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Prescrire un arrêt de travail

Publié le Jeudi 02 mai 2019 Temps de lecture : 10 mn
Arrêt de travail
Les arrêts de travail pour maladie engagent votre responsabilité. Vous devez les prescrire dans le respect des règles de la déontologie médicale.

Qu’est-ce qu’un arrêt de travail ?  

L’indemnisation des arrêts de travail par les organismes d’assurance maladie et les assureurs, par le biais des indemnités journalières et des indemnités complémentaires, repose sur la constatation médicale de l’incapacité de travail effectuée par le médecin traitant.

La prescription d’un arrêt de travail est tout d’abord un acte thérapeutique destiné à un patient dont l’état de santé le requiert. Il engage pleinement la responsabilité du médecin et doit être effectué dans le respect des règles déontologiques (articles 28, 50 et 76 du code de déontologie médicale).

Arrêt de travail et inaptitude au poste  

Les notions d’arrêt de travail et d’inaptitude au poste ne sont pas nécessairement superposables. Le médecin traitant prescrit un arrêt de travail à un patient dont l’état de santé général l’empêche de travailler pour une durée déterminée à la différence du médecin du travail qui étudie plus précisément l’aptitude d’un individu à occuper un poste précis dans un environnement donné.

Pour autant, des liens existent : après un arrêt supérieur à 30 jours, l’employeur doit prendre l’initiative d’envoyer son salarié en visite de reprise par le médecin du travail.

Comment prescrire un arrêt de travail ?  

Utiliser les formulaires prévus

Pour donner lieu à une indemnisation, l’avis d’arrêt de travail doit se faire au moyen d’un imprimé spécifique mis à la disposition des médecins par les organismes d’assurance maladie, téléchargeable sur le site de l’assurance maladie.

Les médecins peuvent également télétransmettre les avis d’arrêts de travail tout en remettant au salarié le volet destiné à l’employeur.

Respecter les règles déontologiques  

Comme le précise l’article 28 du code de déontologie médicale : « La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite ».
  • Effectuer la prescription uniquement après examen du patient et la dater du jour de cet examen.
  • Ne pas établir d’avis d’arrêt de travail faisant état de faits matériellement inexacts sous peine de s’exposer à des sanctions pénales.
  • A défaut de circonstances exceptionnelles, le début de l’arrêt de travail, justifiant l’attribution des indemnités journalières de l’assurance maladie, ne peut être fixé à une date antérieure à sa constatation par le médecin traitant. La prescription d’un arrêt de travail ne peut être effectuée qu’après examen du patient et doit être datée du jour de cet examen.

Les heures de sorties autorisées  

En fonction de sa situation, vous indiquez si les sorties sont autorisées ou non, ou si elles sont libres.
  • Par dérogation, vous pouvez autoriser des sorties libres, en précisant dans l'arrêt de travail avec les éléments d'ordre médical qui les justifient
  • Bien entendu, les sorties libres ne doivent pas soustraire la personne malade aux contrôles qui peuvent être effectués, et celle-ci devra se rendre à une éventuelle convocation du contrôle médical, ou encore être présente après l’avis de passage laissé par le médecin contrôleur.

Exercer dans le respect de la déontologie médicale

En tant que médecin, vous êtes tenu de limiter vos prescriptions, afin de respecter les règles de déontologie médicale Ainsi, la prescription d’un arrêt de travail doit strictement être liée à des justifications d’ordre médical.
Même si les circonstances ne justifient pas un arrêt de travail, vous pouvez inviter votre patient à prendre rendez-vous avec son médecin du travail.

Avis d’arrêt de travail et respect de la vie privée

En tant que médecin, vous êtes tenu de mentionner sur les avis d’arrêt de travail donnant lieu à l’octroi des indemnités journalières les éléments d’ordre médical justifiant l’interruption de travail, selon l’article L162-4-1 du code la sécurité sociale. Cependant, ces justifications ne peuvent entrer en contradiction avec le respect de la vie privée de vos patients :
  • Vous n’êtes pas tenu d’indiquer un diagnostic mais seulement de préciser les éléments cliniques constatés justifiant l’incapacité temporaire de travail.
  • Complétez cette rubrique avec précaution sans aller au-delà des constatations médicales effectuées ; évitez en particulier de mettre en cause des tiers sur la foi des déclarations de votre patient.
  • Ces éléments doivent être uniquement portés sur le volet de l’arrêt de travail destiné au service médical de l’assurance maladie.

Prolongation d’avis d’arrêt de travail

Selon l’article L 162-4-4 du code de la sécurité sociale, en cas de prolongation d’un arrêt de travail, l’indemnisation n’est maintenue que si la prolongation est prescrite par le médecin prescripteur de l’arrêt initial ou par le médecin traitant, sauf impossibilité dûment justifiée par l’assuré et à l’exception des cas définis par décret..
En effet, trois cas particuliers, sont définis par décret du 13 décembre 2004 (article R. 162-1-9-1 du code de la sécurité sociale) devront être justifiés par l’assuré:
  • la prolongation d’arrêt de travail est prescrite par un médecin spécialiste consulté à la demande du médecin traitant ;
  • la prolongation d’arrêt de travail est prescrite par le médecin remplaçant le médecin prescripteur de l’arrêt initial ou le médecin remplaçant le médecin traitant ;
  • la prolongation d’un arrêt de travail est prescrite à l’occasion d’une hospitalisation.
Dans tous les cas, l’assuré devra indiquer le motif pour lequel le médecin prescripteur de la prolongation n’est pas le médecin prescripteur de l’arrêt initial ou le médecin traitant.

