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Article 41 - Mutilation

Article 41 (article R.4127-41 du code de la santé publique)
(commentaires révisés en 2010 )

Aucune intervention mutilante ne peut être pratiquée sans motif médical très sérieux et, sauf urgence ou impossibilité, sans information de l'intéressé et sans son consentement.

Les commentaires ci-dessous sont en cours de révision.

L'amputation d'un membre, l'ablation d'un organe, sont lourdes de conséquences puisque irréversibles. Il va de soi que le chirurgien ne s'y décide qu'en cas de nécessité, parce que les lésions l'imposent, parce qu'agir autrement serait périlleux. Les interventions mutilantes ne sont pas seulement chirurgicales. D'autres thérapeutiques peuvent entraîner la privation d'une fonction majeure, par exemple une stérilisation à la suite d'un traitement médical ou d'une radiothérapie.

Dans tous les cas, le consentement du patient, sauf si son état ne lui permet pas de le donner, est indispensable, encore plus qu'en d'autres circonstances (article 36).

1 - INTERVENTIONS MUTILANTES

1 - L'article 41 insiste sur la gravité de ces interventions. Ce sont les données relevant de l'examen clinique et des examens complémentaires qui dictent la décision.

S'il existe pour le patient une méthode thérapeutique qui permette sans compromettre les chances de guérison, d'éviter une mutilation, elle doit être préférée. Mais ces efforts pour éviter une mutilation au patient ne doivent pas déborder les limites de la prudence. La nature des lésions, leur étendue, leur potentiel évolutif, l'état général du patient, sont les éléments déterminants de la conduite du chirurgien.

2 - Une information claire et complète du patient sur l’intervention proposée, ses conséquences et celles d’une abstention et le recueil précis de son consentement sont plus indispensables que jamais lorsqu'on envisage la nécessité, ou même seulement l'éventualité d'une mutilation.

Même si le patient a exprimé à son médecin une "totale confiance", il ne peut être laissé dans l'ignorance de la décision prise et il ne saurait y avoir à ce sujet un malentendu.

3 - La rédaction de l'article 41 du code ajoute, car aucune règle déontologique n'est absolue, "sauf urgence ou impossibilité". Dans de tels cas, le chirurgien décidera parfois seul ce qui doit être fait.

L'urgence ne dispense pas le médecin, si le patient malade ou blessé n'est pas inconscient, d'avoir avec celui-ci un entretien qui le renseigne ou le prépare, en respectant la réserve et les ménagements nécessaires à cette annonce.

Lorsque le patient est obnubilé ou comateux, on ne peut plus parler de son consentement. La personne de confiance qu’il aurait désigné - ou un membre de la famille - doit être averti de la situation et le chirurgien expose les raisons de l'intervention qu'il propose ou la possibilité prévisible d'être amené à sacrifier un organe.

Mais la conscience du praticien peut être mise à rude épreuve si la personne de confiance, la famille, effrayée par la gravité de l'acte envisagé et peut-être de sa propre responsabilité, oppose un refus catégorique.

Dans cette situation, le principe de procédure collégiale prévue à l’article 37 pourrait être mis en œuvre.

Le médecin décidera en conscience, sous sa propre responsabilité.

4 - Ce peut être au cours de l'intervention que la nécessité d'une action mutilante apparaît. Si, autrefois, les décisions peropératoires étaient relativement fréquentes (erreur de diagnostic entre une tumeur maligne et une tumeur bénigne, erreur sur l'organe atteint : ovaire ou utérus...), actuellement, grâce aux progrès des techniques de diagnostic, de l'imagerie, de la biologie, de la cytopathologie, les rectifications de diagnostic au cours d'une intervention sont devenues rares.

Les chirurgiens demandent aux investigations préopératoires une connaissance précise des lésions et se mettent ainsi à l'abri de surprises. Celles-ci restent cependant possibles. Il est rare alors que le chirurgien puisse interrompre l'intervention, pour avertir le patient réveillé avant de ré-intervenir. En général, il doit assumer seul la décision, en faisant prévenir, si possible, la famille ou le médecin traitant (art.36). Dans tous les cas, il devra en informer le patient dès que possible et lui expliquer sa décision.

5 - La chirurgie du cerveau fournit une situation exemplaire parce que le neurochirurgien, au moment d'intervenir, ne sait pas toujours parfaitement ce qu'il devra faire. Souvent, il opère dans des conditions d'urgence et de gravité. La chirurgie d'exérèse des tumeurs cérébrales peut amener à des résections dont l'étendue n'était pas prévisible.

