Le webzine de l'Ordre des médecins - Les clés de l'information santé

WebzineSanté

#14
Décembre 2020

Les anciens numéros

Lucas
Pr Stéphane Oustric
Rédacteur en chef des publications du Cnom
« Pour convaincre la population de limiter sa sédentarité, notre rôle à nous, médecins, est essentiel »

Etat de santé, condition physique, maintien de l’autonomie et de la qualité de vie, les bienfaits de l’activité physique ne sont plus à prouver.

Depuis plusieurs décennies, les messages et campagnes de santé publique se succèdent et pourtant, les Français peinent à atteindre les 2h30 d’activité physique recommandées par semaine. La crise sanitaire actuelle, qui nous limite dans nos mouvements et déplacements, risque encore d’accentuer un peu plus le problème.

Pour convaincre la population de limiter sa sédentarité et d’augmenter son niveau d’activité physique, notre rôle à nous, médecins, est essentiel. II l’est d’autant plus que les médecins peuvent, depuis 2017, lorsqu’ils le jugent pertinent, prescrire de l’activité physique adaptée aux patients atteints d’affections de longue durée.

L’activité physique est en effet reconnue comme une thérapeutique à part entière par la Haute Autorité de Santé, en complément ou non d’un traitement médicamenteux. Posologie, fréquence et durée du programme doivent être définis en tenant compte de la pathologie du patient. Comme pour toute prescription, un suivi de l’activité est essentiel pour maintenir l’adhésion du patient à un programme d’activité physique.

Mais si le sport sur ordonnance est une réelle avancée, vous le verrez dans ce webzine, il manque aujourd’hui aux médecins un véritable accompagnement de la part des pouvoirs publics pour pouvoir le développer pleinement. Et lui donner toute la place qu’il mérite, dans les parcours de soins et de santé.

Chez l’adulte,
les recommandations sont de

30 minutes d’activité physique intense par jour, 5 fois par semaine.
Chez l’enfant,
les recommandations sont de

60 minutes d’activité physique intense par jour.
L’activité physique, ce n’est pas que le sport.
On classe l’activité quotidienne dans quatre catégories :
Lors des activités professionnelles
Lors des déplacements actifs (marche ou vélo)
Dans le cadre de la vie domestique (ménage ou rangement, par exemple)
Durant les loisirs (sport, bricolage, jardinage)
L’inactivité physique est à distinguer de la sédentarité, qui est le temps passé assis ou allongé pendant la période d’éveil, entre le lever et le coucher.
70 % des Français passent en moyenne
8 heures par jour
assis
La sédentarité tue plus de 2 millions de personnes dans le monde chaque année, selon l’OMS, qui la considère comme le 4e facteur de risque de décès.
L’activité physique et sportive est reconnue comme une thérapeutique non médicamenteuse par la Haute Autorité de santé depuis 2011.
Depuis 2017, les médecins peuvent prescrire de l’activité physique à leurs patients atteints d’affections de longue durée, soit 30 pathologies.
138 Maisons sport-santé, censées développer le sport-santé, ont été labellisées en janvier 2020.
Confinement : les recommandations de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps).

Le gouvernement prévoit la labellisation de 500 Maisons d’ici à 2022.C’est l’un des objectifs de la Stratégie nationale sport-santé, qui prévoit également de renforcer la prescription d’activité physique adaptée par les médecins, ou de développer la pratique d’activités physiques et sportives en milieu professionnel.

Pendant le premier confinement, une réduction alarmante de l’activité physique et une hausse significative de la sédentarité ont été observées au niveau mondial. Au début de ce second confinement, l’Onaps a formulé plusieurs recommandations, pour éviter d’observer la même tendance.


