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Article 8 - Liberté de prescription

Article 8 (article R.4127- 8 du code de la santé publique)

Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu'il estime les plus appropriées en la circonstance.

Il doit, sans négliger son devoir d'assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l'efficacité des soins.

Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles.

Comme l'indépendance du médecin (article 5), sa liberté de prescrire est soumise aux "données acquises de la science". Il revient au médecin d'appliquer ces données générales à un patient particulier et cela l'amène, parfois, à nuancer la règle : il est alors souhaitable que cet écart soit argumenté par des raisons objectives.

Si la liberté de prescription est un principe fondamental qui va de pair avec l'indépendance professionnelle et la responsabilité du médecin, cette notion a évolué, même si elle reste un élément essentiel de la confiance que porte à son médecin le patient pour que lui soit fait tout ce qui lui est nécessaire.

Depuis quelques années sont apparues des restrictions à cette liberté de prescription. Elles tiennent à des raisons de sécurité (par ex. incompatibilités médicamenteuses). Elles tiennent surtout au développement de médicaments nouveaux - très puissants, dangereux ou réservés à des indications particulières - que leurs effets apparentent à des thérapeutiques majeures (article 40). Se sont ajoutées plus récemment des considérations économiques.

Le code de la sécurité sociale les a prises en compte en son article L.162‑2-1 ainsi libellé : « Les médecins sont tenus, dans toutes leurs prescriptions, d'observer, dans le cadre de la législation et de la réglementation en vigueur, la plus stricte économie compatible avec l'efficacité du traitement ».

La Haute Autorité de Santé diffuse des protocoles détaillés pour guider le médecin dans sa pratique clinique. Ces recommandations assurent au praticien une pratique de qualité en conformité avec les données médicales et éthiques. Cependant, ces protocoles ne dégagent pas les médecins de leurs responsabilités envers les patients.

Cette protocolisation des pratiques est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante. Le médecin soigne une personne qui a le droit d’accepter ou de refuser en tout ou partie le protocole proposé.

  1. Médicaments génériques : Les médecins sont également invités à prescrire des produits génériques. La jurisprudence européenne (note [1]) a confirmé que les autorités nationales chargées de la santé publique pouvaient favoriser la prescription par les médecins de médicaments génériques.

 L’article L.5125-23 du code de la santé publique autorise les pharmaciens à substituer à la spécialité prescrite par le médecin - sauf mention expresse indiquée sous forme exclusivement manuscrite de ce dernier pour des raisons particulières tenant au patient - une spécialité du même groupe générique (voir note 2).

  1. Conditions de prescription particulières : Certains médicaments, en raison des contraintes et risques de leur utilisation, de leur degré d’innovation ou pour d’autres motifs de santé publique sont soumis à des conditions de prescription et de délivrance particulières et classés en cinq catégories (article R.5121-77 du code de la santé publique) :
  • médicament réservé à l’usage hospitalier ;
  • médicament à prescription hospitalière ;
  • médicament à prescription initiale hospitalière ;
  • médicament à prescription réservée à certains médecins spécialistes ;
  • médicament nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement.

L'autorisation de mise sur le marché (AMM) établit le classement de ces médicaments, précise dans quelles indications ils peuvent être prescrits et indique la qualité des prescripteurs. Les conditions de remboursement ou de prise en charge de ces médicaments par les organismes d’assurance maladie sont établies par arrêté ministériel. De ce fait certains produits ne peuvent plus être prescrits par tout médecin, même s'ils sont justifiés par l'état du patient.

  1. Prescription hors AMM : En l’absence de médicaments appropriés à l’état du patient disposant d’une AMM ou d’une autorisation temporaire d’utilisation, des prescriptions hors AMM peuvent être effectuées (voir note 3). Le médecin doit le mentionner expressément sur l’ordonnance et en informer le patient ainsi que de l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée, des risques et bénéfices attendus du médicament et des conditions de sa prise en charge par l’assurance maladie. Cette prescription hors AMM doit être justifiée dans le dossier médical du patient.

  2. Autorisation temporaire d’utilisation : A titre exceptionnel, l’article L.5121-12 (voir note 4) du code de la santé publique permet, sous certaines conditions, l’utilisation de médicaments non autorisés destinés à traiter des maladies graves ou rares, en l'absence d’alternative thérapeutique, lorsque la mise en œuvre du traitement ne peut pas être différée.  
     

Dans tous les cas, le médecin doit assurer au patient les soins que nécessite son état et il pourra même en répondre devant les tribunaux. S'il n'a pas une obligation de résultat, il a une obligation de moyens. En cas d'indication d'un traitement qu'il ne peut prescrire lui-même, il devra donc adresser le patient à un confrère spécialisé, comme il le fait pour l'accomplissement de bien d'autres actes diagnostiques ou thérapeutiques qu'il ne peut réaliser lui-même.

