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Le téléconseil personnalisé

Publié le Lundi 30 janvier 2012 Temps de lecture : 5 mn
Quel cadre juridique et déontologique pour les « téléconseils personnalisés » en santé ?
Le téléconseil personnalisé consiste à mettre en relation des internautes qui se connectent à un site avec un médecin qui leur fournir secondairement, à l’occasion d’un entretien téléphonique, « des informations personnalisées ».

Ces sites peuvent afficher que cette activité n’entre pas dans le champ du décret 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine et des actes qu’il énumère, et ne correspond pas non plus à réponse téléphonique telle qu’elle est apportée par les médecins régulateurs des centre 15 ou interconnectés.

Telle n’est pas la position du Conseil national de l’Ordre des médecins.

Où se situe la distinction entre un « téléconseil personnalisé » et une consultation médicale en ligne ou par téléphone ? L’argument de l’absence d’examen clinique n’est pas recevable puisque la régulation téléphonique des appels dans les centre 15 ou interconnectés est bien un acte médical à part entière, sans examen physique. Par ailleurs, l’absence de prescription ne démontre rien, puisqu’un acte médical ne se définit pas ni ne se conclue nécessairement par une prescription médicamenteuse.
Il ne suffit donc pas d’affirmer sur un site Internet que les « conseils personnalisés » ne sont pas des téléconsultations médicales. Encore faut-il le démonter sans ambigüité. D’autant que le « décret télémédecine » débute par ces mots : « Relèvent de la télémédecine définie à l'article L. 6316-1 les actes médicaux, réalisés à distance, au moyen d'un dispositif utilisant les technologies de l'information et de la communication », dont le téléphone fait bien évidemment partie.
En outre, même si cette activité ne relevait pas de la réglementation de la télémédecine, il n’en demeurerait pas moins qu’il s’agirait d’une prestation médicale devant être en conformité avec le code de déontologie médicale, dans son ensemble, tel qu’inséré sous les articles R.4127-1 et suivants du code de la santé publique.
Dans cet ensemble nous relèverons deux points :
  1. Tout d’abord, le médecin ne peut délivrer que des informations loyales, claires et appropriées conformément à l’article R 4127-35 du code de la santé publique, et en assumer la responsabilité conformément à l’article R4127-69 du code de la santé publique. Il doit pouvoir en répondre, en cas de situation contentieuse induite, devant les juridictions ordinales ou de droit commun. A cet effet, il est par conséquent indispensable que ces sociétés intermédiaires mettent à disposition des médecins qui y contribueraient les moyens nécessaires pour leur permettre d’assurer l’enregistrement et la conservation des entretiens médicaux auxquels il est procédé et que ceux-ci ne puissent être altérés. L’internaute devra en être dument averti. Cela pose de toute évidence des questions de confidentialité et de sécurité dans leur conservation et la CNIL doit être consultée. D’ailleurs ces sites collectent des données personnelles via le site Internet d’approche ce qui est soumis aux dispositions de la loi Informatique et Libertés.
  2. Sur le plan de la rémunération des médecins qui apporteraient leur concours à ces sociétés prestataires, les honoraires qui leur seraient versés, si telle était la forme de rémunération, ne sauraient dépendre du nombre d’appels qu’ils recevraient et des réponses qu’ils apporteraient. Il ne pourrait s’agir que d’honoraires relatifs à une vacation horaire, quel que soit le nombre des appels et quand bien même il n’y en aurait aucun. Sinon, cela tomberait soit sous le coup d’un exercice illégal de la télémédecine conformément aux conditions de mise en œuvre définies par le décret, soit d’une contravention aux dispositions de l’article R 4127-53, actuellement en vigueur, du code de la santé publique.
Deux autres points méritent également attention en ce qui concerne cette prestation à titre libéral.
  1. Cette activité relèvera d’une affiliation à la CARMF comme cet organisme nous l’a encore, très récemment, confirmé. Par conséquent, le médecin ne peut pas bénéficier du statut d’auto entrepreneur.
  2. Le médecin devra également être assuré pour ce type de prestation et nous nous rapprocherons des assureurs en responsabilité civile afin de connaitre leur position au regard de l’assurabilité d’une telle activité de « téléconseils personnalisés ».
 
Il suit de l’analyse qui précède, et du contenu de sa publication Déontologie médicale sur le web que le CNOM demande à la puissance publique :
  • De se prononcer sur la place du « téléconseil personnalisé » à un internaute comme prestation médicale dans l’exercice réglementé de la médecine. Le flou juridique doit être levé.
  • D’analyser de quelle manière cette activité s’insérerait dans la réglementation sanitaire spécifique du « décret télémédecine » avec toutes les obligations permettant d’assurer la sécurité des informations données à l’internaute, la protection des données personnelles de santé et leur caractère non marchandisable.
  • De reconnaitre conjointement que les activités médicales de suivi distant - par courriel sécurisé ou téléphone - d’un patient connu correspondent à une nécessité quotidienne, tant en pratique de ville que dans celle d’établissements de santé, et que la réglementation doit en fixer le cadre sécurisé et la valorisation.