Les recommandations de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps)
Pendant le premier confinement, une réduction alarmante de l’activité physique et une hausse significative de la sédentarité ont été observées au niveau mondial. Au début de ce second confinement, l’Onaps a formulé plusieurs recommandations, pour éviter d’observer la même tendance. http://www.onaps.fr/data/documents/Recommandations_Onaps_confinement.pdf
Selon une étude publiée par Santé publique France en juin 2020, seuls 71 % des Français et 53 % des Françaises atteignent les recommandations de l'OMS en matière d'activité physique, soit au moins 2 heures 30 par semaine d'activité d'intensité modérée. Propos d’experts.
Charlotte Verdot
Charlotte Verdot
Chargée de projet et d’expertise scientifique (équipe de surveillance et d’épidémiologie nutritionnelle. Santé publique France)
Denys Barrault
Denys Barrault
Président de la Société française de médecine du sport (SFMES)
Pr Martine Duclos
Pr Martine Duclos
Endocrinologue, médecin du sport et physiologiste, chef du service de médecine du sport et des explorations fonctionnelles au CHU de Clermont-Ferrand. Présidente du Comité scientifique de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps)
William Gasparini
William Gasparini
Sociologue du sport, professeur en sciences du sport, université de Strasbourg
Quel est votre point de vue sur la sédentarité en France ?
Charlotte Verdot
Charlotte Verdot / Tout d’abord, il faut bien distinguer deux réalités : le manque d’activité physique et la sédentarité, deux facteurs de risque distincts des maladies non transmissibles. L’activité physique ne compense pas totalement la sédentarité. Il faut donc avoir une activité physique suffisante et limiter autant que possible ses activités sédentaires. Il existe un consensus scientifique sur les effets délétères d’une activité physique insuffisante et d’une trop grande sédentarité, mais ces comportements restent difficiles à évaluer. On utilise généralement des questionnaires ou des outils de type accéléromètres. Deux indicateurs approchent au plus près la notion globale de sédentarité : le temps quotidien passé assis et le temps quotidien passé devant les écrans. Nos études en population générale 1, aussi importantes soient-elles, reposent sur des questionnaires qui, même validés scientifiquement, ont des limites.

