Le webzine de l'Ordre des médecins - Les clés de l'information santé

WebzineSanté

#17
Juin 2022
Lucas
Dr Patrick Bouet
Président du Conseil national de l’Ordre des médecins
« La santé sexuelle s’inscrit pleinement dans le parcours de santé de chacun de nos patients »

La santé sexuelle est définie par l’Organisation mondiale de la santé comme « un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social en matière de sexualité, ce n’est pas seulement l’absence de maladie, de dysfonctionnement ou d’infirmité. »

C’est dire si la santé sexuelle s’inscrit pleinement dans le parcours de santé de chacun de nos patients de toutes conditions et de tous âges, en particulier aux périodes charnières de leur vie. Elle fait ainsi l’objet d’une stratégie interministérielle nationale (2017-2030), dont les priorités principales sont la promotion de la santé sexuelle, en particulier en direction des jeunes, l’amélioration du parcours de santé en matière d’infections sexuellement transmissibles et de santé reproductive, la réponse aux besoins spécifiques des populations les plus vulnérables, et la prise en compte dans son axe 5 des spécificités de l'Outre-mer.

Le médecin tient une place centrale dans ce sujet majeur de santé publique. Son rôle est essentiel dans la coordination du parcours de santé du patient à l’échelle de son territoire de vie.

Dans ce webzine, il est question de procréation, de contraception mais peut-être surtout de prévention et d’éducation à la santé sexuelle : les « décennies sida » et le terrible retard vaccinal contre les infections à papillomavirus humains (HPV) chez les jeunes sont des exemples de l’urgence à nous mobiliser.

On y parle bien sûr également de prévention des violences sexuelles, sujet majeur sur lequel l’Ordre est particulièrement vigilant, et de lutte contre les discriminations liées au sexe.

Nous n’avons pas souhaité être exhaustifs, mais illustrer des enjeux forts pour les médecins et pour l’Ordre, et donner la parole à des interlocuteurs d’horizons différents, qui agissent au quotidien.

L'âge médian
du premier rapport sexuel.

17 ans
pour les garçons
17,6 ans
pour les filles

Utilisation des préservatifs lors des premiers rapports sexuels chez les jeunes de 15 à 25 ans.

14%
en 1985
80%
en 2015

En France

1. Pilule (42%)
2. Stérilet (25%)
3. Préservatif (12%)
  • Les moyens de contraception les plus utilisés par les femmes âgées de 15 à 49 ans.
  • 92 % des femmes de 15 à 49 ans utilisent un moyen de contraception.
Environ
200 000 IVG
ont lieu chaque année
2 femmes sur 3
ayant recours à une IVG
utilisent un moyen
de contraception
Chaque année,
3 000 femmes
sont atteintes d'un cancer
du col de l'utérus.
Pour 1 000 femmes,
il est mortel

Le VIH en France :

4 900
nouveaux cas en 2020

6 628
nouveaux cas en 2010

Nombre d'utilisateurs de la PrEP,
traitement préventif contre le VIH :

42 159 en 2021
20 478 en 2019

Ce cancer pourrait être complètement évitable grâce à la vaccination et au dépistage. La vaccination est recommandée pour toutes les jeunes filles et tous les jeunes garçons de 11 à 14 ans.


En 2020 :
33 % des jeunes filles de 16 ans étaient vaccinées contre le HPV.
59 % des femmes de 25-65 ans étaient dépistées, sur une période de trois ans.

Rapportent avoir subi au moins
une forme de violence sexuelle
dans leur vie :

1 femme sur 7
1 homme sur 25

1870 victimes
d'actes homophobes et
transphobes recensés en 2019

33 % des cas : injures et outrages
28 % des cas : violences physiques et sexuelles

Dans le monde

47 000 femmes
meurent des suites
d'un avortement à risque.

225 millions
de femmes n'ont pas
accès à une contraception.

37,7 millions de personnes vivent
avec le VIH, dont 1.7 million d'enfants.
1.5 million de nouvelles infections
au VIH en 2020.

80% chez les jeunes filles, 75% chez les garçons : le taux de vaccination HPV
en Australie, atteint grâce à une large campagne menée depuis 2007.
Selon les modélisations, le cancer du col de l'utérus pourrait avoir complètement disparu à l'horizon 2034.

L’information et l’éducation sexuelle

L’éducation à la sexualité en milieu scolaire est une obligation depuis la loi Aubry du 4 juillet 2001. Plusieurs circulaires ont depuis été publiées, la dernière datant de 2018, pour enrichir et rappeler ces obligations.

À l’école primaire, il n’y a pas de cours dédié à l’éducation sexuelle. L’Éducation nationale prévoit néanmoins que des temps consacrés à l’éducation à la sexualité, identifiés comme tels, peuvent exister. Ils doivent être adaptés aux opportunités fournies par la vie de la classe ou de l’école, et incombent au professeur des écoles.

Dès le collège et au lycée, trois séances par an au minimum sont prévues au programme. Doivent être abordés : le respect de son corps et de celui des autres, la lutte contre les stéréotypes liés au genre ou à l’orientation sexuelle, la prévention des violences sexistes et sexuelles, l’égalité femmes-hommes, la contraception, les maladies sexuellement transmissibles, les dangers de la pornographie, etc. Ces cours sont assurés par un professeur de SVT qui peut être assisté d’un intervenant extérieur (médecin, sage-femme, gendarme, assistante sociale…).

Cependant, ces obligations sont peu suivies, comme le démontre le rapport relatif à l’éducation à la sexualité du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, publié en 2016 : « Parmi les 12 millions de jeunes scolarisés chaque année, seule une petite minorité bénéficie tout au long de leur scolarité de séances annuelles d’éducation à la sexualité, comme la loi l’a prévu. »

Sources :

La prévention des infections sexuellement transmissibles

La prévention des infections sexuellement transmissibles (IST) est primordiale. Il en existe plus d’une trentaine, provoquées par des agents infectieux. Elles se transmettent principalement par contact lors d’un rapport sexuel, mais peuvent aussi se transmettre pendant la grossesse et l’accouchement, de la mère à l’enfant.

Parmi les huit IST les plus fréquentes en France, quatre sont bactériennes ou parasitaires : la syphilis, la gonorrhée, la chlamydiose et la trichomonase. Elles se guérissent bien lorsque diagnostiquées. Les quatre autres sont virales : l’hépatite B, l’herpès génital, le VIH et le papillomavirus humain (HPV). Elles sont plus difficiles, voire impossibles à guérir.

En prévention primaire, l’usage du préservatif est aujourd’hui le moyen le plus efficace. Dans les cas de l’hépatite B et du papillomavirus, il existe également des vaccins. Le premier est obligatoire pour les nourrissons depuis le 1er janvier 2018, et est recommandé pour ceux nés avant. Le second est recommandé pour les filles et les garçons âgés de 11 à 14 ans, avec un rattrapage possible jusqu’à 19 ans. Cette vaccination permet de prévenir les infections par les virus responsables de 70 à 90 % des cas de cancer du col de l’utérus.

