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Article 37 -Soulagement des souffrances/Non obstination déraisonnable

Article 37 (article R.4127-37 du code de la santé publique)

En toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l'assister moralement. Il doit s'abstenir de toute obstination déraisonnable et peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie.

 

L’être humain redoute la mort mais plus encore la souffrance, et la déchéance, il désire pour les autres et pour lui-même une mort apaisée.

Les vifs débats qui se sont déroulés au cours des dernières décennies sur cette question de la fin de vie et de son accompagnement  ont conduit les pouvoirs publics, après avoir organisé une réflexion préalable approfondie de la part de personnalités qualifiées et d’experts, et au sein de la société civile, à faire évoluer la réglementation. Deux lois ont été successivement adoptées à 10 ans d’intervalle.

Tout d’abord la loi n°2005-370 du 22 avril 2005 « relative aux droits des malades et à la fin de vie », issue d’une proposition de loi déposée sur la base des travaux de la « mission parlementaire sur l’accompagnement de la fin de vie » présidée par le député Jean Leonetti, médecin. Cette loi modifie le code de la santé publique en y insérant les articles L. 1110-5-1, L. 1110-5-2 et L. 1110-5-3. Elle a essentiellement pour objet d’interdire l’acharnement thérapeutique et de renforcer les droits et l’autonomie de la personne malade. Elle incite à généraliser les soins palliatifs et un accompagnement.

Ensuite  la loi n°2016-87 du 2 février 2016 « créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie » et qui fait suite aux travaux de la mission confiée en juin 2014 par le Premier ministre à MM. Alain Claeys et Jean Leonetti, députés, de proposer des aménagements à la loi susmentionnée sur la fin de vie. Cette loi complète les dispositions des articles L. 1110-5 et suivants du code de la santé publique, issues de la loi du 22 avril 2005, par des dispositions qui renforcent le respect dû à la volonté exprimée par la personne, le cas échéant dans des directives anticipées, et permettent dans certaines conditions une sédation profonde et continue.

Les articles R. 4127-36 et R. 4127-37 du code de la santé publique ont été modifiés en conséquence, en particulier par l’adjonction des articles R. 4127-37-1, -2, -3 et -4.

Les règles pénales n’ont pas été modifiées.
 

I - Douleur

Le soulagement de la douleur fait partie des missions principales de la médecine. Au cours du siècle passé, l’enthousiasme soulevé par les technologies nouvelles, une certaine philosophie du dolorisme, la crainte de nuire avec les prescriptions d’antalgiques majeurs diabolisés par la loi de 1916 sur les médicaments dits stupéfiants, le respect de la « douleur symptôme » alors nécessaire au diagnostic (voir note1) ont occulté ce devoir primordial.

Le comportement du patient, en réponse à la douleur physique, varie en fonction de sa personnalité, de sa culture, de son niveau émotionnel, de son angoisse existentielle ; révolte ou résignation, plainte ou silence, repliement sur soi, agressivité sont les mécanismes psychiques d’adaptation à la souffrance du patient, que devra interpréter le médecin. Il doit tenir le plus grand compte de ce qu’exprime la personne malade, même s'il ne trouve pas de cause à la douleur.

La loi (voir note 2) consacre  le droit de toute personne malade dont l'état le requiert à accéder à des soins palliatifs, un accompagnement et à s'opposer à toute investigation ou thérapeutique. Prolongeant les efforts faits depuis 1980 par la communauté médicale française, elle impose le développement des services et unités de soins palliatifs, organise la formation initiale et le développement professionnel continu des médecins à cette prise en charge, ainsi que la recherche et l'évaluation dans ce domaine (voir note 3).

 

II - Rôle du médecin

Que la douleur soit physique ou morale, épisodique ou continue, chronique ou aigüe, supportable ou intolérable, ou bien « réfractaire » (voir note 4) elle doit être prise en compte, évaluée et traitée.

Devant la personne qui souffre, l'incurable ou le mourant (article R. 4127-38), le médecin obéit à un double impératif : assurer le contrôle de sa douleur et sa prise en charge psychologique. L'intervention du médecin ne peut se réduire aux seuls actes techniques relevant de sa compétence et de son expérience. Il a une écoute attentive et empathique.

a) L'approche du patient ayant une douleur aiguë ou celle du patient douloureux chronique, évoluant depuis plusieurs mois ou même années et dont l'histoire est parsemée d'échecs thérapeutiques, demande au praticien une attention particulière pour évaluer la douleur et décrypter l'expression de la souffrance.
L'importance de l'entretien initial doit être soulignée. Le médecin doit montrer au patient qu'il reconnaît la réalité de sa souffrance, et entend son passé douloureux. Il donne au patient toutes les précisions qu'il demande, ses causes et leurs conséquences, dans un langage clair et adapté à son niveau de compréhension (article R. 4127-35). La démarche étiologique est l'étape suivante ; elle demande une réflexion clinique approfondie et le recours à des investigations complémentaires qui ne doivent pas retarder le traitement simultané de la douleur.

b) Le traitement de la douleur fait appel à des moyens thérapeutiques variés, dont la mise en œuvre est actuellement bien codifiée ; l'emploi des stupéfiants tient une place importante.