1. Étude nationale nutrition santé (ENNS, 2006-2007) ; Étude Esteban (2014-2016).
Denys Barrault
Denys Barrault / Du fait de ma profession de médecin du sport exclusif, je ne vois que des gens actifs. J’ai donc une vision de terrain, une vision optimiste ! Je remarque d’ailleurs de plus en plus de personnes qui courent sur les trottoirs des villes et dans les chemins de campagne. Ils ont compris les bienfaits de l’activité physique pour leur santé et plus généralement pour leur équilibre de vie. Ils n’ont jamais appris à courir. Ils le font quand même. Le confinement en mars a été une occasion pour beaucoup de Français de découvrir ou de redécouvrir l’importance d’une activité physique, même modeste. Beaucoup se sont mis à sortir pour marcher ou courir, alors qu’ils n’en avaient pas l’habitude auparavant.
Pr Martine Duclos
Pr Martine Duclos / La sédentarité est un fardeau mal connu et insuffisamment pris en compte. Les Français sont assis 12 heures par jour travaillé et 9 heures par jour non travaillé. 70 % d’entre eux ne font pas les 30 minutes d’activité physique recommandées par jour. Si on considère les autres paramètres que sont une alimentation déséquilibrée, un sommeil de mauvaise qualité et insuffisant, le stress dans un monde hyperperformant, on voit que la balance penche plutôt du mauvais côté ! C’est d’autant plus inquiétant qu’on évolue vers un mode de vie de plus en plus mécanisé. Or l’activité physique est essentielle pour se reconnecter à son corps et à la nature, et pour lutter contre toutes les maladies chroniques évitables.
William Gasparini
William Gasparini / Comme sociologue, j’observe depuis longtemps une évolution des comportements qui mène progressivement à une « civilisation » de gens assis et hyperconnectés : assis pour travailler, à la suite de l’essor de l’économie tertiaire et des services qui impliquent d’être devant un ordinateur ; assis dans les transports pour se rendre sur son lieu de travail ; assis pour rencontrer des gens puisque la relation passe de plus en plus par les réseaux sociaux. Ces grandes orientations sociétales se traduisent en France, mais aussi en Europe, par une baisse de l’activité physique et une hausse de la sédentarité. Tendance que le confinement n’a fait que confirmer d’ailleurs…
Existe-t-il une classe d’âge plus concernée ? Si oui, pourquoi ?
Charlotte Verdot
Charlotte Verdot / Les résultats de nos enquêtes montrent que la situation n’est pas favorable en France avec un niveau d’activité physique encore faible et un niveau de sédentarité élevé, et une dégradation de la situation comme dans l’ensemble des pays occidentaux. Notre mode de vie est de plus en plus sédentaire avec un temps de loisir passé devant les écrans en forte hausse, surtout chez les adolescents. Les enfants sont assez actifs jusqu’à 10 ans puis on note un décrochage au collège avec une baisse continue de l’activité physique, surtout chez les filles, et une augmentation de la sédentarité avec l’avancée en âge. On observe aussi une baisse de l’activité physique et une hausse de la sédentarité chez les femmes, et de manière plus marquée entre 40 et 54 ans.
William Gasparini
William Gasparini / On observe des disparités selon l’âge, le sexe, la classe sociale et le territoire. Les femmes et les jeunes sont les plus concernés. Les raisons sont diverses. Plus que le coût des activités – la marche, par exemple, ne coûte rien –, c’est le sentiment d’insécurité qui domine. Peur des accidents de la circulation, pour les enfants sur le chemin de l’école. Peur de se faire harceler, voire agresser, surtout pour les femmes quand il s’agit de sortir la nuit pour pratiquer une activité physique ou se rendre à un entraînement. Les conditions sociales de vie sont importantes. L’activité physique passe au deuxième plan pour les plus précarisés. Ce phénomène est accentué dans les banlieues, surtout chez les femmes. En revanche, un certain culte de la virilité pousse les garçons à faire du sport, comme la boxe ou le football. On note aussi un effet territoire : dans les petites villes, on prend sa voiture pour aller travailler, emmener les enfants à l’école, faire ses courses, etc.
Pr Martine Duclos
Pr Martine Duclos / Malgré les progrès observés depuis une douzaine d’années en matière d’intégration de l’activité physique dans nos politiques de santé, avec l’activité physique adaptée sur prescription, il reste beaucoup à faire, notamment du côté des enfants, qui sont trop souvent négligés, et des adolescents. On voit émerger un profil d’enfant inconnu jusqu’alors, sédentaire de plus en plus tôt, dès 7 ans. Ils vont à l’école en voiture, regardent plus volontiers leurs écrans dans la cour de récréation et ne jouent plus « physiquement » à la maison. À l’adolescence, ils bougent encore moins et passent de plus en plus de temps sur les écrans. À 15 ans, leur temps passé assis représente 75 % de leur temps éveillé. Cela n’existait pas il y a dix ans ! Les adolescents sont les plus à risque. Les études montrent qu’ils présentent déjà des troubles cardio-métaboliques infra-cliniques et, de ce fait, ils altèrent leur espérance de vie en bonne santé.
Denys Barrault
Denys Barrault / Il est vrai que la sédentarité augmente progressivement chez les enfants et les adolescents, et qu’ils sont moins actifs qu’avant. On incrimine surtout les écrans. Mais à mon avis, ce n’est pas la majorité des jeunes. La différence notée au fil du temps, c’est que l’activité physique a changé de caractère. On comptabilise moins d’adhésions aux fédérations sportives, qui impliquent entraînements et compétitions, et plus de pratiques sportives ludiques, où le plaisir et la liberté de mouvement dans des espaces libres sont privilégiés, comme les randonnées, les vacances et les stages sportifs… L’activité physique se développe aussi en dehors du sport, notamment chez les jeunes, avec la danse, le théâtre ou le cirque.
Comment sensibiliser la population sur la nécessité de bouger davantage ?
Charlotte Verdot
Charlotte Verdot / Les bienfaits de l’activité physique et le repère des 30 minutes par jour sont bien connus par la population. Le lien entre santé et sédentarité est moins évident. Il y a donc un réel besoin d’informer, de prévenir et d’agir sur les effets délétères de la sédentarité. C’est compliqué dans le cadre de la vie professionnelle, d’où la nécessité de faire régulièrement des « ruptures de sédentarité » en se levant et en bougeant quelques instants toutes les deux heures, et de limiter la sédentarité dans les temps de loisirs. Plus largement, il est possible d’agir en développant un environnement favorable à l’adoption d’un mode vie actif et mobile : réflexion sur l’ergonomie des postes de travail, modes de transport actifs, plus grande accessibilité aux espaces verts, installations sportives dans les parcs et les cours d’école, etc. Et pour les femmes qui ne travaillent pas, des propositions plus adaptées en termes de coût et d’horaires.
Denys Barrault
Denys Barrault / Les campagnes de communication, comme « Bouger, c’est la santé ! », ont eu un impact mais ce n’est pas suffisant. L’essentiel se joue au quotidien. Les mairies et les écoles ont un rôle important pour donner un essor à l’activité physique pour tous : activités multisports, colonies sportives et pas seulement pour « occuper » les enfants, installation des pistes cyclables… Il faudrait aussi valoriser l’éducation physique dans le cursus scolaire. Si elle est bien faite, elle peut donner le goût et l’envie de participer aux activités sportives périscolaires, voire de commencer un sport dans le cadre d’une fédération sportive. Enfin, il n’y a pas de constance dans la pratique d’une activité sportive s’il n’y a pas de plaisir et de partage. Les équipementiers sportifs ont fait de grands progrès : les équipements sont plus confortables, plus esthétiques, plus techniques… Un environnement amical encourage l’activité sportive ainsi qu’une pratique en famille, selon les goûts et les compétences de chacun.
Pr Martine Duclos
Pr Martine Duclos / Cela passe par la réhabilitation de l’EPS à l’école. Il est important de reconnaître au professeur d’EPS une place de professeur à part entière et de favoriser la collaboration avec d’autres disciplines comme les SVT ou la physique pour que les enfants comprennent le fonctionnement du corps, de la respiration, etc. Il faut aussi faciliter l’accès aux équipements sportifs en élargissant les plages horaires, développer le sport extrascolaire, intégrer l’activité physique dans le cursus des élèves en apprentissage et la valoriser dans le cursus universitaire. Il faut sortir de cette culture du sport réservé à une élite et fondé sur la compétition et la performance, pour privilégier, à l’instar des pays du Nord, une culture de l’activité physique dans la vie de tous les jours et à toutes les étapes de la vie.
William Gasparini
William Gasparini / L’éducation et la transmission sont essentielles pour inciter, très tôt, à adopter un mode de vie actif : marcher, faire du vélo, bouger pendant les vacances. Les jeunes sont sollicités tant qu’ils sont en milieu scolaire. Ensuite, ils laissent souvent tomber s’ils n’ont pas pris de bonnes habitudes dès l’enfance. À l’école, l’EPS doit être aussi un apprentissage de la gestion future de sa vie active sur le plan physique pour connaître son propre corps et ses limites. En ville, il s’agit d’aménager les espaces extérieurs pour faciliter l’activité physique, prévoir des points d’eau et de repos, mettre des agrès à disposition de tous, etc. Dans certains pays asiatiques, par exemple, les stades sont ouverts pour les personnes âgées, qui peuvent marcher en toute sécurité.
Les maladies cardiovasculaires

