 22 décembre 1976, dite « loi Caillavet » qui posait la règle du consentement présumé aux prélèvements post-mortem, les lois de bioéthiques (voir note 10) fixent les principes généraux applicables aux prélèvements et aux greffes :

  • consentement, corollaire du principe d’inviolabilité du corps humain ;
  • gratuité ;
  • respect de l’anonymat, sous réserve du don consenti entre apparentés ;
  • équité dans la répartition et l’attribution des greffons.

Le prélèvement et la greffe constituent une priorité nationale. L’Agence de la Biomédecine a pour mission de promouvoir le don d’organes et de tissus issus du corps humain. La loi prévoit expressément l’information des jeunes de 16 à 25 ans sur le don d’organes et confère au médecin un rôle central dans cette information (article L.1211-3 du code de la santé publique).

1 - Prélèvements d'organes, de tissus et de cellules

Ils comportent deux régimes distincts selon que le prélèvement est effectué sur une personne vivante ou décédée.

a) Sur une personne vivante

Le prélèvement sous-entend le don d’organes ou de tissus. Il ne peut être effectué que dans l’intérêt thérapeutique direct du receveur. Le donneur doit avoir la qualité de père ou mère. Par dérogation, la possibilité de faire un don d’organe est ouverte au cercle élargi des personnes majeures, « apparentées » au receveur (père, mère, fils, fille, frère ou sœur, conjoint…) (voir note 11) ainsi qu’à toute personne apportant la preuve d’une vie commune ou d’un lien affectif étroit et stable avec le receveur d’au moins deux ans.

Le recours au don croisé d’organes qui permet de remédier à une incompatibilité entre un malade et un donneur appartenant à une même famille en trouvant une autre paire donneur-receveur d’une autre famille qui bénéficiera elle aussi de l’échange est admis (voir note 12). 

Les prélèvements d’organes sont interdits chez les personnes majeures protégées ou les mineurs. Par dérogation à cette règle, un prélèvement de moelle osseuse, assimilée à un organe, peut être effectué sur un mineur au bénéfice de son frère ou de sa sœur, de sa cousine ou son cousin germain, de son oncle ou de sa tante, de sa nièce ou de son neveu. Le refus du mineur fait obstacle au prélèvement.

Le donneur exprime son consentement devant le président du Tribunal de grande instance, ou le magistrat désigné par lui, après avoir été informé par le comité d’experts sur les risques et les conséquences d’un tel prélèvement. Le magistrat s’assure que le consentement est libre et éclairé.

L’autorisation du comité d’experts (voir note 13) est obligatoire pour les donneurs admis à titre dérogatoire (cercle élargi) et facultative, sur décision du magistrat qui recueille le consentement, pour les donneurs admis par principe (le père et la mère du receveur). Pour apprécier la justification médicale et les risques de l’opération pour le donneur, le comité peut avoir accès aux informations médicales du donneur et du receveur. L’autorisation pour les donneurs admis à titre dérogatoire ne peut intervenir qu’après le recueil du consentement du donneur devant le juge (voir note 14).

b) Sur une personne décédée

Le prélèvement d’organes sur une personne dont la mort a été dûment constatée (infra) ne peut être effectué, sauf opposition de sa part exprimée de son vivant, qu’à des fins thérapeutiques ou scientifiques (article L.1232-1 du code de la santé publique). Il en va de même du prélèvement des tissus et cellules (article. L.1241-6).

Le refus du prélèvement peut être exprimé par tout moyen. A titre principal il l’est par l’inscription sur le registre national automatisé des refus de prélèvement dont le fonctionnement et la gestion sont assurés par l’Agence de la biomédecine. Toute personne majeure ou mineure âgée de 13 ans au moins peut faire inscrire sur ce registre, son refus d’un prélèvement post-mortem soit à des fins thérapeutiques, soit pour rechercher les causes du décès (voir note 15), soit à des fins scientifiques, soit pour plusieurs de ces hypothèses.

