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Article 37-3 - Sédation profonde

Article 37-3 (article R.4127-37-3 du code de la santé publique)

I.-A la demande du patient, dans les situations prévues aux 1° et 2° de l'article L. 1110-5-2, il est recouru à une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie, à l'issue d'une procédure collégiale, telle que définie au III de l'article R. 4127-37-2, dont l'objet est de vérifier que les conditions prévues par la loi sont remplies.

Le recours, à la demande du patient, à une sédation profonde et continue telle que définie au premier alinéa, ou son refus, est motivé. Les motifs du recours ou non à cette sédation sont inscrits dans le dossier du patient, qui en est informé.

II.- Lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté et qu'un arrêt de traitement de maintien en vie a été décidé au titre du refus de l'obstination déraisonnable, en application des articles L. 1110-5-1, L. 1110-5-2 et L. 1111-4 et dans les conditions prévues à l'article R. 4127-37-2, le médecin en charge du patient, même si la souffrance de celui-ci ne peut pas être évaluée du fait de son état cérébral, met en œuvre une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie, excepté si le patient s'y était opposé dans ses directives anticipées.

Le recours à une sédation profonde et continue, ainsi définie, doit, en l'absence de volonté contraire exprimée par le patient dans ses directives anticipées, être décidé dans le cadre de la procédure collégiale prévue à l'article R. 4127-37-2.

En l'absence de directives anticipées, le médecin en charge du patient recueille auprès de la personne de confiance ou, à défaut, auprès de la famille ou de l'un des proches, le témoignage de la volonté exprimée par le patient.

Le recours à une sédation profonde et continue est motivé. La volonté du patient exprimée dans les directives anticipées ou, en l'absence de celles-ci, le témoignage de la personne de confiance, ou, à défaut, de la famille ou de l'un des proches de la volonté exprimée par le patient, les avis recueillis et les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient.

La personne de confiance, ou, à défaut, la famille, ou l'un des proches du patient est informé des motifs du recours à la sédation profonde et continue.

 

I - Notions

Dans le cadre de la mission confiée en juin 2014 par le Premier ministre de proposer des aménagements à la loi n°2005-370 du 22 avril 2005 «  relative aux droits des malades et à la fin de vie », MM. Alain Claeys et Jean Leonetti, députés, ont procédé à l’audition de la société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) le 17 septembre 2014 notamment sur les notions de sédation.

Celle-ci définit la sédation comme étant « la recherche, par des moyens médicamenteux, d’une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte de conscience, dans le but de diminuer ou de faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les moyens disponibles et adaptés à cette situation ont pu lui être proposés et/ou mis en œuvre sans permettre d’obtenir le soulagement escompté par le patient».

L’article R. 4127-37-3 s’applique à la sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès.

 

II- Les situations permettant de recourir à une sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès

La sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès ne doit en aucun cas être considérée comme une solution à toutes les fins de vie. Il ne peut y être recouru que dans des situations particulières prévues par la loi.

Ces situations sont définies à l’article L. 1110-5-2 du code de la santé publique qui précise que : « A la demande du patient d'éviter toute souffrance et de ne pas subir d'obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants : / 1° Lorsque le patient atteint d'une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements ; / 2° Lorsque la décision du patient atteint d'une affection grave et incurable d'arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d'entraîner une souffrance insupportable. / Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et, au titre du refus de l'obstination déraisonnable mentionnée à l'article L. 1110-5-1, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie. / La sédation profonde et continue associée à une analgésie prévue au présent article est mise en œuvre selon la procédure collégiale définie par voie réglementaire qui permet à l'équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions d'application prévues aux alinéas précédents sont remplies. / A la demande du patient, la sédation profonde et continue peut être mise en œuvre à son domicile, dans un établissement de santé ou un établissement mentionné au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. / L'ensemble de la procédure suivie est inscrite au dossier médical du patient ».

La loi envisage ainsi trois catégories de situations particulières dans lesquelles il peut être recouru à une sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès, deux concernent le cas où le patient est conscient et une le cas où il est hors d’état d’exprimer sa volonté.
 