En prévention secondaire, le dépistage est indispensable. Même vaccinées contre le HPV, les femmes doivent réaliser des frottis réguliers, dès l’âge de 25 ans. Le dépistage des autres IST, et notamment du VIH, est une arme redoutable pour éviter la propagation du virus et bénéficier d’une meilleure prise en charge.

Sources :

La santé reproductive

Dans la Stratégie nationale de santé sexuelle, la santé reproductive regroupe la contraception, les interruptions volontaires de grossesse (IVG) et la prévention de l’infertilité. Le ministère de la Santé en donne cette définition : « La santé reproductive implique la possibilité d’avoir une sexualité responsable, satisfaisante et sûre ainsi que la liberté pour les personnes de choisir d’avoir des enfants si elles le souhaitent et quand elles désirent. »

Légalisée en 1967, la pilule est remboursée par la Sécurité sociale depuis 1974. Aujourd’hui, en France, 92 % des femmes âgées de 15 à 49 ans déclarent utiliser un moyen de contraception. La pilule reste le moyen de contraception médicalisée le plus utilisé avec 42,7 %. L’implant et le dispositif intra-utérin (DIU) arrivent ensuite, et souvent par des femmes plus âgées ou qui ont déjà eu un enfant. Depuis le 1er janvier 2022, le coût de la contraception et les actes qui y sont liés (consultation, pose de stérilet, etc.) sont pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie pour toutes les femmes, jusqu’à 25 ans.

En France, l’IVG est légale depuis 1975. Deux méthodes sont possibles pour pratiquer une IVG : médicamenteuse ou chirurgicale, en fonction de l’avancée de la grossesse. Dans tous les cas, l’intervention est prise en charge à 100 % par l’Assurance maladie. Depuis le 2 mars 2022 et la loi visant à renforcer le droit à l’avortement, le délai légal pour avoir recours à une IVG est passé de 12 à 14 semaines de grossesse. On estime qu’une femme sur trois aura recours à une IVG au cours de sa vie.

Intime, douloureux, le sujet de l’infertilité peine à occuper une place centrale dans le débat public. Pourtant, 3,3 millions de Français y sont confrontés : un chiffre en hausse d’année en année. Plusieurs raisons à cela : le recul de l’âge de la maternité chez les femmes, mais aussi des facteurs environnementaux ou médicaux comme l’endométriose ou le syndrome des ovaires polykystiques chez les femmes.

Sources :

La prévention des violences sexuelles

Tous les actes sexuels commis avec violence, contrainte, menace ou surprise sont des violences sexuelles. Leur prévention s’inscrit dans le champ de la santé sexuelle. Chaque année, en France, le nombre de femmes entre 18 et 75 ans qui sont victimes de viols ou de tentatives de viol est estimé à 94 000. Il s’agit là d’une fourchette basse. Les cas de violences sexuelles enregistrés par les services de police et de gendarmerie ont augmenté de 33 % en 2021. Et si les femmes sont les plus touchées par ces violences, les hommes en sont également victimes : au cours de la vie, une femme sur sept et un homme sur vingt-cinq déclarent avoir vécu au moins une forme d’agression sexuelle. On estime toutefois que l’ampleur des violences sexuelles est sous-évaluée. Celles qui se déroulent au sein d’un couple ou d’une famille, notamment, sont difficiles à identifier.

Prévenir les violences sexuelles, c’est aussi s’adresser à un public plus vulnérable, plus exposé à la prostitution et à l’usage de drogues, au VIH et aux IST.

Sources :

La lutte contre les discriminations

L’Organisation mondiale de la santé le précise bien dans sa définition: « La santé sexuelle exige une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles agréables et sécuritaires, sans coercition, ni discrimination, ni violence. » La lutte contre les discriminations liées aux sexualités, aux identités et aux orientations sexuelles doit être une priorité. Aujourd’hui, en France, 31% des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes ont été victimes d’actes homophobes au cours des 12 derniers mois.

Les personnes atteintes du VIH sont également fortement discriminées. Une enquête de Sida Info Service, publiée en 2020, rapportait que près de 3 personnes atteintes du VIH sur 5 estimaient avoir été victimes de discrimination en raison de leur séropositivité. Les préjugés ont la vie dure. Selon un sondage IFOP mené en 2022, 23% des jeunes pensent que le virus du Sida peut se transmettre en embrassant une personne séropositive.

Sources :

Pr Patrick Yeni
Pr Patrick Yeni
Médecin infectiologue, président du Conseil national du Sida, ex-président du comité de pilotage de la Stratégie nationale de santé sexuelle.
Pr Éric Billaud
Dr Éric Billaud
Infectiologue, président du Corevih des Pays de la Loire, membre du Haut conseil de santé publique.
Joëlle Belaisch-Allart
Dr Joëlle Belaisch-Allart
Gynécologue, responsable du pôle Femme-Enfant au CH de Saint-Cloud, présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).
Les Français sont-ils en bonne santé sexuelle ?
Pr Patrick Yeni

Pr Patrick Yeni / La santé sexuelle est un concept protéiforme qui ne se résume pas à la seule prévention des infections sexuellement transmissibles (IST). Il est donc difficile de répondre à cette question. Cependant, plusieurs indicateurs fournissent des pistes de réflexion.

Une récente enquête IFOP nous apprend par exemple que 35 % des femmes françaises ne sont pas satisfaites de leur vie sexuelle. Autre exemple : le mouvement de lutte contre les violences sexistes et sexuelles #Metoo traduit un profond dysfonctionnement qui impacte forcément l’état général de santé sexuelle de la population. Tandis que la récente évolution normative vers plus d’égalité entre hommes et femmes continue de se heurter à des stéréotypes de genres persistants.

Du côté des IST, les diagnostics de séropositivité et de syphilis sont en légère diminution.

En revanche, les cas d’infections dues aux bactéries chlamydia et gonocoque augmentent fortement. Ces chiffres datent de 2019, c’est-à-dire avant le début de la pandémie de Covid-19 qui a rebattu les cartes.



Dr Eric Billaud

Dr Eric Billaud / Il est extrêmement complexe de dresser un état des lieux de la santé sexuelle des Français car il faut tenir compte de la qualité des relations sexuelles et affectives, des droits humains, de l’autonomie en sexualité, etc. La santé sexuelle fait appel à deux notions fondamentales : être satisfait de sa sexualité et respecter son ou ses partenaire(s). Je crains qu’à ce niveau-là, la situation ne soit pas satisfaisante. En effet, les violences sexuelles et l’absence de consentement restent deux problèmes majeurs. Les inégalités sociales de santé jouent aussi un rôle important en matière d’accès à une bonne santé sexuelle.