La loi rappelle que « Toute personne malade dont l'état le requiert a le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement » (article L. 1110-9 du code de la santé publique). L’article L. 1110-10 du code de la santé publique définit les soins palliatifs comme étant « des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage ».

Quels que soient les obstacles pratiques à la prescription d’analgésiques, ils doivent être levés. Pour autant ne doivent pas être favorisés les usages à des fins de toxicomanie. L'assouplissement de la délivrance des opiacés ne supprime pas les risques auxquels sont exposés médecins et pharmaciens.

La loi rappelle que  le médecin peut prescrire un traitement après une évaluation rigoureuse des risques et bénéfices escomptés. L’intention doit être le soulagement de la douleur.

Les sociétés savantes émettent des recommandations pour la prise en charge de la douleur qui décrivent les indications, les médicaments et leurs modalités d’administration et de surveillance.

L’article R. 4127-38 du code de la santé publique affirme que le médecin « ne doit pas provoquer délibérément la mort ». Si le patient est conscient, il doit recevoir des explications claires sur le traitement et ses risques.

 

III - Refus de l’obstination déraisonnable

Le médecin doit éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations et la thérapeutique.

Tout acharnement thérapeutique est proscrit.

La question se pose avec acuité lorsque le praticien se prononce sur l'incurabilité. Deux possibilités d'erreur sont à évoquer. L'erreur par défaut : l’affection est curable et le médecin renonce trop tôt ; ou au contraire, l'erreur par excès : le médecin impose des investigations invasives, sans projet thérapeutique, et des soins douloureux, difficiles à supporter pour le patient, afin de prolonger sa vie de quelques jours. Le chemin est souvent étroit entre soigner, ce qui est la vocation du médecin et l’obstination déraisonnable qui peut le conduire à faire endurer à son patient des épreuves aussi inutiles que pénibles et souvent douloureuses.

Dans cette prise de décision interviennent non seulement le médecin, grâce à l'évaluation médicale de la situation, du pronostic, des résultats attendus, mais aussi le patient et ses proches et l’équipe de soins. Là encore, une écoute attentive de la personne malade, de ses souhaits, de sa souffrance, un profond respect de sa liberté et de sa volonté, une bonne communication avec les proches sont nécessaires pour maintenir un climat de confiance (voir note5).

La loi confirme tout en la précisant, la liberté de chacun de refuser un traitement (voir note 6). Mais le médecin ne doit pas se contenter d’un seul refus pour dégager sa responsabilité tant morale et déontologique que civile et pénale. Il doit tout faire pour convaincre le patient d’accepter l’intervention ou les soins utiles, a fortiori lorsque leur refus ou leur interruption met la vie du patient en danger et il ne doit pas hésiter à demander l’aide d’un confrère. Le patient doit réitérer sa décision après un délai raisonnable et peut faire appel à un autre médecin.

Le législateur n’a pas désiré fixer la durée de ce délai, conscient que celui-ci est fonction de la situation et du degré d’urgence éventuel. Il appartient au médecin de l’apprécier en conscience.

 

Lorsque la personne malade persiste dans son refus des soins proposés, la mission du médecin ne prend pas fin pour autant. Le traitement des souffrances physiques comme psychologiques doit rester sa préoccupation, après avoir manifesté avec humanité son désaccord sur cette décision. Le praticien peut proposer de faire appel à un confrère sans jamais laisser penser qu'il abandonne son patient.

 

([1]) « L’injection immédiate de morphine, en effet, équivaut à éteindre sa lampe au moment de chercher quelque chose dans l’obscurité », H. MONDOR : « Diagnostics urgents de l’abdomen », Editions Masson, 1979

([2]) Article L. 1110-5 du code de la santé publique : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. Ces dispositions s'appliquent sans préjudice ni de l'obligation de sécurité à laquelle est tenu tout fournisseur de produits de santé ni de l'application du titre II du présent livre.
Toute personne a le droit d'avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté ».
Article L. 1110-9 du code de la santé publique : « Toute personne malade dont l'état le requiert a le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement ».

([3]) Article L. 6111-1 du code de la santé publique ; articles L. 311-8 et L. 313-12 du code de l’action sociale et des familles

([4]) Phénomène algique persistant et incontrôlable malgré la mise en œuvre de moyens adaptés conformes aux données acquises de la science

([5])  J.-M. BOLES, Enjeux éthiques en réanimation, Traité de bioéthique, Tome III édition Erès 2010

([6]) Article L. 1111-4 du code de la santé publique : Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé.
Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif.
Le médecin a l'obligation de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d'interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical. L'ensemble de la procédure est inscrite dans le dossier médical du patient. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l'article L. 1110-10.
Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment.
Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté.
Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical (…) ».