Première cause de mortalité dans le monde, les maladies cardiovasculaires regroupent un ensemble de troubles affectant le cœur et les vaisseaux sanguins. Aujourd’hui, l’inactivité physique est reconnue comme un facteur de risque à part entière, indépendamment des risques dits classiques, tels que le tabagisme, et de l’âge. Intégrer une activité physique régulière au quotidien est essentiel pour prévenir l’apparition de ces maladies.

Chez les personnes qui en souffrent, l’activité physique adaptée fait partie intégrante du traitement. Prescrite par le médecin aussi précocement que possible à la suite du diagnostic, elle réduit le risque de progression de la maladie, la pression artérielle, la mortalité globale et cardiovasculaire, et le nombre de réhospitalisations. De plus, elle améliore la qualité de vie des patients, la force musculaire, les capacités fonctionnelles et aérobies, la fréquence cardiaque de récupération et les marqueurs biologiques.

Le diabète

L’activité physique participe au traitement du diabète, à la prévention de ses complications à long terme et retarde l’apparition de la maladie chez les prédiabétiques. Chez les diabétiques, le sucre apporté par les aliments reste dans le sang, à défaut de pénétrer dans les cellules du corps pour y être stocké ou transformé en énergie. L’activité physique requiert de l’énergie et contribue, de fait, à la baisse de la glycémie sanguine par la sollicitation des muscles.