En revanche, en France, nous avons la chance de bénéficier d’une offre importante de structures capables de prendre en charge les questions de santé sexuelle : CeGIDD, centres de planification et d’éducation familiale, Espaces vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars), etc.

Dr Joëlle Belaisch-Allart

Dr Joëlle Belaisch-Allart / Si vous m’aviez posé la question il y a deux ans, ma réponse aurait été différente. Mais la Covid-19 a altéré la santé sexuelle des Français (lire ci-dessous).

Je reste inquiète de la pénurie de gynécologues-obstétriciens en France et des sages-femmes en salle d’accouchement. En 2021, la parole s’est libérée autour des maltraitances gynécologiques et obstétriques. Ces cas inadmissibles concernent une minorité de praticiens. Mais nous avons entendu l’inquiétude. Celle des femmes, mais aussi celles de tous les professionnels. C’est pourquoi le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a publié en octobre 2021 une charte de bonnes pratiques. Le texte a un objectif : rétablir la confiance entre les patientes et leur médecin.

Quels sont les effets, positifs comme négatifs, de la pandémie de Covid-19 sur la santé sexuelle ?
Pr Patrick Yeni

Pr Patrick Yeni / L’épidémie de Covid-19 a profondément et durablement déstabilisé le recours aux dépistages du VIH. Une diminution massive du nombre de tests VIH réalisés en laboratoires de ville a été observée pendant, mais aussi après le confinement. Résultat, aujourd’hui on maîtrise moins la circulation du virus et la prise en charge est retardée.

Autre constat très inquiétant, l’effondrement en 2020 des traitements de prophylaxie préexposition (PrEP). Cette stratégie de prévention du VIH consiste à prendre un médicament antirétroviral pour éviter d’être contaminé par le VIH.

De façon plus positive, la pandémie a permis un essor des outils numériques dans le domaine de la santé. Nous devons nous interroger sur la place, par exemple, de la téléconsultation ou des offres de services en ligne dans la stratégie de prévention, dépistage et prise en charge précoce de l’infection par le VIH et des IST.

Dr Eric Billaud

Dr Eric Billaud / Je ne vois malheureusement pas beaucoup d’effets positifs. La pandémie de Covid-19 a entraîné des répercussions sur la sexualité dans le monde entier dans la mesure où elle a modifié et compliqué les relations amoureuses entre individus. Les confinements, les restrictions, les gestes barrières ont impacté la fréquence des rapports sexuels, le désir sexuel, la possibilité pour les célibataires de faire des rencontres. Il y a également eu une baisse de l’offre de dépistage des infections sexuellement transmissibles et une augmentation des violences intrafamiliales. Les questions de santé sexuelle sont étroitement liées à la santé mentale, et celle-ci s’est dégradée chez de nombreux Français ces derniers mois. Par ailleurs, la pandémie de Covid-19 ne doit pas nous faire oublier que celle du VIH, qui court depuis 40 ans, n’est pas terminée.

Dr Joëlle Belaisch-Allart

Dr Joëlle Belaisch-Allart / La pandémie a modifié de nombreux comportements en lien avec la santé sexuelle : sexualité, contraception, reproduction, etc. Par exemple, nous constatons une très forte chute de la natalité, comme nous n’en avions pas connu depuis 1945. L’assistance médicale à la procréation a été freinée puisque des équipes soignantes ont été affectées aux unités de lutte contre la Covid-19. Du côté de la contraception, nous avons vécu deux années de « tunnel », où l’accès aux gynécologues de ville était complexe, ce qui a certainement engendré des retards de diagnostic.

La bonne nouvelle vient de la baisse du nombre d’IVG. Cette tendance s’explique par une moindre fréquence des rapports sexuels durant les périodes de restrictions sanitaires. On peut espérer que la gratuité des moyens de contraception pour toutes les femmes de moins de 26 ans, depuis le 1er janvier 2022, fasse perdurer cette diminution des IVG.

Quels leviers actionner pour tendre vers une meilleure santé sexuelle de la population ?
Pr Patrick Yeni

Pr Patrick Yeni / L’information, notamment des jeunes et des populations à risques, est une priorité pour favoriser l’accès à une bonne éducation à la santé sexuelle. Cette exigence passe par une meilleure formation des professionnels de santé, des personnels éducatifs, des acteurs associatifs, etc. Nous devons agir en profondeur sur la perception de la santé sexuelle, renforcer l’égalité de genre et la lutte contre les discriminations et les violences sexuelles.

Ces objectifs font partie intégrante de la deuxième feuille de route 2021-2024 mise en œuvre par la Stratégie nationale de santé sexuelle, dont beaucoup d’actions impliquent les généralistes.

Nous devons également renforcer l’accès à la prévention, aux dépistages et aux soins des personnes vulnérables et éloignées du système de santé. La généralisation en 2022 de l’accès gratuit et sans ordonnance aux tests de dépistage VIH dans les laboratoires privés illustre cette volonté.

Dr Eric Billaud

Dr Eric Billaud / La prise en charge en santé sexuelle est répartie entre différents professionnels : infectiologues, urologues, sexologues, gynécologues, généralistes. Chacun agit dans son coin et la santé sexuelle n’est pas envisagée dans sa globalité.

La Stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030 tente de mettre autour de la même table tous les acteurs concernés par ces enjeux.

Nous devons également nous atteler à clarifier, pour le grand public, l’offre en santé sexuelle. Que l’on soit adolescent ou jeune adulte, que l’on ait une question sur son orientation sexuelle ou besoin d’un dépistage VIH, on ne sait pas toujours vers qui se tourner. Nous avons besoin de centres de santé sexuelle clairement identifiés, avec des cahiers des charges communs. J’ajouterai un mot sur l’importance de l’éducation à la santé sexuelle dès le plus jeune âge afin de renforcer le respect de l’autre, l’égalité des sexes, l’estime de soi et la non-discrimination.

Dr Joëlle Belaisch-Allart

Dr Joëlle Belaisch-Allart / Il est primordial de promouvoir et d’inculquer, dès le collège, les valeurs de respect mutuel entre les partenaires. C’est la condition essentielle d’une bonne santé sexuelle des femmes et des hommes. Par ailleurs, il me semble important que chaque femme puisse avoir en permanence avec elle un contraceptif d’urgence.

Enfin, j’appelle à suivre et déployer les mesures des plans nationaux qui existent déjà, comme le « plan fertilité ». C’est un enjeu de santé publique majeur qui touche directement 3,3 millions de personnes en France. La récente Stratégie nationale de lutte contre l’endométriose est une initiative que le CNGOF attend depuis plusieurs années. Elle permet de mettre en place des actions de formation de l’ensemble des professionnels de santé médicaux et paramédicaux, et d’entamer des réflexions sur une organisation territoriale de soins adaptée à chaque patiente en fonction du niveau de gravité de sa pathologie.