La neurochirurgie fonctionnelle, la "psychochirurgie" (lobotomie, topectomie, coagulations) ont des indications qui doivent être pesées avec une grande circonspection. Des auteurs ont parlé de "mutilations inadmissibles" parce qu'il s'agit d'atteintes portées à la personnalité du patient, dans des conditions où un consentement valable ne peut être recueilli. Cette chirurgie n'est légitime que dans des cas très étudiés, en fonction de la gravité des symptômes et de l'impossibilité d'obtenir un résultat par d'autres méthodes.

2 - STERILISATION CHIRURGICALE

La suppression irréversible de la fonction de reproduction  est bien une intervention mutilante qui justifie qu’il en soit traité dans les commentaires de l’article 41.

Pour voir clair dans ce chapitre de la déontologie, il faut distinguer les buts visés et les différentes indications de la ligature des trompes ou de la vasectomie.

Ces interventions peuvent avoir trois sortes de motifs : thérapeutique, contraceptif, eugénique.

1 - Stérilisation dans un but thérapeutique

C'est la stérilisation rendue nécessaire par des lésions sérieuses de l'appareil génital. L'information et le consentement du patient sont indispensables ; il se peut toutefois que la mutilation (hystérectomie, salpingectomie double, castration) non prévue préalablement, soit décidée en cours d'intervention, mais cela est rare comme on l'a vu.

Peut être aussi rangée sous cette rubrique la castration pratiquée comme thérapeutique complémentaire de certains cancers. Le patient doit évidemment être prévenu de l'intervention et de ses conséquences.

2 - Stérilisation contraceptive

Ligature des trompes et vasectomie sont le plus souvent pratiquées comme procédé définitif de contraception.

  • Cette intervention est décidée pour des raisons médicales : si l'on a des raisons de prévoir des risques obstétricaux (il a été longtemps classique de ligaturer les trompes après trois césariennes), ou si la femme est atteinte d'une affection contre-indiquant définitivement la grossesse : cardiopathie, néphropathie, toxémie gravidique récidivante, otospongiose, sclérose en plaques, certaines affections mentales...

Elle ne peut être pratiquée sur une personne majeure dont l’altération des facultés mentales constitue un handicap, placée sous tutelle ou curatelle, que lorsqu’il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en œuvre efficacement. L’intervention est subordonnée à l’autorisation du juge des tutelles après avis d’un comité d’expert (voir note 1).

La personne concernée doit recevoir une information adaptée à son degré de compréhension et son consentement doit être systématiquement recherché. Il ne peut être passé outre à son refus.

  • Ou bien la stérilisation est envisagée, comme procédé de contraception simple et sûr, à la demande des intéressés.

Longtemps en France, la stérilisation chirurgicale, sans motif médical a été interdite. Cependant les techniques opératoires se sont perfectionnées, permettant certains succès des tentatives ultérieures de reperméabilisation. Cette possibilité a entraîné un assouplissement des positions déontologiques, aujourd’hui consacrées par la loi.

La stérilisation à visée contraceptive est désormais admise (voir note 2) à la demande d’une personne majeure qui a exprimé « une volonté libre, motivée et délibérée, après une information claire et complète sur les risques médicaux qu’elle encourt et les conséquences de l’intervention ». Un délai de réflexion de quatre mois doit permettre à la personne de mûrir sa décision avant de confirmer sa demande par écrit.

Le médecin n’est jamais tenu de pratiquer cet acte mais il doit informer l’intéressé de son refus dès la première consultation.

3 - Stérilisation eugénique

Parfois appelé « eugénisme négatif », il s’agit de pratiques sous-tendues par une idéologie politique, sanitaire ou directement raciale, mises en œuvre pour empêcher la reproduction des « porteurs de tares » et autres « anormaux psychiques », délinquants, pervers sexuels … notamment en les stérilisant.

Ces pratiques sont unanimement réprouvées.

Elles se distinguent de la stérilisation assez souvent admise, sur demande d’un couple, inspirée par un conseil génétique.

 3 – TRANSSEXUALISME

 Le transsexualisme, transidentité, troubles de l’identité de genre, connu encore sous le terme de syndrome de Benjamin, tend à être plus souvent dénommé dysphorie de genre.

« On entend par transsexuels les personnes qui tout en appartenant physiquement à un sexe, ont le sentiment d'appartenir à un autre. » (voir note 3)

Il n'existe pas actuellement en France de législation spécifique sur ces questions, la jurisprudence prévaut.