Dans le cas du diabète de type 1, l’activité physique adaptée augmente l’aptitude physique aérobie, améliore le profil lipidique, baisse l’insulino-résistance et les besoins en insuline. Pour le diabète de type 2, elle diminue la mortalité, accorde un meilleur contrôle de l’équilibre glycémique, améliore les marqueurs de progression de la maladie, réduit le périmètre abdominal et limite la perte de masse musculaire. Sa place dans le traitement de la maladie est aussi primordiale que l’adoption d’une alimentation équilibrée et la prise des médicaments.

L’obésité

Selon le rapport de l’Insee sur l’état de santé de la population en France publié en 2017, plus de la moitié des plus de 15 ans est en surpoids et une personne sur six souffre d’obésité. La pratique d’une activité physique régulière est un des leviers majeurs pour éviter les risques de comorbidité (diabète de type 2, troubles cardiovasculaires, apnée du sommeil, cancers, arthrose, problèmes de dos, etc.) et de mortalité associés à ces pathologies.

Si l’objectif n’est pas la perte de poids, l’activité physique adaptée est un moyen de diminuer la masse grasse viscérale et de maintenir le poids après une perte initiale. Sans distinction d’âge, de poids et d’autres maladies éventuelles, l’activité physique développe chez les patients obèses la force musculaire, l’endurance cardio-respiratoire, l’équilibre, la souplesse, la coordination et l’agilité.

Les pathologies rhumatismales

Les rhumatismes inflammatoires chroniques se traduisent par des inflammations chroniques au sein de l’appareil locomoteur : os, cartilages, muscles, tendons, ligaments. Touchant un Français sur deux selon un sondage Ifop « Les Français et les rhumatismes » mené pour l’Inserm et Ensemble contre les rhumatismes, ces maladies articulaires altèrent fortement leur quotidien : qualité de vie, sommeil, mobilité, vie professionnelle et familiale. Elles augmentent indirectement le risque de maladies cardiovasculaires et de cancers par la sédentarité qu’elles provoquent.

Malgré les douleurs et les raideurs, la pratique d’une activité physique régulière adaptée et prescrite par le médecin est pourtant recommandée. Elle se révèle être un remède pour diminuer la douleur, la fatigue, l’activité inflammatoire et, de fait, la prise d’anti-inflammatoires et de corticoïdes. L’activité physique adaptée améliore également la fonction articulaire, la préhension, la force musculaire, l’équilibre, renforce les muscles et protège les articulations.

Les cancers

40 % des cas de cancer sont évitables et sont associés à des facteurs de risque tels que l’alcool, une alimentation déséquilibrée, le tabac, la surcharge pondérale ou le manque d’activité physique. Ce dernier peut être à l’origine d’un certain nombre de cancers, notamment du côlon (18 % chez les hommes et 20 % chez les femmes) et du sein qui sont parmi les plus fréquents. Pratiquée à dose suffisante, l’activité physique joue donc un rôle préventif de la maladie. Elle prévient le surpoids et l’obésité, module la production de certaines hormones et de facteurs de croissance associés à la croissance tumorale, stimule le système immunitaire et accélère le transit intestinal afin de réduire l’exposition de la muqueuse digestive aux agents cancérigènes issus de notre alimentation.

Pendant le traitement, la pratique d’une activité physique régulière est bénéfique pour la qualité de vie des patients. Plus elle est initiée tôt dans le parcours de soins, plus ses effets seront bénéfiques. Elle réduit la fatigue, la mortalité et améliore les capacités aérobies, la force musculaire, le maintien de la composition corporelle et la tolérance aux traitements. Enfin, si elle est maintenue dans la durée post-traitement, l’activité physique permet de réduire le risque de récidive par cancer.



Dr Alexandre Feltz
« Le sport-santé est un vrai choix politique »
Dr Alexandre Feltz, adjoint à la maire de Strasbourg, en charge de la santé publique et environnementale et médecin généraliste
«  Le sport-santé est un vrai choix politique »

Pourquoi Strasbourg s'est-elle emparée de ce sujet du sport-santé ? C'est la conjonction d’éléments scientifiques et d'une volonté politique, que je porte en tant qu'adjoint au maire, qui a fait que notre ville est devenue pionnière. Avec un élément de contexte : les maladies chroniques, notamment le diabète et l'obésité, sont importantes à Strasbourg et en Alsace. Et l'activité physique a une efficacité dans la prise en charge des maladies métaboliques.