  1. Situation du patient conscient
     

La loi pose trois conditions cumulatives pour la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue à la demande du patient dans le but d’éviter toute souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable :

  1. Il doit être atteint d’une affection grave et incurable.

  1. Le pronostic vital est engagé à court terme.

Les auteurs de la loi ont entendu conditionner la mise en oeuvre de la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès aux deux critères essentiels retenus par la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP) : le pronostic vital est engagé à court terme (généralement de quelques heures à quelques jours) et la souffrance présentée par le malade doit être « réfractaire » au traitement.

  1. Il présente une souffrance réfractaire aux traitements ou sa décision d’arrêter un traitement risque d’entraîner une souffrance insupportable.

Sont qualifiées de réfractaires les douleurs qui ne peuvent être contrôlées malgré la mise en œuvre de protocoles émis par les sociétés savantes et en fonction des données actuelles de la science.

L’éventualité d’une sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès est discutée avec le patient en fonction de l’évaluation clinique.

Dans le cas où une personne, atteinte d’une affection grave et incurable, souhaite arrêter un traitement engageant ainsi son pronostic vital  à court terme, la sédation profonde et continue ne peut être mise en oeuvre que s’il existe un risque de souffrances insupportables.

 

  1. Situation du patient hors d’état d’exprimer sa volonté
     

Les situations permettant d’envisager la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès sont constituées lorsque la poursuite des traitements en cours équivaut à une obstination déraisonnable et/ou concourt au seul maintien artificiel d’une vie somatique sans espoir d’amélioration.

  • Le cas particulier de la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès intervenant à la suite d’une décision de limitation ou d’arrêt de traitement

Le recours à la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès s’impose particulièrement dans la situation d’un patient à l’égard duquel une décision de limitation ou d’arrêt de traitement dont dépend le seul maintien en vie a été prise au titre du refus d’une obstination déraisonnable, en application de l’article L. 1110-5-1 du code de la santé publique.

L’objectif de la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès dans cette situation n’est pas de provoquer la mort ou d’accélérer la survenue du décès mais bien de s’assurer que le patient ne souffre pas. Si l’évaluation de la souffrance ne peut être réalisée, cela répond alors à un principe de précaution pour le cas, possible, où le patient, en incapacité de l’exprimer, ressentirait toute forme de souffrance.

La Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs insiste sur les compétences techniques particulières rendues nécessaires par un acte médical tel que la sédation profonde et continue et précise qu’il est « indispensable lorsqu’une décision de limitation de traitement est décidée que l’ensemble des thérapeutiques soit suspendu de façon concomitante (alimentation, hydratation, ventilation artificielle, etc.) afin d’éviter des agonies prolongées ».

La loi reconnaît que l’hydratation et la nutrition artificielles sont des traitements. Dans le cadre de la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès ils sont interrompus. Il est admis que, à ce stade pré-mortem, voire agonique, l’hydratation n’apporte rien, si ce n’est une prolongation d’une survie douloureuse (voir note 1). Par contre, les soins de bouche restent absolument indispensables. Quant à la nutrition artificielle, elle ne se justifie plus à l’égard d’une personne qui va mourir et ne ressent plus la faim. 
 

  • En néonatalogie

La dimension symbolique de l’alimentation chez le nouveau-né rend la pratique de l’arrêt de la nutrition ou de l’hydratation plus complexe car elle peut être considérée comme un soin contribuant au confort et non comme un traitement. Pour certaines équipes l’alimentation-hydratation artificielle représente un traitement de suppléance vitale que l’on peut arrêter, alors que pour d’autres, cette attitude est considérée comme insoutenable pour être appliquée au nouveau-né dans l’état actuel des connaissances.