Dr Marion Aupomerol
« Créer une véritable offre d’oncosexologie partout en France. »
Dr Marion Aupomerol, gynécologue et sexologue à l’Institut Gustave-Roussy.
« Créer une véritable offre d’oncosexologie partout en France. »

Face à une maladie grave, quelle place occupe la sexualité ? Est-ce un sujet tabou ? Beaucoup de problématiques émergent une fois le diagnostic posé. Les traitements pour lutter contre le cancer peuvent provoquer une sécheresse des muqueuses, des douleurs, un manque de désir. Sans oublier l’impact psychologique de l’annonce de la maladie. Comme dans l’ensemble de la société, la sexualité reste taboue chez les soignants et les patients. Depuis quelques années, médias, réseaux sociaux, associations de patients et même soignants se saisissent de cette thématique qui doit être considérée comme un véritable soin de support car elle retentit sur la qualité de vie des malades. Par ailleurs, certaines femmes jeunes qui n’ont plus de rapports sexuels en raison de l’hormonothérapie remettent parfois en cause la prise de leur traitement.

Vous achevez bientôt un diplôme interuniversitaire de sexologie. Pour quelles raisons avez-vous suivi cette formation complémentaire ? En tant qu’interne de gynécologie, lors de mon stage à Gustave-Roussy, j’ai vite ressenti le besoin d’explorer des notions plus intimes, plus subtiles de la sexualité face aux patientes qui me faisaient part de ce type de problématique. N’étant pas formée à ces sujets, ni armée pour leur répondre, je me suis souvent retrouvée en difficulté. En tant que gynécologues, nous travaillons principalement sur le versant médical, physique, mécanique. Ce cursus de sexologie renforce notamment mes compétences sur le versant plus psychologique, domaine dans lequel la formation de médecin pèche encore. En parallèle, j’ai consacré ma thèse à un sujet qui me tenait particulièrement à cœur lors de mon parcours d’interne : les difficultés de communication entre les femmes atteintes d’un cancer du sein et les soignants en matière de santé sexuelle.

En novembre 2020, vous avez lancé les consultations de santé sexuelle à l’Institut Gustave-Roussy. De quoi s’agit-il ? Deux demi-journées par semaine, ces consultations s’adressent à toutes les femmes suivies pour un cancer à Gustave-Roussy. L’objectif est de les écouter, les informer sur leur santé sexuelle au sens large. Je leur propose aussi systématiquement de les examiner. J’effectue un important travail de réassurance. Je leur explique par exemple que le manque de désir n’est ni leur faute ni une fatalité. Il existe des solutions. En sortant de la consultation, les patientes ont moins de pression sur les épaules, elles ont pu poser librement des questions et être, en partie, rassurées. Elles n’ont pas toujours la possibilité d’avoir ces discussions avec leur gynécologue de ville.
La consultation en santé sexuelle est maintenant bien connue des professionnels de l’Institut. Cela donne une solution aux soignants face aux problématiques exposées par leurs patientes et leur permet d’aborder le sujet plus facilement puisqu’ils savent qu’ils ont des ressources derrière. Des internes sont parfois présents à mes côtés lors de la consultation afin de sensibiliser les futurs médecins aux questions de santé sexuelle. Pour aller plus loin, il est dorénavant nécessaire de créer une véritable offre d’oncosexologie partout en France pour que les femmes – mais aussi les hommes – soient prises en charge au mieux et dans leur globalité. Mais cela exige des soignants et du temps.

Pr Pierre Mesthé
« Il faut oser demander : avez-vous quelque chose d’important à me dire au sujet de votre vie intime ou sexuelle ? »
Pr Pierre Mesthé, médecin généraliste à Tarbes, professeur à la faculté de santé de Toulouse au département universitaire de médecine générale Occitanie.
« Il faut oser demander : avez-vous quelque chose d’important à me dire au sujet de votre vie intime ou sexuelle ? »

Les médecins généralistes abordent trop peu les questions de santé sexuelle avec leurs patients. Comment inverser cette tendance ? La santé sexuelle ne représente que 2 % des motifs de consultation. Nous ne pouvons donc pas attendre que les patients évoquent leur problématique en la matière. Nous devons prendre les devants, oser demander : « Avez-vous quelque chose d’important à me dire au sujet de votre vie intime ou sexuelle ? ». Les occasions d’amorcer le dialogue sur la santé sexuelle sont nombreuses : renouvellement d’ordonnance, dépression, troubles anxieux, troubles du sommeil, douleurs abdominales, iatrogénie, plaintes gynécologiques, etc. Ou lors d’une première consultation avec un nouveau patient. Par ailleurs, la salle d’attente joue déjà un premier rôle. Exposer des flyers, de la documentation sur les violences sexuelles, le dépistage des IST, les premiers rapports sexuels permet aux patients d’être plus en confiance pour discuter avec le médecin.

Pourquoi la sexualité est-elle encore taboue dans le cabinet médical ? Force est de constater que nous manquons de ressources et souvent de compétences. Il y a un déficit de formation : seules quelques facultés en France proposent un enseignement sur la santé sexuelle en troisième cycle. Certains médecins estiment également qu’ils ne sont pas dans leur rôle en abordant ces questions, qui seraient trop intimes. Parfois, ils ne savent pas quoi répondre, comment orienter les patients, etc.
Mais les professionnels de santé ne sont pas démunis devant les symptômes liés à la santé sexuelle. Nous avons par exemple les moyens de prendre en charge les dysfonctionnements érectiles ou la dyspareunie, les troubles du désir. Il faut aussi être entouré d’un réseau de spécialistes comme dans le cadre d’autres pathologies complexes : sexologue, psychiatre, urologue, etc.
Enfin, le tabou est aussi présent du côté des patients qui estiment que leur sexualité relève de l’intime. Ils n’ont pas forcément envie d’en parler au médecin qui connaît leur conjoint. Mais les études disent au contraire qu’aborder la santé sexuelle n’affecte en rien le lien de confiance entre le médecin et son patient.

Pourriez-vous consacrer une consultation uniquement à la santé sexuelle, dans le cadre du parcours de soin de votre patient ? Je suis perplexe. Proposer une telle consultation pour tous les patients est compliqué à mettre en œuvre. Et comme je le disais, il y a déjà beaucoup d’occasions de parler de santé sexuelle.
En revanche, mettre en place une longue consultation uniquement aux adolescents me semble plus pertinent. La santé sexuelle ne serait pas le cœur de la consultation, mais un élément parmi d’autres. Nous pourrions aborder sereinement leurs interrogations sur l’orientation sexuelle, les dépistages, la contraception, la santé sexuelle, la prévention des violences. En France, il y a une carence en matière d’éducation à la sexualité. Cette insuffisance doit être corrigée car la santé sexuelle concourt à l’état global de bonne santé. Les médecins généralistes qui exercent une spécialité « centrée patient » peuvent et doivent largement participer à cette amélioration.