Le contrôle des arrêts de travail

Il existe trois types de contrôle :
  • le contrôle des médecins conseils de l’assurance maladie pour les salariés de droit privé ;
  • le contrôle des médecins agréés pour les agents de droit public ;
  • le contrôle des médecins contrôleurs mandatés par les employeurs tenus de verser, en application d’accords conventionnels étendus par la loi, des indemnités complémentaires à l’occasion d’arrêts de travail.

Dans tous les cas,les médecins exerçants ces contrôles sont tenus au mêmes règles déontologiques, exposées aux articles 100 et suivants du code de déontologie médicale consacrés à la médecine de contrôle.

Incompatibilités de contrôle

  • Les médecins contrôleurs ne peuvent pas cumuler cette activité avec celle de médecin de prévention ou sauf urgence du médecin traitant d’une même personne, en vertu de l’indépendance professionnelle du médecin.
Cette interdiction n’est pas toujours respectée : certaines administrations de l’Etat ou certaines collectivités territoriales demandent à des médecins de prévention d’effectuer le contrôle des arrêts de travail. Dès lors, il appartient au conseil départemental de l’Ordre des médecins, si un tel cumul figure dans le contrat qui lui est adressé, d’en alerter le médecin et l’administration co-contractante.

Limites de l’activité de contrôle

  • Face à certaines pathologies, le médecin contrôleur doit se récuser s’il estime qu’il n’est pas compétent pour porter une appréciation sur l’arrêt de travail (article R 4127-101 du code de la santé publique ).
  • Il n’appartient pas au médecin contrôleur de vérifier que le salarié est en effet présent à son domicile pendant l’arrêt, ni qu’il respecte ses heures de sorties autorisées.
En tout état de cause, rappelons que le médecin contrôleur exerce une activité médicale.

Le contrôle médical des arrêts de travail à l’initiative de l’employeur

Le médecin contrôleur doit respecter le code de déontologie médicale, et tout particulièrement l’article R. 4127-105 dudit code.

Le Conseil national de l’Ordre des médecins a publié des recommandations sur le contrôle médical des arrêts de travail à l’initiative de l’employeur :
  • Le médecin contrôleur doit exiger un contrat de l’employeur ou de la société de contrôle et le communiquer à son conseil départemental de l’Ordre.
  • Ce contrat doit préciser la nature des missions du médecin, rappeler les articles du code de déontologie médicale relatifs au contrôle médical et préciser les moyens mis en oeuvre pour assurer le respect de la déontologie médicale.
  • Le contrat doit limiter la mission du médecin contrôleur à la seule appréciation de la justification médicale de l’arrêt de travail au jour du contrôle.
  • Il n’entre pas dans les missions du médecin contrôleur de se prononcer sur l’absence du patient lors d’un contrôle, mais uniquement de consigner les circonstances qui l’ont rendu impossible.
  • En cas de conclusions contraires à celles du médecin qui a prescrit l’arrêt, le médecin contrôleur doit entrer en contact avec le médecin traitant, de préférence avant la communication des conclusions au patient.
  • Le médecin contrôleur doit également signaler au patient que ses conclusions, si elles sont contraires à celles du médecin prescripteur de l’arrêt de travail, permettent à l’employeur de suspendre le versement des indemnités complémentaires, mais sont, dans un premier temps, sans effet sur le versement des indemnités journalières, et laissent au patient la possibilité de s’en tenir aux prescriptions du médecin traitant, sans commettre une faute vis-à-vis de son employeur. Il doit enfin informer le patient de la transmission de ses conclusions (contraires à la prescription initiale) au service du contrôle médical de la caisse qui pourra suspendre le versement des indemnités journalières.
  • Le médecin contrôleur doit se borner à faire état de ses conclusions administratives à l’organisme qui l’a mandaté.
  • La durée du contrat et la rémunération du médecin contrôleur doivent être sans rapport avec le sens de ses conclusions.
  • Le médecin contrôleur ne devrait pas accepter une mission de contrôle s’il n’a pas une expérience certaine de la profession médicale.
  • Le médecin contrôleur devra se récuser chaque fois qu’il estimera, en raison de circonstances particulières, que ses conclusions peuvent être suspectées de partialité.

Relations avec le médecin prescripteur de l’arrêt de travail

« Sauf dispositions contraires prévues par la loi, le médecin chargé du contrôle ne doit pas s'immiscer dans le traitement ni le modifier. Si, à l'occasion d'un examen, il se trouve en désaccord avec le médecin traitant sur le diagnostic, le pronostic ou s'il lui apparaît qu'un élément important et utile à la conduite du traitement semble avoir échappé à son confrère, il doit le lui signaler personnellement. En cas de difficultés à ce sujet, il peut en faire part au conseil départemental de l’Ordre des médecins » (article R 4127-103 du code de la santé publique ).

Respect du secret médical

« Le médecin chargé du contrôle est tenu au secret envers l'administration ou l'organisme qui fait appel à ses services. Il ne peut et ne doit lui fournir que ses conclusions sur le plan administratif, sans indiquer les raisons d'ordre médical qui les motivent » (article R 4127-104 du code de la santé publique ).

Cet article revêt une importance particulière compte tenu des pressions qui peuvent être exercées sur le médecin mandaté par l'employeur pour effectuer son contrôle, ou encore en raison des demandes qui pourraient venir des organes administratifs des caisses d'assurance maladie.