Dans le cadre de l’examen de la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, le rapport fait au nom de la commission des affaires sociales de MM. Michel AMIEL et Gérard DÉRIOT, sénateurs, dispose que « Pour mesurer objectivement les améliorations apportées par le texte, il faut garder à l’esprit que la loi ne peut apporter de réponse à toutes les situations. Il en va ainsi du difficile sujet de la néonatologie (…). La question de l’applicabilité de la sédation profonde et continue dans les services de néonatalogie conduit à distinguer deux situations médicales :

  • Lorsque les nouveau-nés sont atteints d’une maladie grave et incurable qui engage leur pronostic vital à court terme et que leurs souffrances apparaissent réfractaires à tout autre traitement, la sédation profonde et continue a vocation à être mise en oeuvre au même titre que pour tout autre patient, sous réserve de la prise en compte du choix des titulaires de l’autorité parentale dans le cadre de la procédure collégiale.
  • La situation est différente en ce qui concerne les nouveau-nés souffrant ou qui vont souffrir de handicaps neurologiques consécutivement à une asphyxie périnatale mais qui ont recouvré une autonomie et ne dépendent d’aucun dispositif artificiel de maintien en vie. Ces nouveau-nés ne sont pas en fin de vie puisque leur pronostic vital n’est pas engagé et qu’ils ne font pas l’objet d’une obstination déraisonnable. Leur situation médicale ne satisfait pas aux critères permettant de recourir à une sédation profonde et continue ».

Lorsque la poursuite des traitements confinerait à une obstination déraisonnable ou au seul maintien artificiel de la vie, que l’état du patient justifie d’envisager une sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès, l’article R. 4127-37-3 précise que « Le recours à une sédation profonde et continue, ainsi définie, doit, en l'absence de volonté contraire exprimée par le patient dans ses directives anticipées, être décidé dans le cadre de la procédure collégiale prévue à l'article R. 4127-37-2.»


III - La procédure collégiale

Aucune décision de sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie ne peut être prise sans qu’une procédure collégiale soit mise en oeuvre, que la personne puisse ou non exprimer sa volonté.

Cette procédure doit permettre au médecin de s’assurer que la situation du patient répond bien aux conditions de recours à la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès prévues par la loi.

Une appréciation collégiale de l’état du patient est  prévue par la loi qui renvoie au code de déontologie médicale le soin de définir cette procédure. C’est l’objet du III de l’article R. 4127-37-2 qui prévoit une concertation avec les membres présents de l'équipe de soins, si elle existe, et le recueil de l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant.

Le médecin traitant habituel doit, si possible, être consulté.

La procédure collégiale comporte les étapes rappelées dans les commentaires de l’article R. 4127-37-2, lesquels concernent la situation du patient, hors d'état d'exprimer sa volonté pour lequel un arrêt de traitement de maintien en vie est décidé au titre du refus de l'obstination déraisonnable :

  1. Le médecin en charge du patient recueille l'avis des membres présents de l'équipe de soins, si elle existe.

  1. Il  prend l’avis d'au moins un autre médecin, appelé en qualité de consultant.

  • La notion de « consultant » renvoie à un médecin qui dispose des connaissances, de l’expérience, et, puisqu’il ne participe pas directement aux soins, du recul et de l’impartialité nécessaires pour apprécier la situation dans sa globalité.
    Ce praticien est étranger à l’équipe de soins qui assure la prise en charge du patient. Dans un EHPAD, il est recommandé de ne pas faire appel au médecin coordonnateur de l’établissement, ce qui n’exclut pas le recours à un médecin coordonnateur d’un autre EHPAD (note 2). S’il doit être compétent dans le domaine de l’affection en cause, il n’est pas nécessairement un spécialiste ou un expert de la question. Non pas que les avis techniques d’experts soient superflus, mais ils interviennent plus tôt, en amont de la décision. S’il n’est pas nécessairement un spécialiste de l’éthique, son expérience, ses capacités professionnelles et humaines doivent lui permettre une analyse claire de la situation. En possession de toutes les données concernant la situation de la personne malade, il doit, non seulement apporter un avis éclairé, mais aussi aider, par un échange confraternel, le praticien qui le consulte à mener à terme la réflexion dans l’intérêt du patient. Conformément à l’esprit de la loi, l’avis du consultant peut être recueilli à distance. Ceci est de nature à permettre la fin de vie à domicile
  • Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. Certes le code de déontologie affirme, qu’il ne peut exister entre médecins de lien de dépendance professionnelle, l’article R. 4127-37-1 précise, pour éviter tout risque de pression, réel ou redouté, qu’il ne doit exister « aucun lien de nature hiérarchique» entre les deux médecins. Cela exclut en particulier du rôle de consultant les médecins qui auraient entre eux un lien administratif de nature hiérarchique.
  1. Lorsque le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin doit s’enquérir des volontés que celui-ci a pu antérieurement exprimer concernant le recours à la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès dans des directives anticipées. Le médecin recherche si nécessaire, notamment en cas d’incertitude sur ce que le patient aurait voulu, le témoignage de la volonté de ce dernier auprès de la personne de confiance, si le patient en a désigné une, ou à défaut auprès de la famille ou de l’un des proches. Il ne s’agit pas ici de recueillir un avis mais de rechercher la volonté que le patient peut avoir antérieurement exprimée auprès de son entourage, quelle qu’en soit la forme. 