Si les techniques et les thérapeutiques nouvelles sont de plus en plus performantes, elles ne sont pas sans inconvénients parfois majeurs, pour le patient. Le développement professionnel aide le médecin à en connaître les avantages et les conséquences et à en tenir compte pour ne pas faire courir au patient de risques disproportionnés.

Le développement de la vulgarisation médicale, en particulier sur Internet, conduit parfois les patients à réclamer la prescription d'un examen ou d'un traitement dont ils ont entendu vanter les mérites et dont ils croient pouvoir bénéficier. Il revient au médecin d'expliquer pourquoi l'information perçue s'applique ou non à l'intéressé. Il est bien entendu répréhensible, par une prescription de complaisance, de se faire le complice d'une malhonnêteté du patient ou d'un tiers, qui pourrait d'ailleurs être le premier à en souffrir, à le regretter, voire à le reprocher au médecin.


([1]) CJUE 22 avril 2010, Association of the british pharmaceutical Industry, C-62/09

(2) Article R.5125-54 du code de la santé publique : « La mention expresse par laquelle le prescripteur exclut la possibilité de la substitution prévue au deuxième alinéa de l'article L. 5125-23 est la suivante: "Non substituable". Cette mention est portée de manière manuscrite sur l'ordonnance avant la dénomination de la spécialité prescrite. »

 (3) Article L 5121-12-1 du code de la santé publique : « I - Une spécialité pharmaceutique peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation, sous réserve :

1° Que l'indication ou les conditions d'utilisation considérées aient fait l'objet d'une recommandation temporaire d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, cette recommandation ne pouvant excéder trois ans ;

2° Ou que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique du patient.

II - Les recommandations temporaires d'utilisation mentionnées au I sont mises à disposition des prescripteurs.

III - Le prescripteur informe le patient que la prescription de la spécialité pharmaceutique n'est pas conforme à son autorisation de mise sur le marché, de l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée, des risques encourus et des contraintes et des bénéfices susceptibles d'être apportés par le médicament et porte sur l'ordonnance la mention : "Prescription hors autorisation de mise sur le marché”.

Il informe le patient sur les conditions de prise en charge, par l'assurance maladie, de la spécialité pharmaceutique prescrite.

Il motive sa prescription dans le dossier médical du patient (…)».

 (4) Article L.5121-12 du code de la santé publique : « I.- Les articles L. 5121-8 et L. 5121-9-1 ne font pas obstacle à l'utilisation, à titre exceptionnel, de certains médicaments destinés à traiter des maladies graves ou rares, en l'absence de traitement approprié, lorsque la mise en œuvre du traitement ne peut pas être différée et que l'une des conditions suivantes est remplie :

1° L'efficacité et la sécurité de ces médicaments sont fortement présumées au vu des résultats d'essais thérapeutiques auxquels il a été procédé en vue d'une demande d'autorisation de mise sur le marché qui a été déposée ou que l'entreprise intéressée s'engage à déposer dans un délai déterminé;
2° Ces médicaments, le cas échéant importés, sont prescrits, sous la responsabilité d'un médecin, à un patient nommément désigné et ne pouvant participer à une recherche biomédicale dès lors qu'ils sont susceptibles de présenter un bénéfice pour lui et que leur efficacité et leur sécurité sont présumées en l'état des connaissances scientifiques. Le médecin prescripteur doit justifier que le patient, son représentant légal ou la personne de confiance qu'il a désignée en application de l'article L. 1111-6 a reçu une information adaptée à sa situation sur l'absence d'alternative thérapeutique, les risques courus, les contraintes et le bénéfice susceptible d'être apporté par le médicament. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical.

II. ― L'utilisation des médicaments mentionnés au I est autorisée, pour une durée limitée, éventuellement renouvelable par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, à la demande du titulaire des droits d'exploitation du médicament dans le cas prévu au 1° du I ou à la demande du médecin prescripteur dans le cas prévu au 2° du même I.

(…) ».

Conformément à l'article 41 VII de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011, les autorisations accordées sur le fondement des dispositions de l'article L. 5121-12 du code de la santé publique dans leur rédaction antérieure à la promulgation de la présente loi demeurent régies par ces dispositions, y compris pour leur renouvellement, pendant les trois années suivant la promulgation de la présente loi. Ces dispositions continuent également de s'appliquer, pendant la même période, aux nouvelles demandes d'autorisation mentionnées au 2° du I du même article L. 5121-12 si des autorisations de même nature ont déjà été accordées dans la même indication pour le médicament concerné.