Dr Marie Biboulet
« Aborder simplement la santé sexuelle.
Dr Marie Biboulet, médecin de santé publique, Centre de santé sexuelle (CeGIDD) de Toulouse.
« Aborder simplement la santé sexuelle.

Les patients du CeGIDD sont-ils informés en matière de santé sexuelle ? Notre équipe pluridisciplinaire aborde la santé sexuelle par ses deux versants : l’infection et le risque de grossesse non désirée. Il y a un troisième volet incontournable, peut-être plus difficile à aborder, mais crucial dans la santé globale : l’exposition aux violences sexuelles.
Le CeGIDD est aujourd’hui une structure référente, clairement identifiée. La plupart de nos patients sont préalablement informés des risques associés aux comportements sexuels. Les motifs de consultation sont la réalisation rapide de tests de dépistage ou la prise en charge de symptômes. Ils souhaitent être rassurés car le risque infectieux fait peur. En revanche, nous constatons parfois un vrai manque d’information sur les risques de grossesses non désirées. Le tabou se situe peut-être davantage sur ces questions-là.

Faut-il s’éloigner du seul volet médical pour aborder la santé sexuelle ? Non, au contraire, car nous disposons des outils de dépistage et thérapeutiques qui constituent des leviers efficaces dans l’approche de la santé sexuelle. Une fois cette première approche effectuée, nous avons l’opportunité d’entamer un interrogatoire plus large sur la nature de leurs rapports sexuels, la fréquence, le nombre de partenaires, leur questionnement sur le genre, l’orientation sexuelle, le consentement, les problèmes d’addiction, etc. Il ne s’agit plus alors de « faire du soin », mais plutôt de « prendre soin ». Seul bémol : nous manquons malheureusement au CeGIDD de ressources suffisantes pour aborder les questions de santé mentale relatives ou associées à la santé sexuelle.

Quels conseils donneriez-vous à un médecin qui rencontre des difficultés à aborder le sujet avec ses patients ? En premier lieu, il est nécessaire de rappeler le principe du secret professionnel pour rassurer les patients. Il est important de favoriser l’approche de la santé sexuelle sur un mode systématisé afin de dédramatiser ce qui demeure un sujet tabou dans le cabinet médical. Les patients doivent aussi pouvoir bénéficier d’informations, de soutien et d’écoute leur permettant d’adopter une conduite en conformité avec leurs désirs en toute sécurité.
Il n’existe pas en France de spécialité médicale non genrée dans le champ de la santé sexuelle, contrairement à certains pays anglo-saxons, où la médecine génito-urinaire est une spécialité à part entière. L’enjeu est que, au minimum, les médecins soient capables d’établir un « état des lieux » global des personnes dans le champ de leur santé sexuelle, d’identifier les éventuels problèmes ou difficultés, et d’orienter ensuite vers les personnes compétentes. La capacité à écouter et à explorer les expériences sans jugement est un élément essentiel de la prise en charge, tout comme travailler en équipe multidisciplinaire ou fonctionner en réseau est incontournable.

Les dépistages en recul depuis 2020

La pandémie de Covid-19 a eu des effets collatéraux sur la prise en charge et la prévention du VIH, notamment sur son dépistage. Les tests de sérologie du VIH ont reculé de 14 % entre 2019 et 2020 avec 5,2 millions de tests réalisés en laboratoire. Après plusieurs années d’augmentation, ce chiffre connaît son niveau de 2012. Le confinement a eu un impact d’autant plus délétère, avec une diminution de 650 000 tests entre janvier et septembre 2020, selon l’Agence nationale de recherche sur le Sida et les hépatites virales (ANRS). Les autotests, en baisse de 22 % par rapport à 2019, n’ont pas compensé cette diminution d’activité en laboratoire. Selon Santé publique France, les progrès faits en matière de dépistage sur les dix dernières années ont été effacés par la pandémie de Covid-19. Un constat inquiétant puisque plus l’infection est découverte tôt, plus rapidement les patients peuvent accéder aux traitements antirétroviraux et préserver leur qualité de vie mais aussi éviter la transmission. Or, en 2020, 30 % des malades ont découvert leur séropositivité à un stade avancé de l’infection.

Sources :

De maladie mortelle à maladie chronique

C’était en juin 1981 à Los Angeles. Cinq cas de pneumocystosde, une grave maladie pulmonaire, sont découverts et marquent officiellement le début de l’épidémie de ce qu’on appelle alors le Sida pour Syndrome d’immunodéficience acquise. Il faut attendre quatre ans pour élaborer des tests de dépistage permettant d’identifier le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), le virus responsable. Jusqu’au milieu des années 1990, le Sida tue les patients à la suite d’infections opportunistes : en 1995, c’est même la première cause de mortalité chez les adultes de 25 à 44 ans. La révolution arrive en 1996 avec la trithérapie, une association de trois molécules qui empêchent le virus de se multiplier et permettent de le rendre indétectable. Ces traitements permettent au système immunitaire de récupérer, de vaincre les infections et d’éviter le développement du Sida. Néanmoins, les premières versions sont lourdes et nécessitent la prise quotidienne de près d’une vingtaine de comprimés par jour avec leur lot d’effets secondaires. Depuis lors, de nombreux progrès ont été réalisés, réduisant non seulement le nombre de comprimés mais permettant surtout à la personne mise sous traitement de préserver sa santé et d’avoir une espérance de vie proche de celle de la population générale. Grâce à cette révolution thérapeutique, le nombre de décès liés au Sida a baissé de 43 % depuis 2003.

L’espoir de la PReP

Disponible en France depuis 2015, la prophylaxie préexposition du VIH (PrEP) est une arme de plus dans la stratégie de prévention de l’infection contre le VIH. Ce traitement préventif associe en un comprimé deux antirétroviraux et permet aux personnes séronégatives les plus exposées au VIH de se protéger. Les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes, les travailleurs du sexe et leurs partenaires ainsi que des personnes en couple avec des personnes séropositives aux charges virales non stabilisées sont les cibles prioritaires de la PrEP. Cette dernière peut être prise de manière continue sous forme d’un comprimé par jour ou bien à la demande avant un rapport sexuel non protégé. Toutes les études conduites en France et à l’étranger prouvent qu’il n’existe aucun cas de transmission de VIH chez les personnes prenant correctement leur PrEP. Toutefois, avec près de 26 000 utilisateurs réguliers de la PrEP en France en juin 2021 (et environ 42 000 ayant initié un traitement), cette solution n’est pas encore suffisamment utilisée. C’est la raison pour laquelle sa primo-prescription, jusqu’à présent limitée aux médecins hospitaliers ou exerçant en CeGIDD, est étendue à tout médecin de ville depuis le 1er juin 2021.