Le sport-santé correspond à une logique « populationnelle » : permettre à des personnes qui en sont souvent éloignées de pouvoir accéder à une activité physique encadrée par des éducateurs sport-santé formés, en lien avec les médecins traitants, pour améliorer leur état de santé. Mais aussi de recréer du lien social, puisque les malades chroniques sont souvent isolés, en arrêts de travail, en invalidité, avec des difficultés sociales…

Comment s'organise aujourd'hui le sport-santé à l'échelle de la collectivité ? Nous sommes partis en 2012 avec à peu près une cinquantaine de médecins, une centaine d'usagers et un budget de 100 000 euros, soit un éducateur sportif et une petite coordination. Aujourd'hui, nous sommes en train de mettre en place un groupement d'intérêt public qui va rassembler 16 acteurs du territoire : institutionnels, associations, hôpitaux, professionnels du sport avec un budget de 1,5 million d’euros. Vingt-cinq professionnels de la santé et du sport vont être au service du territoire. Ils vont pouvoir travailler sur l'activité physique pour les enfants, les personnes âgées, les personnes malades mais aussi faire de la prévention primaire. Aujourd'hui, la quasi-totalité des médecins strasbourgeois, 450 médecins généralistes, prescrivent du sport-santé. Et depuis 2012, près de 3 000 personnes ont bénéficié du sport-santé sur ordonnance. On atteint désormais 1 000 prises en charge par an, même si cela a été un peu plus compliqué avec le Covid-19. Nous allons d'ailleurs ouvrir le sport-santé aux patients post-Covid stabilisés.

Pourquoi cet enjeu du sport-santé reste inégalement investi par d'autres collectivités ? C'est un vrai choix politique. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de financement national. Il y a une prétendue politique nationale, mais pas de financements. Tout ce qui existe est là grâce à des financements locaux. Mais qui sont différents. L’Agence régionale de santé (ARS) Grand-Est est très engagée dans le sport-santé, mais celle des Hauts-de-France ne donne rien aux collectivités. Il y a une inégalité territoriale et une non-lisibilité au niveau national dues à l'absence de financements. Ce que je souhaite, ce n'est pas que la Sécurité sociale rembourse, ni qu'elle finance tout. Mais au moins qu'elle participe au financement des Maisons sport-santé, des réseaux associatifs ou municipaux du sport-santé en France. Nous avons essayé de plaider cela dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PFLSS) actuellement en débat au Parlement. C'est une décision politique nationale qui ne m'appartient pas mais à laquelle je contribue fortement.

Dr Émile Escourrou
« L'activité physique est un élément central dans la prise en charge des polypathologies »
Dr Émile Escourrou, médecin généraliste à la maison de santé pluridisciplinaire universitaire (MSPU) La Providence, Toulouse
« L'activité physique est un élément central dans la prise en charge des polypathologies »

Depuis quand et pour quelles raisons prescrivez-vous de l'activité physique ? Cela fait quatre ans, et concerne aujourd'hui 1/5e de mes patients. Je considère que c'est une mesure thérapeutique non médicamenteuse qui est essentielle en termes de prévention, mais aussi de prise en charge des patients porteurs de pathologies chroniques. Avec l'augmentation très nette des patients atteints de polypathologies, l'activité physique adaptée (APA) est devenue un élément central dans la prise en charge. Pour les patients en affection de longue durée, le décret du 30 décembre 2016 permet de prescrire l’APA comme une thérapeutique médicamenteuse : en écrivant sur l'ordonnance le type d'activité physique, l'intensité, la fréquence, la durée et les objectifs à atteindre. Exactement comme la posologie d’un médicament. L’action de prescrire fait que cela prend tout de suite plus d'importance qu’un simple conseil oral. Ensuite, deux options : soit le patient est autonome dans la réalisation de son APA, soit il a besoin d'être encadré et d’être dirigé vers un professionnel.