  1. Ni la loi ni le code n’exigent le consensus entre les médecins et les membres présents de l’équipe de soins mais il est difficile d’imaginer qu’une telle décision soit prise par le médecin en charge du patient en cas de désaccord. L’article R.4127-37-2 n’exclut pas la consultation d’un troisième confrère si l’un des deux médecins le juge utile. Dans les cas difficiles, même si l’appréciation de la situation du patient est dans l’ensemble partagée, il peut persister des incertitudes justifiant de faire appel à un avis complémentaire.

C’est une appréciation médicale de l’état global du patient qui est demandée ; elle peut se faire, par exemple, en référence aux « règles ou recommandations de bonnes pratiques » élaborées par les sociétés savantes.

Au vu de cette procédure collégiale, le médecin prend sa décision.

 

IV- Décision : motivation, traçabilité et information

Quelle que soit la situation clinique du patient, quelle que soit la décision prise par le médecin à l’issue de la procédure collégiale, cette décision doit être parfaitement motivée et tracée au dossier.  

La décision appartient au seul médecin en charge du patient après qu’il a mis en œuvre la procédure collégiale définie plus haut. Comme toute décision médicale, elle est individuelle (article R. 4127-69) et engage la responsabilité de celui qui la prend. Elle doit être formalisée par écrit dans le dossier du patient.

Doivent également être consignés les nom et qualité des personnes consultées, l’avis des membres présents de l’équipe de soins et du ou des médecin(s) consultant(s), la demande du patient de mise en œuvre d’une sédation profonde et continue, les volontés exprimées par le patient dans des directives anticipées ou, en leur absence, le témoignage de la volonté exprimée par le patient recueilli auprès de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou de l'un des proches, les étapes de cette procédure et les éléments retenus par le médecin pour fonder sa décision.

Si le médecin traitant du patient a pu être consulté, son avis est consigné.

Le patient conscient est informé de la décision prise avec tout l’humanisme requis. La personne de confiance, ou, à défaut, la famille, ou l'un des proches du patient est informé des motifs du recours à la sédation profonde et continue.

 

V- Modalités de mise en œuvre de la sédation profonde et continue

La sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, après procédure collégiale, doit être mise en place selon les protocoles admis.

Lorsque cette procédure collégiale aboutit à la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie, la prise en charge médicale ne cesse pas pour autant. C’est ce que rappelle l’article R.4127-37-4.

 

([1]) Bernard Devalois « Les mots de la fin de vie », Presses Universitaires du Midi, 2016

Pr Gian Domenico Borasio, Pr Régis Aubry, « La fin de vie Ce que l'on sait, ce que l'on peut faire, comment s'y préparer », Eyrolles, 2016

([2]) P. HECQUARD, « Article R.4127-37 du code de la santé publique et médecins coordonnateurs d’EHPAD, de réseaux de soins palliatifs et de services d’hospitalisation à domicile », 26 juin 2009