Le refus de prélèvement d’organes peut être également exprimé par d’autres moyens (écrit, dossier médical, dossier médical partagé, personne de confiance…). et peut porter sur l’ensemble des organes et tissus ou certains d’entre eux (articles R.1232-4-4 et R.1232-4-5 du code de la santé publique).

En l’absence d’expression connue du refus, l’équipe de coordination hospitalière de prélèvement informe les proches sur la nature, la finalité et les modalités des prélèvements et recueille l’éventuelle expression d’une opposition du défunt manifestée de son vivant (cf. arrêté du 16 août 2016 portant homologation des règles de bonnes pratiques relatives à l'entretien avec les proches en matière de prélèvement d'organes et de tissus).

Lorsque le donneur est un mineur ou un majeur protégé, le prélèvement ne peut être opéré qu’avec l’autorisation écrite de chacun des titulaires de l’autorité parentale ou du représentant légal.

Le constat de la mort (voir note 16) dans le cas de personnes présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant, ne peut être établi que si les trois critères cliniques suivants sont simultanément présents :

  • absence totale de conscience et d’activité motrice spontanée ;
  • absence de tous les réflexes du tronc cérébral ;
  • absence totale de ventilation spontanée.

Si la personne décédée est assistée par ventilation mécanique et conserve une fonction hémodynamique, l’absence de ventilation spontanée est vérifiée par une épreuve d’hypercapnie. De plus, en complément des trois critères cliniques ci-dessus mentionnés, il est obligatoirement recouru à des critères paracliniques (deux électroencéphalogrammes ou une angiographie cérébrale) pour attester  du caractère irréversible de la destruction encéphalique (article R.1232-2 du code de la santé publique).

Le procès-verbal constatant la mort est établi et signé par un médecin (par deux médecins en cas de mort encéphalique, article R.1232-3 du code de la santé publique). Ces médecins doivent faire partie d’unités fonctionnelles ou de services distincts de ceux auxquels appartiennent les médecins impliqués dans le prélèvement ou la greffe (voir note 17).

Les médecins qui ont effectué les prélèvements sont tenus de s’assurer de la restauration décente du corps (article L.1232-5 du code de la santé publique).

La rémunération à l’acte des praticiens effectuant des prélèvements d’organes et/ou de tissus en vue de dons est interdite (voir note 18).

Les autorisations de prélèvements d’organes et/ou de tissus (pas de cellules) sont délivrées aux établissements de santé, pour une durée de cinq ans, renouvelable (voir note 19).

2 - Banques de tissus

Après prélèvement, la transformation, la conservation, la distribution, la cession des tissus et des cellules sont soumises à autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, après avis de l’Agence de la Biomédecine (articles L.1243-1 et suivants, et articles R.1243-1 et suivants du code de la santé publique).

3 -  Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent être l'objet d'un négoce, y compris après le décès

Le droit de la personne comporte un droit au respect  de son corps, y compris après le décès. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments, ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial (article 16-1 du code civil).

Aucune convention ne peut conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments, à ses produits (article 16-5 du code civil).

Les individus sont également protégés contre eux-mêmes en ce domaine et ne peuvent donc être rémunérés pour les prélèvements d'éléments de leur corps ou la collecte d'un produit de celui-ci (article 16-6 du code civil). Les sanctions pénales à tout manquement sont sévères : 5 ans d’emprisonnement et  75 000 euros d'amende pour le paiement d'un organe ou d'un tissu ; sont punis des mêmes peines la rémunération d'une seule entremise visant à obtenir un organe ou un tissu, ou le fait d’importer ou d’exporter des produits humains hors des conditions prévues par la loi (article 511-4 du code pénal).

Toutefois, le prélèvement, le conditionnement, la distribution et l'acheminement des produits humains prélevés peuvent donner lieu à remboursement des frais occasionnés, qu'il s'agisse d'organes ou de tissus.

4 - Sécurité sanitaire et traçabilité

Une sélection rigoureuse des greffons est requise. Comme par le passé, elle concerne leurs qualités fonctionnelles. Mais une notion nouvelle apparaît : la sécurité sanitaire.