Sources :

De nouveaux traitements

Après avoir nettement diminué le nombre de comprimés de trithérapie quotidien à ingérer, la science vient d’ouvrir une nouvelle ère pour les personnes séropositives. En décembre 2020, une nouvelle forme de bithérapie sous forme d’injections à réaliser tous les deux mois a obtenu son autorisation européenne de mise sur le marché. En décembre 2021, les premiers patients français ont pu en bénéficier. Cette nouvelle combinaison de deux antirétroviraux, injectable, leur permet de troquer leurs cachets quotidiens contre une injection bimestrielle, entièrement prise en charge par la Sécurité sociale. Une avancée attendue par les patients. Cependant, comme tous les traitements, il ne convient pas à tout le monde. Pour en bénéficier, les malades doivent être sous trithérapie depuis plus de six mois avec une charge virale indétectable. L’injection est contre-indiquée chez les personnes dont la souche de VIH a connu des résistances et chez celles sous traitement anticoagulant ou encore sous certains antibiotiques.

Sources :

Vers un vaccin ?

Si la recherche a permis de réaliser de nombreux progrès dans le traitement et la prévention du VIH, ce dernier reste incurable en l’absence de vaccin. Aujourd’hui, 38 millions de personnes continuent de vivre avec ce virus dans le monde, 680 000 en sont mortes en 2020. Seul un vaccin peut éradiquer ce fléau mais sa découverte est longue et coûteuse en raison de la complexité du virus. Contrairement au coronavirus contre lequel un vaccin a été développé très rapidement, le VIH est extrêmement mutant et s’attaque à tout le système immunitaire. Si le corps sait guérir de la Covid-19, il ne sait guérir pas du VIH. Ainsi, le vaccin doit surpasser la nature. Utilisation du matériel génétique du virus, des protéines de son enveloppe, assemblage de plusieurs souches du virus… pour y arriver, des dizaines d’essais ont été effectués sur les dernières décennies. En 2021, un nouvel espoir est arrivé avec les vaccins à ARN messager qui ont fait leurs preuves dans la lutte contre la pandémie de Covid-19. Après des résultats encourageants sur des singes, le laboratoire américain Moderna a commencé des essais de phase 1 sur des patients humains en janvier 2022.

Sources :

Tumeplay
Tumeplay
Tumeplay Guyane

Tumeplay Guyane, d’une application à une box de prévention

Tumeplay

Tumeplay, c’est une expérimentation du ministère de la Santé, lancée à la suite de la Stratégie nationale de santé sexuelle dans plusieurs territoires pilotes en France. Parmi eux : l’ouest de la Guyane. « Il fallait réfléchir à l’adaptation du dispositif aux enjeux du territoire guyanais : une prévalence du VIH élevée, des grossesses adolescentes jusqu’à 7 fois plus nombreuses qu’en métropole, peu d’ouvertures de droits à la Sécurité sociale », expose Luc Blondy, chargé de projet développement de Tumeplay Guyane.

Tumeplay, c’est d’abord une application qui permet d’en apprendre plus sur la sexualité. Plusieurs rubriques sont présentées, en langage très simple, accessible : « Découvre ton corps », « Les premières fois », « Explore ta sexualité ». « Le site a pour but d’être informatif et d’enclencher un parcours : une fois renseigné, le jeune peut répondre à des quiz et gagner des points convertibles en une box de prévention, à venir retirer auprès de plusieurs acteurs – infirmière scolaire, CPE, CeGIDD, associations partenaires, etc. », ajoute Luc Blondy. La box contient des préservatifs masculins, féminins, du lubrifiant, un livret d’information, une carte du territoire avec les acteurs de santé sexuelle, un jeu de cartes…

Comme le site, pour toucher le public le plus large possible, certains outils d’information glissés dans la boîte sont traduits en langue bushinengué, la langue maternelle de nombreux jeunes dans l’Ouest guyanais. En un an, près de 1 000 box ont été commandées et 600 retirées. « Devoir la retirer auprès d’une personne physique peut être un frein mais pour nous c’est essentiel, cela permet d’engager un entretien physique et un dialogue direct avec le jeune. »

Pour en savoir plus : https://guyane-tumeplay.fabrique.social.gouv.fr/ Ou l’application « Tumeplay » sur Google Play et Apple Store.

Semaines Bretonnes
Semaines Bretonnes
Les Semaines bretonnes de la santé sexuelle

Les Semaines bretonnes de la santé sexuelle

Semaines Bretonnes

Un mois pour sensibiliser le public sur la santé sexuelle, dans toutes ses dimensions : c’est l’objectif affiché des Semaines de la santé sexuelle, organisées par le Comité de coordination de la lutte contre les infections sexuellement transmissibles et le virus de l’immunodéficience humaine (Corevih) Bretagne. Deux éditions ont déjà eu lieu. La dernière, entre novembre et décembre 2021, répondait à un enjeu important : remobiliser autour du dépistage et de la prévention, après une période de forte diminution des consultations et des tests de dépistage liée à la pandémie. La réalisation des sérologies VIH dans les Centres de dépistage (CeGIDD) avait notamment baissé de 30% au 1er semestre 2020.

Organisé successivement dans chaque département, l’événement a mobilisé de nombreux acteurs locaux. Des colloques, conférences, ciné-débats, séances de sensibilisation, actions de dépistage ont permis d’informer le grand public et de lui faire connaître les structures ressources sur tout le territoire breton.

Pour en savoir plus : www.corevih-bretagne.fr

PMI
PMI
Un véhicule pour la PMI

PMI : un véhicule pour sillonner les routes

PMI

Le service de protection maternelle et infantile (PMI) est un service départemental chargé d’assurer un accès aux soins aux femmes enceintes et aux enfants jusqu’à 6 ans. La PMI joue également un rôle dans l’accès à la contraception ou à l’IVG. Elle participe aussi à des actions de prévention en santé sexuelle.

Bien souvent, dans les départements, les lieux d’accueil physique de la PMI sont renforcés par un véhicule itinérant afin d’accéder aux patients des zones rurales.

Par exemple, dans l’Hérault, où 40 lieux d’accueil sont implantés, le bus de la PMI sillonne les routes du département depuis 2009. En 2021, après des années de bons et loyaux services, le bus vieillissant a été remplacé par un nouveau véhicule, plus grand et mieux équipé, qui dispose de toutes les fonctionnalités d’un cabinet médical. Ainsi, médecins, sages-femmes et puéricultrices peuvent y proposer des consultations gratuites auprès de publics éloignés de l’accès aux soins ou dans des lieux de désertification médicale.