Comment s'organise ensuite le suivi des patients ? Il est indispensable qu'il y ait une réévaluation rapide, pour maintenir la motivation du patient après la prescription. Cela permet de vérifier que les séances se passent bien, qu'il n'y a pas d’événements indésirables, de douleurs musculo-squelettiques notamment. L’apparition d’un événement indésirable est un frein majeur à la poursuite du programme d’APA. Après le premier entretien motivationnel, le patient peut être enclin à changer son mode de vie. S'il se fait mal au genou au bout de trois séances, il est très dur ensuite de le remotiver. C’est la raison pour laquelle, une fois le programme lancé, il faut une réévaluation régulière, pour s'assurer de la bonne évolution du patient, que les objectifs sont atteints et éventuellement en fixer de nouveaux avec lui.

Avez-vous trouvé facilement des structures pour encadrer vos patients ? Nous avons la chance, dans notre MSPU, d'avoir un centre d’APA, donc nous pouvons adresser nos patients au sein de la même structure. J'ai également rejoint le réseau efFORmip, qui m'a aidé à disposer d'un carnet d'adresses de structures d’appui. Mais il est vrai que deux aspects font encore défaut. D'abord, l'offre de structures n'est pas toujours accessible ou connue des praticiens. Si nous ne disposons pas d'une offre de proximité, le déplacement est un frein majeur pour l’adhésion du patient au programme. Le deuxième gros écueil, c'est le fait que ce ne soit pas remboursé. Il est indispensable de mener des projets de recherche au sein des territoires pour montrer que les patients adhèrent aux programmes d’APA que l’on met en place, qu'il y a une nette amélioration de leur qualité de vie et une amélioration de l’efficience des soins. Si nous parvenons à démontrer cela sur plusieurs profils de patients, ce sera un argument fort pour prôner un remboursement.

Stéphane Lecossois
« Il y a une vraie prise de conscience du secteur médical »
Stéphane Lecossois, directeur de la fédération sportive Ufolep-Somme et d’une Maison sport-santé labellisée en janvier 2020
« Il y a une vraie prise de conscience du secteur médical »

Quel est votre projet pour la future Maison sport-santé, et pourquoi avoir demandé la labellisation ? La labellisation de notre projet de Maison sport-santé Maurice Ravel, dans les quartiers nord d'Amiens (Somme), nous offre la possibilité de mettre en application l'expérience acquise depuis une douzaine d'années par notre fédération sportive Ufolep-Somme auprès des publics éloignés de l'activité physique, dans le but de répondre à certaines problématiques sociales. Dans notre région, les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité. Notre projet pour notre Maison sport-santé est le suivant : après délivrance d'un certificat par son médecin, le patient entrerait dans un cursus de dix mois associant activités physiques adaptées et suivi médical. L'intérêt du projet repose surtout l'embauche d'un coordinateur, qui ferait le lien entre tous les acteurs : éducateurs sportifs, médecins, patients. Côté activités, on privilégierait les activités d'entretien du corps et de renforcement musculaire : de la gym douce, du step adapté, du Pilates… Étant une fédération multisport, nous souhaitons aussi proposer du renforcement musculaire et le travail du cardio, avec des activités en extérieur type randonnée, tir à l'arc ou marche nordique. Nous avons évalué le coût à 20 € par usager, avec des groupes par niveaux de dix personnes.

Est-ce que la crise de la Covid-19 a eu un impact sur le projet ? Oui. Nous avons eu le label en janvier, mais le travail avec les institutions a pris du retard : il aurait dû commencer en février, il a débuté en septembre. Nous sommes en discussion avec les collectivités et les institutions pour réfléchir à l'organisation et au financement. Je ne nous vois pas pouvoir débuter avant au moins la fin du premier trimestre 2021.

Comment mieux sensibiliser les populations éloignées de l'activité physique au sport-santé ? Dans le cadre du projet que nous proposons, à mon avis, cela passe d'abord par une bonne collaboration avec les médecins généralistes. Les médecins ont cette légitimité pour identifier les publics cibles et évaluer leurs capacités physiques. Actuellement, la limite que nous avons identifiée, c’est le manque d’informations dont ils disposent : ils ne savent pas toujours vers qui orienter leurs patients. Néanmoins, on voit bien qu'il y a une vraie prise de conscience du secteur médical sur les bienfaits d'une activité physique régulière. C'est un élément clé. Il faut justement qu'on se rapproche. La Maison sport-santé devrait être un lieu propice à la mise en place d'une synergie entre les différents acteurs.