Son but est d'éviter de transmettre aux receveurs d'organes ou de tissus une maladie dont pourrait être porteur le donneur. Ainsi la recherche de la présence de marqueurs biologiques des maladies infectieuses, virales notamment, a-t-elle été rendue obligatoire (voir note 20) et un échantillon des produits biologiques ayant servi à ces recherches doit être conservé.

Toutefois, pour donner aux patients un meilleur accès aux greffons, il peut être dérogé à l’interdiction de l’utilisation d’organes ou produits du corps humain d’un donneur porteur d’un virus dans les situations engageant le pronostic vital du receveur et en l’absence d’alternatives thérapeutiques appropriées (cf. article R.1211-21 du code de la santé publique).

Elle impose que le risque prévisible encouru par le receveur ne soit pas hors de proportion avec le bénéfice escompté et que le consentement éclairé de celui-ci soit recueilli (Arrêté du 14 mai 2010 modifié fixant le contenu des informations permettant d'utiliser des éléments et produits du corps humain à des fins thérapeutiques).

Afin d'assurer la plus grande sécurité possible d'utilisation, un dispositif de biovigilance a été mis en place (voir note 21).

Pour conclure, plus qu'une autre activité médicale, la pratique de transplantation :

  • conjugue intérêt individuel et intérêt collectif ;
  • nécessite le plus grand respect des personnes, vivantes ou décédées, donneurs ou receveurs ;
  • justifie l'obtention d'un consentement quand cela est possible ;
  • impose l'indépendance des médecins et des équipes médicales impliquées ;
  • conduit enfin à sensibiliser non seulement les médecins mais l'ensemble de la population.

Le Comité Consultatif National d’Éthique a émis des recommandations pour une meilleure compréhension et application de la loi (voir note 22).

 

(1) Loi n°94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain
(2) Loi n°94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps
(3) Article L.1221-1 du code de la santé publique
(4) Article L. 1221-3 du code de la santé publique
(5) Article L. 1222-1 du code de la santé publique
(6) Article R.1221-5 du code de la santé publique et article L.1211-6-1 « Nul ne peut être exclu du don de sang en dehors de contre-indications médicales. Nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle. »
(7) Articles D.1221-6 à D.1221-16 du code de la santé publique
(8) Articles L.1221-13, R.1221-22 et suivants du code de la santé publique
(9) Article L.1221-8-1 du code de la santé publique
(10) Lois n° 94-654 du 29 juillet 1994, n° 2004-800 du 6 août 2004 et n° 2011-814 du 7 juillet 2011
Voir aussi : Protocole additionnel à la Convention des Droits de l’Homme et la Biomédecine relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine – Strasbourg, 24 janvier 2002

(11) Article L.1231-1, 2ème alinéa du code de la santé publique
(12) Article L.1231-1, 3ème al. du code de la santé publique
(13) Article L.1231-3 du code de la santé publique
(14) Articles L.1241-1 à L.1241-7 du code de la santé publique
(15) Le refus ne peut faire obstacle aux expertises, constatations et examens techniques ou scientifiques éventuellement diligentés dans le cadre d’une enquête judiciaire ou d’une mesure d’instruction – Article R.1232-6 du code de la santé publique
(16) Articles R.1232-1, R.1232-2 du code de la santé publique
(17) Article L.1232-4 du code de la santé publique
(18) Articles L.1234-3 et L.1242-2 du code de la santé publique
(19) Articles L.1233-1 et L.1242-1 ; R.1233-1 à R.1233-6, R.1242-1 à R.1242-7 du code de la santé publique
(20) Articles R.1211-14 et R.1211-15 du code de la santé publique
(21) Articles L.1211-7 ; articles R.1211-29 et suivants du code de la santé publique
(22) CCNE – Avis n° 115 ; questions d’éthique relatives au prélèvement et au don d’organes à des fins de transplantation, 15 juin 2011