Les consultations et accompagnements sont variés : entretiens prénataux précoces, consultations gynécologiques ou de suivi de grossesse, séances de préparation à la naissance, soutien à la parentalité, consultations de pédiatrie… L’accueil d’adolescents et de jeunes adultes pour des rendez-vous ou des informations sur la santé sexuelle est également prévu.

Parcours 3R
Parcours 3R
Parcours 3R : pour former les enseignants

Parcours 3R : pour former les enseignants

Parcours 3R

Tout a commencé il y a 12 ans, à l’initiative du Dr Pierre Panel, chef du service gynécologie-obstétrique au Centre hospitalier de Versailles. Préoccupé par le nombre important d’IVG et de grossesses non désirées chez les jeunes filles, il souhaite agir en amont, en développant l’éducation et la prévention. C’est la naissance du Programme local de santé « Vie affective et éducation à la sexualité des jeunes », mené conjointement avec plusieurs acteurs territoriaux, dont le département des Yvelines.

Six ans plus tard, le Parcours 3R (pour respect, relation, responsabilité), un programme d’éducation affective, relationnelle et sexuelle au collège est lancé. L’équipe est composée de quatre professionnels : le Dr Panel et trois conseillères conjugales et familiales. « Nous accompagnons et formons les équipes ressources au sein des établissements scolaires, dans le cadre des trois séances annuelles d’éducation à la sexualité : enseignants, équipes de vie scolaire, personnels de direction…, » détaille Sophie de Lambilly, conseillère conjugale et familiale et coordinatrice de l’Accueil Jeunes 78. Depuis janvier 2022, ce lieu d’accueil pour les jeunes est rattaché à la Maison Calypso, dédiée à la prise en charge des femmes victimes de violences, et plus largement, au Centre hospitalier de Plaisir (Yvelines). L’enjeu essentiel, lors de ces séances : « qu’ils troquent leur casquette de prof contre celle d’animateur de séance, pour susciter une dynamique d’échange, de discussion. »

Les sujets abordés sont nombreux : contraception, bien sûr, mais aussi identification et gestion des émotions, amitié, relations dans la famille, stéréotypes de genre, prévention des violences, estime de soi… ce dernier aspect est fondamental, selon Sophie de Lambilly. « Sans estime de soi, sans prise de conscience de sa valeur, difficile de comprendre l’importance du consentement, ou de s’accorder le droit de dire non, explique-t-elle. Les séances sont toujours de beaux moments, où les jeunes sont heureux de s’exprimer dans un cadre confidentiel, où la parole de tous est prise en compte. »

Objectif futur : développer ces séances en élémentaire. « Nous constatons auprès des élèves de 6ème un vrai besoin d’agir en amont, notamment pour lever les tabous autour de leur corps », assure Sophie de Lambilly. Un parcours test est en préparation.

Pour en savoir plus : https://www.accueiljeunes78.fr/

Pr Éric Huyghe

Pr Éric Huyghe

Pr Éric Huyghe
Pr Éric Huyghe
professeur d’urologie et d’andrologie au CHU de Toulouse.
« La prise en charge de la sexualité après un cancer améliore le pronostic de la maladie et la qualité de vie du patient. »

Si tous les cancers peuvent entraîner des troubles sexuels en raison de la maladie elle-même ou des traitements, ce sont surtout les cancers génitaux à forte symbolique sexuelle comme ceux de la prostate, du pénis, du sein ou de l’utérus qui vont générer des dysfonctionnements. Les patients concernés n’osent pas aborder ce sujet, le considérant comme accessoire. Les oncologues eux-mêmes peuvent se censurer. Les sexologues, eux, ne connaissent pas toujours l’impact du cancer sur la vie intime des patients. Afin de former sexologues, oncologues, urologues, gynécologues ou encore médecins généralistes à mieux accompagner la santé sexuelle de ces patients, j’ai créé une formation « sexualité après cancer » à l’Université de Toulouse. On y apprend non seulement les traitements pour différents troubles mais aussi à prendre en compte l’impact psychologique de la maladie sur la vie intime des malades.

Aujourd’hui, tout homme qui a une dysfonction érectile peut trouver une solution qui lui correspond. S’il ne répond pas aux traitements, il existe l’implant pénien. Pour les femmes atteintes du cancer de l’utérus et qui souffrent de sécheresse vaginale, il existe des solutions. Plus ces traitements sont pris tôt, mieux ils fonctionnent, c’est pourquoi les soignants doivent aborder le sujet sans tabou et intégrer l’oncosexualité à l’offre de soins supports. L’accompagnement et la prise en charge de la sexualité après un cancer peuvent améliorer le pronostic de la maladie et la qualité de vie du malade.

Pr Pauline Saint-Martin

Pr Pauline Saint-Martin

Pr Pauline Saint-Martin
Pr Pauline Saint-Martin
médecin légiste, cheffe de service de l’Institut médico-légal au CHU de Tours et auprès de la Maison des femmes.
«  Si le constat de blessures initial n’est pas correctement réalisé, cela peut avoir des conséquences catastrophiques pour l’enquête judiciaire. »

En France, lorsqu’une victime de violences sexuelles se manifeste auprès de son médecin ou de la police, elle est examinée par un médecin légiste. Son rôle est, entre autres, de constater les lésions et blessures. Cette étape est primordiale et doit être effectuée avec rigueur. En l’absence d’Institut médico-légal (IML), le constat est effectué par des urgentistes ou des médecins généralistes qui vont soigner les blessures et bien souvent, le légal passe à la trappe. Pourtant, si le constat de blessures initial n’est pas correctement réalisé, cela peut avoir des conséquences catastrophiques pour l’enquête judiciaire.

À l’IML de Tours, nous examinons 4 000 victimes par an, dont 450 qui ont subi des violences sexuelles. En parallèle, j’ai créé une Maison des femmes au sein du CHU de Tours en juin 2021 pour accueillir, soigner, accompagner les femmes victimes de tous types de violences. Ces dernières sont orientées vers cette structure par des tiers, des associations de victimes, des médecins ou par la police.

Depuis l’ouverture, nous avons accueilli une soixantaine de femmes par mois, le plus souvent victimes de violences intrafamiliales. Notre équipe manque encore de moyens physiques, c’est pourquoi les délais d’attente de rendez-vous vont jusqu’à un mois. Cependant, il existe des examens d’urgence dans les cas les plus graves où il est nécessaire de faire une prise d’ADN très rapidement.

François Crochon

François Crochon

François Crochon
François Crochon
sexologue clinicien, directeur du CeRHeS (Centre ressources handicaps et sexualités).
« Nous devons cesser de hiérarchiser les savoirs médicaux afin de prendre en considération l’expertise des personnes concernées. »

Pour les médecins, parler de santé sexuelle avec les patients en situation de handicap reste souvent tabou. Et si les soignants n’osent pas aborder le sujet, les patients le feront encore moins d’eux-mêmes. Pourtant, parler de santé sexuelle de manière non intrusive peut aider certaines personnes en difficulté dans leur vie affective et sexuelle et favoriser leur prise en charge. Pour pallier ces manques, le CeRHeS propose des outils pratiques en ligne à destination des professionnels de santé, notamment ceux qui travaillent dans des établissements médico-sociaux. Nous proposons de changer de paradigme pour passer d’un statut où les personnes en situation de handicap sont d’uniques objets de soin à celui de sujets de droit effectif et de désir.

