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Relations médecins-patients et abus à caractère sexuel

Publié le Mardi 27 mars 2018 Temps de lecture : 5 mn
L'Ordre des médecins rappelle qu’aucune forme d’inconduite à caractère sexuel dans le cadre de l’exercice médical ne saurait être tolérée.
Depuis plusieurs mois la question du harcèlement ou des violences sexuelles dans divers milieux professionnels, dont celui de la santé, sont au cœur de l’actualité et du débat public.
De manière constante et avec la plus grande clarté, l’Ordre des médecins a rappelé qu’aucune forme d’inconduite à caractère sexuel dans le cadre de l’exercice médical ne saurait être tolérée.

L’état actuel du droit et la position de l’Ordre des médecins

Des principes déontologiques clairs et précis


Le droit français réprime le harcèlement et les abus sexuels. Outre leur caractère potentiellement pénal, les comportements sexistes, les inconduites et harcèlements à caractère sexuel de la part d'un médecin sont contraires à l'éthique médicale et constituent une faute déontologique.

Le Code de déontologie médicale édicte clairement les principes généraux relatifs à l’exercice de la médecine. Chaque médecin, quel que soit son statut et ses fonctions, s’engage à le respecter lors de son inscription au Tableau de l’Ordre.

Il affirme en son article 2 que "le médecin, au service de l'individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité". Les commentaires accompagnant le Code précisent au sujet de cet article que le "médecin ne doit pas abuser de sa position notamment du fait de la vulnérabilité potentielle du patient, et doit s’abstenir de tout comportement ambigu (regard, parole, geste, attitude, familiarité inadaptée…) en particulier à connotation sexuelle."

L’article 3 ajoute qu’un médecin "doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine."

L’article 7 rappelle pour sa part que le médecin "ne doit jamais se départir d’une attitude correcte et attentive envers la personne examinée."

Enfin, l’article 31 affirme que "tout médecin doit s’abstenir (…) de tout acte de nature à déconsidérer [sa profession]". 

Il résulte de ces dispositions réglementaires que le médecin ne peut abuser de sa fonction dans le cadre de sa consultation pour avoir avec son patient des gestes voire des relations à caractère sexuels ou même tenir des propos déplacés de nature sexuelle, notamment envers des patients vulnérables, du fait de leur état pathologique ou de leur situation.

La relation médicale, entre un médecin et un patient, doit être sous-tendue par des comportements de confiance, de respect et d'empathie. Elle est aussi caractérisée par l'asymétrie entre le médecin consulté pour ses connaissances médicales et le patient qui éprouve la maladie. Cette asymétrie est d'autant plus grande que le patient est vulnérable soit en raison de son âge, de sa personnalité et de la gravité ressentie ou avérée de son état de santé. En aucun cas, du fait de sa situation médicale ou sociale, le médecin ne doit abuser de l’ascendant naturel que lui confère son savoir.

L’Ordre est engagé contre toute forme d’abus à caractère sexuel

L’Ordre des médecins tient à rappeler qu’il lutte activement contre tout abus à caractère sexuel dans l’exercice pratique de la médecine car il s’agirait d’un manquement déontologique particulièrement grave.

Aussi, en novembre 2017, le Conseil national de l’Ordre des médecins a tenu à rappeler, dans une communication envoyée aux conseils départementaux de l’Ordre, les règles applicables en cas d’atteinte aux principes déontologiques en raison d’actes à caractère sexuel.

À cette occasion, l’institution a fixé 3 principes majeurs devant structurer la réponse de la profession à ce type d’actes : sanction, transparence, et prévention.
  • Principe de la sanction : Chaque cas est particulier. C'est à la juridiction disciplinaire, en première instance et en appel, de sanctionner en toute indépendance (et de le faire savoir).
  • Principe de la transparence : Il faut que les plaignants, au niveau du Conseil départemental, lequel conseil ne dispose pas de pouvoir disciplinaire, soient reçus et entendus avec une neutralité bienveillante avec l’obligation, dès réception de signalements d’inconduites à caractère sexuel, d’en prendre acte et d’entamer systématiquement la procédure habituelle.
  • Principe de la prévention : Il est nécessaire que les médecins soient sensibilisés à ces questions ; les inconduites à caractère sexuel doivent être combattues. Le rôle de l'Institution vise à rappeler la nécessité de sensibiliser les étudiants et les médecins à ces comportements tout au long de leur cursus universitaire et professionnel.

Faut-il faire évoluer le droit en vigueur ?

Le Conseil national de l’Ordre a reçu l’initiateur de la pétition qui circule pour lui exposer les raisons pour lesquelles cette initiative lui paraissait inappropriée.

L’Ordre entend bien les propositions qui viseraient à inscrire dans le code de déontologie un article supplémentaire qui interdirait toute relation sexuelle, même librement consentie, entre un médecin et son patient.

L’Ordre estime cependant qu’une telle disposition, et son inscription dans un texte réglementaire, serait une intrusion dans la vie privée de personnes libres et consentantes. Cela lui parait en outre inutile, dès lors que les textes actuellement applicables et appliqués permettent de réprimer en droit disciplinaire tous les abus de faiblesse sur personne en situation de vulnérabilité, y compris en matière sexuelle.

L’interdiction, par voie réglementaire, de relations sexuelles librement consenties entre un médecin et son patient contreviendrait selon l’Ordre des médecins aux principes de la liberté des personnes. L’Ordre rappelle que la Convention européenne des Droits de l’Homme, en son Article 8, établit que "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance."

Dès lors si le Conseil national estime infondée, et inopérante en pratique, une demande de modifier le code de déontologie médicale sur ce point, il poursuivra en même temps activement ses engagements, rappelés ci-dessus, pour une lutte déterminée contre toutes sortes d’abus à caractère sexuel que des médecins commettraient.