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Extension de l'Aide médicale à la procréation (AMP)

Publié le Jeudi 20 septembre 2018 Temps de lecture : 4 mn
L’éthique et la déontologie médicales ne sauraient permettre de s’opposer à cette demande sociétale.
L’extension de l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) aux femmes seules et aux couples de femmes homosexuelles est un sujet d’actualité qui pose question, dans la population comme au sein du corps médical, notamment parce que cette extension transformerait l’objet de l’AMP : il ne s’agirait plus de répondre à une situation pathologique, mais de satisfaire un projet qui relève d’un choix personnel.

Depuis plusieurs années l’Ordre des médecins suit cette question avec attention. Le CNOM a ainsi mené de nombreuses auditions de scientifiques, de responsables politiques et associatifs, d’institutions diverses, afin de ne pas enfermer l’institution qui représente l’ensemble des médecins dans une réflexion étriquée, en refusant de prendre en compte les évolutions de la science et – surtout – des désirs de la société.

Il est incontestable que la demande d’extension de l’AMP est essentiellement sociétale. Mais la réponse que nous y apporterons ne saurait être uniquement technique, si l’on veut éviter les dérives commerciales ou les procédés aléatoires de conception sans contrôle. Nous devons, collectivement, nous interroger sur les grands principes éthiques que questionnerait une extension :
  • L’autonomie de la personne. Celle-ci doit être respectée, tout comme celle du médecin : laisser à la femme le libre-choix, laisser au médecin le choix de sa réponse, en respectant le principe de non-discrimination. Se pose certes la question de l’articulation entre clause  de conscience et non-discrimination, mais il est certain qu’un refus qui reposerait uniquement sur les orientations sexuelles de la femme faisant une demande d’AMP pourrait être constitutif d’une discrimination ;
  • La bienfaisance. Répondre à une demande d’AMP, c’est répondre à la souffrance d’une personne. Cette souffrance, le médecin doit l’entendre au même titre que les autres, avec empathie et disponibilité ;
  • L’absence de malfaisance. Accompagner dans un tel projet, s’empêcher de tout prosélytisme, écouter, conseiller : le médecin ne saurait être malfaisant sauf s’il opposait un refus catégorique ;
  • Justice. Comment apprécier l’inégalité de possibilités lorsque l’on sait que certaines femmes peuvent mener à bien ce qui leur tient tant à cœur parce qu’elles en ont les moyens, celui de se déplacer hors de nos frontières ou de faire face à des frais divers ?
Il semble clair que l’extension de la PMA telle qu’elle est aujourd’hui proposée ne trouve pas d’obstacle majeur face aux règles fondamentales de l’éthique du médecin. Les quatre principes ne seraient en aucun cas ébranlés par une éventuelle évolution de la loi en faveur des femmes seules ou homosexuelles en couple.

Même si certains de ses principes sont inaliénables, la déontologie n’est pas gravée dans le marbre de façon immuable et doit s’adapter aux évolutions de la science et à celles de nos lois. Aucun article aujourd’hui ne permet de repousser une telle évolution au motif d’atteinte à la déontologie.

Cela ne veut pas dire que l’ensemble des questions éthiques et pratiques que soulève l’extension de la PMA soient résolues. Se pose par exemple le problème du stock des gamètes, dont on ne sait s’il serait toujours suffisant pour satisfaire toutes les demandes ; celui d’une hiérarchisation dans l’acceptation des dossiers qui aboutirait à une discrimination inacceptable sur le plan déontologique ; celui de l’appariement en fonction du seul morphotype de la mère et de souhaits exprimés...

La question de la prise en charge par la solidarité nationale se posera aussi. Y répondre ne relève pas du rôle de l’Ordre ; elle échappe donc à sa réflexion.

Il y a aussi d’autres questions régulièrement évoquées. Il en est ainsi du « droit à l’enfant » - il s’agit en fait du droit d’accès à l’AMP. Là encore, il ne revient pas à l’Ordre des médecins d’affirmer qui doit et qui ne doit pas y avoir accès.

L’Ordre ne doit pas être une instance moralisatrice face à une demande sociétale. Si la société veut une AMP élargie aux femmes seules ou homosexuelles en couple, c’est à elle de trancher. L’Ordre ne peut s’y opposer.

De quel droit l’Ordre des médecins pourrait-il s’opposer au projet d’une personne désirant un enfant et qui souffre de cette situation ? N’est-il pas du devoir du médecin, en dehors de tout prosélytisme, d’apaiser les souffrances physiques et psychiques et d’accompagner la personne dans la réflexion à mener au sujet de sa demande ?

Quant à l’évolution vers une GPA ? Soyons clairs : cette question n’est pas liée à l’AMP. Il ne faut pas entretenir une confusion qui serait trompeuse et grave. L’Ordre ne s’exprime ici que sur l’extension de l’AMP.