Nous devons cesser de hiérarchiser les savoirs médicaux afin de prendre en considération l’expertise des personnes concernées. Par exemple, bien souvent, certaines femmes tétraplégiques qui veulent accoucher connaissent mieux leurs corps que le médecin qui va les prendre en charge. Pour associer ces patients aux offres de soins, j’ai notamment contribué au volet santé sexuelle du Diplôme universitaire PESH (personne experte en situation de handicap). Une formation professionnalisante qui permet aux professionnels du champ médico-social, de l’éducation ou aux aidants de bénéficier d’outils conçus par des patients experts. À l’issue de cette formation, ces intervenants pairs en santé peuvent alors être embauchés dans des structures d’accompagnement et y apporter leurs savoirs.

Dr Sophie Wylomanski

Dr Sophie Wylomanski

Dr Sophie Wylomanski
Dr Sophie Wylomanski
gynécologue, obstétricienne, chirurgienne spécialisée en pathologies vulvaires.
«  Bien que bénigne et transitoire, une infection à HPV peut être très anxiogène et impacter la sexualité des femmes. »

Les papillomavirus (HPV) sont de petits virus à ADN qui peuvent être présents sur la peau et sur les muqueuses. Les contaminations se font majoritairement au moment des relations sexuelles et concernent entre 75 et 80 % de la population non vaccinée. Dans la très grande majorité des cas, les défenses immunitaires permettent l’élimination du HPV, mais pour celles et ceux qui ne l’éliminent pas, celui-ci reste dans les tissus infectés et peut entraîner l’apparition de lésions précancéreuses puis, quelques années plus tard, de cancers.

Bien que bénigne et transitoire, une infection à HPV peut être très anxiogène et impacter la sexualité des femmes. Celles qui sont porteuses de virus ont l’impression de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus d’elles, se sentent sales et s’empêchent d’avoir des relations sexuelles par peur de la transmission. Je les rassure : le virus peut se contracter même en l’absence de conduite sexuelle à risque et hormis la vaccination, il n’existe pas de prévention efficace à ce jour. Mis à part certains cas particuliers, comme la présence de condylomes, des verrues très contagieuses, les femmes peuvent continuer à vivre la sexualité qu’elles souhaitent. Certaines d’entre elles qui ont eu des lésions récidivantes très jeunes peuvent avoir du mal à retourner à cette sexualité choisie. C’est pourquoi il est important de pouvoir parler avec elles de leur santé sexuelle et pas seulement du virus.

Catherine Giboin

Catherine Giboin

Catherine Giboin
Catherine Giboin
présidente de la fondation Médecins du monde.
«  Travailler sur la santé sexuelle n’est pas toujours aisé en raison de cultures patriarcales. »

La santé sexuelle et reproductive est un sujet de santé publique majeur, pas seulement biomédical mais aussi politique, et révélateur de grandes inégalités dans le monde. Par exemple, en matière de mortalité maternelle, la France compte 8 décès pour 100 000 naissances vivantes alors que dans d’autres pays, ce taux peut atteindre les 1 000. Dans le monde, 257 millions de femmes n’ont pas accès à la contraception.

Chez Médecins du monde, nous œuvrons pour l’ouverture de maternités, l’accès à la contraception et aux soins post-IVG, mais aussi pour la prévention et le traitement des lésions précancéreuses du col de l’utérus. En particulier dans les contextes d’urgence, notre ONG met en place une prise en charge des survivantes de violence sexuelles. En Colombie, nous avons soutenu des organisations de la société civile pour la légalisation de l’avortement. En République centrafricaine, nous avons mis en place des kits pour les survivantes de violence (contraception d’urgence, prévention des infections sexuellement transmissibles) et avons facilité son accès à travers un maillage communautaire.

Travailler sur la santé sexuelle n’est pas toujours aisé en raison de cultures patriarcales au sein desquelles les médecins, comme l’ensemble des professionnels de santé, véhiculent leurs propres représentations. La présence de Médecins du monde sur un temps long, les collaborations avec tous les partenaires locaux et les ministères de la Santé permettent l’efficacité et la pérennité de nos actions.

Anna Mercier

Anna Mercier

Anna Mercier
Anna Mercier
chargée de marketing social chez Santé publique France.
«  Notre but est de porter une parole adaptée aux différents besoins et expériences des populations en matière de santé sexuelle. »

À Santé publique France, l’unité santé sexuelle de la direction de la prévention et de la promotion de la santé a créé plusieurs dispositifs d’information à destination des adolescents, des adultes et des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH). Notre but est de porter une parole adaptée aux différents besoins et expériences des populations en matière de santé sexuelle. Pour les adultes, questionsexualité.fr se veut le site de référence sur les infections sexuellement transmissibles, la contraception et les violences sexuelles. Ici, la contraception est abordée sous l’angle de la diversité et de la responsabilisation de tous pour que cela ne soit pas un sujet exclusivement féminin. Le site onsexprime.fr, destiné aux 11-18 ans, a pour vocation de permettre aux jeunes de développer leurs connaissances et d’adopter des comportements adaptés en matière de santé sexuelle. Nous y abordons divers sujets comme l’intimité, la puberté, les premières fois. Le site sexosafe.fr s’adresse aux HSH pour les informer sur les bons réflexes à adopter concernant la prévention du VIH et des autres IST. Pour ce public, les équipes sont également présentes sur le terrain lors de soirées communautaires. Si Santé publique France s’adresse beaucoup au grand public, les professionnels de la santé sont pour elle des acteurs centraux. C’est pourquoi l’ensemble des brochures et affiches conçues par l’agence sont disponibles à la consultation.

Ce webzine vous est proposé par le Conseil national
de l'Ordre des médecins - www.conseil-national.medecin.fr
Juin 2022

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Dr François Arnault

RÉDACTEUR EN CHEF : Pr Stéphane Oustric

COORDINATION : Isabelle Marinier

CONCEPTION ET RÉALISATION : CITIZEN PRESS
www.citizen-press.fr

RESPONSABLE D’ÉDITION : Eva Jednak

WEBDESIGN : Charles Annerel

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Christine Ferreri, Alexandra Roy

RÉDACTION : Eric Allermoz, Eva Jednak, Sevin Rey-Sahin

MOTION DESIGN : CITIZEN PRESS

PHOTOS : DR, Istock

CONCEPTION / INTÉGRATION : Florian Gracy