Le transsexualisme, au regard des organismes d'assurance maladie, n'est plus actuellement abordé sous l'angle d'une pathologie psychiatrique. En effet, le décret n°2010-125 du 8 février 2010 portant modification de l’annexe figurant à l’article D. 322-1 du code de la sécurité sociale relative aux critères médicaux utilisés pour la définition de l’affection de longue durée : "affections psychiatriques de longue durée", a supprimé les  mots " troubles précoces de l’identité de genre".

Pour autant les médecins comme les chirurgiens sont sollicités par des  personnes qui désirent changer leur apparence afin de la mettre en conformité avec  le sexe  duquel elles se réclament.

Le médecin et le chirurgien interviennent généralement dans un contexte de reconnaissance sociale demandée par ces personnes, qui souhaitent que soit  indiqué, sur leur état civil, le sexe dont elles ont l'apparence.

Il convient de rappeler que la Cour de Cassation, à la suite d’une décision rendue le 25 mars 1992 par la Cour européenne des droits de l’homme (note 4), a décidé le 11 décembre 1992 en Assemblée plénière (note 5) que "lorsqu'à la suite d'un traitement médico-chirurgical subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome de transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique désormais le sexe dont elle a l'apparence".

De la décision de la Cour de Cassation, il ressort que trois conditions cumulatives sont nécessaires à la satisfaction de cette reconnaissance :

  • Le syndrome de dysphorie de genre doit avoir été médicalement constaté.
  • L'intéressé(e) doit avoir subi une opération de réassignation sexuelle
  • L'intéressé(e) doit avoir adopté, outre l'apparence physique du sexe opposé, le comportement social de celui-ci.

Toutefois, dans sa circulaire DACS n° CIV/07/10 du 14 mai 2010 relative aux demandes de changement de sexe à l’état civil, la Chancellerie rappelle que certaines juridictions du fond ont fait droit à des demandes de changement de sexe présentées par des personnes n’ayant pas subi l’opération de réassignation sexuelle mais rapportant la preuve de l’irréversibilité du processus de changement de sexe.

Comme le précise la Haute Autorité de Santé, " le chirurgien qui pratique une opération de réassignation sexuelle doit respecter les conditions de reconnaissance de la dysphorie de genre définies par les autorités."

Aussi, avant d'accéder à la demande d'un transsexuel, il est recommandé de prendre les précautions suivantes :

  • observation clinique prolongée et compétente (expertise endocrinologique et psychiatrique notamment pour repérer d'éventuelles contre-indications)
  • période probatoire d'au minimum une année et psychothérapie d'essai avec le concours d’un spécialiste expérimenté dans les cas de transsexualisme ;
  • consultation de plusieurs spécialistes avant de retenir l'indication d'intervenir chirurgicalement.

Bien que sur le plan pénal, la finalité thérapeutique de la chirurgie de réassignation sexuelle confère au chirurgien l'impunité légale, ce dernier doit argumenter soigneusement sa décision et prévoir d'avoir éventuellement à s'en justifier en cas de litige ultérieur.

Il devra également, comme l'y oblige l'article 35 du code de déontologie délivrer une information loyale, claire et appropriée  sur l'état de la personne, les investigations et les soins qu'il propose.

Il devra recueillir le consentement libre et éclairé de la personne, et ce par écrit.

Enfin, selon les circonstances, le médecin peut estimer se trouver dans la situation prévue à l'article 47 ; il en appliquera alors les dispositions.


(1) Article L.2123-2 du code de la santé publique

(2) Article L.2123-1 du code de la santé publique : « La ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive ne peut être pratiquée sur une personne mineure. Elle ne peut être pratiquée que si la personne majeure intéressée a exprimé une volonté libre, motivée et délibérée en considération d'une information claire et complète sur ses conséquences.
Cet acte chirurgical ne peut être pratiqué que dans un établissement de santé et après une consultation auprès d'un médecin.
Ce médecin doit au cours de la première consultation :

  •  informer la personne des risques médicaux qu'elle encourt et des conséquences de l'intervention ;
  •  lui remettre un dossier d'information écrit.

Il ne peut être procédé à l'intervention qu'à l'issue d'un délai de réflexion de quatre mois après la première consultation médicale et après une confirmation écrite par la personne concernée de sa volonté de subir une intervention.
Un médecin n'est jamais tenu de pratiquer cet acte à visée contraceptive mais il doit informer l'intéressée de son refus dès la première consultation. »

(3) CEDH, Rees c/Royaume-Uni, 10 octobre 1986, req. n° 9532/81 - point I – B / Observation de l'article 8

(4) CEDH, B c/ France, req. n°13343/87

(5) Cass. Ass. Plén., 11 décembre 1992, n°91-11900