GDVB
GDVB
Le Grand Défi Vivez Bougez

Bouger, c’est ludique !

Bouger, c’est ludique !

Le Grand Défi Vivez Bougez (GDVB), c’est un programme de promotion de l’activité physique chez l’enfant entre 6 et 11 ans porté par 4 copilotes : l’Institut du cancer de Montpellier, l’Académie de Montpellier, l’ARS Occitanie et la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale.

Organisé dans les écoles primaires, le GDVB dure un mois et demi. Il commence par une phase pédagogique : les enseignants expliquent aux enfants ce qu’est l’activité physique, ses bienfaits, le principe du défi et de ses « cubes énergie ». « Un cube énergie, c’est 15 minutes d’activité physique sans s’arrêter, détaille Mathieu Gourlan, ingénieur de recherche au département prévention de l’Institut du cancer de Montpellier. Cette unité de mesure est empruntée à un événement québécois similaire, le Grand Défi Pierre Lavoie. L’objectif du défi, c’est d’en cumuler le plus possible. » Le cumul se fait par classes ou par écoles. Les enseignants sont incités à organiser des événements GDVB, de type jeu collectif sportif. « On n’est pas dans une optique de compétition, plutôt d’émulation collective. Notre souhait, c’est de créer un environnement stimulant pour l’enfant, d’inscrire l’activité physique dans leurs habitudes. » Et ce à l’école, mais aussi à la maison. « Lorsqu’un enfant pratique une activité physique avec ses parents, ses frères et sœurs, il récupère leurs cubes énergie et peut les ajouter à son total. »

Avec cet événement, organisé chaque année depuis 2013, l’Institut du cancer de Montpellier cherche à prévenir la chute d’activité physique qui survient habituellement à l’adolescence. L’an dernier, 18 000 élèves étaient inscrits.

http://www.gdvb.fr/

ICAPS
ICAPS
Icaps

Lutter contre la sédentarité chez les jeunes

Icaps

En 2019, le centre socio-culturel et sportif Léo Lagrange de Colombelles (Calvados) est nommé Centre national d’appui au déploiement en activité physique et lutte contre la sédentarité (CNDAPS) par Santé publique France. Objectif : assurer le déploiement d’une démarche de lutte contre la sédentarité auprès des jeunes âgés de 3 à 18 ans. Cette démarche, nommée Icaps – Intervention auprès des collégiens centrée sur l'activité physique et la sédentarité – est née en 2002. La Pr Chantal Simon, soutenue alors par l’Inpes, mène une étude auprès de 1 000 collégiens. La moitié bénéficie d’une heure supplémentaire d’activité physique par semaine, l’autre non. Durant les quatre années d’observation, il est montré que les élèves s’activant davantage présentent une meilleure santé que les autres. Mieux : une influence positive sur leurs parents, amis et fratrie est observée. Et deux années plus tard, les bienfaits perdurent chez les collégiens devenus lycéens : moins de surpoids, et même moins de temps passé devant les écrans. En 2009, l’Organisation mondiale de la santé reconnaît la démarche Icaps comme efficace.

Aujourd’hui, le centre Léo Lagrange, dirigé par Florent Boucher – engagé dans le sport-santé depuis de nombreuses années –, est donc chargé de déployer cette démarche à large échelle. « Notre rôle est de la faire connaître auprès des structures, des ARS, des collectivités,détaille le Pr Fabrice Dosseville, responsable de l’accompagnement. Il s’agit aussi de former puis d’accompagner ces acteurs dans la mise en œuvre de projets fondés sur cette démarche. » Des actions Icaps commencent à se mettre en place, dans le Grand Est, à la Réunion et en Bretagne.

Parcours du coeur
Parcours du coeur
Les Parcours du Cœur

Faire reculer les maladies cardiovasculaires

Parcours

Organisée par la Fédération française de cardiologie depuis 1975, l’opération de prévention Les Parcours du Cœur est l’une des pionnières du genre en France. Chaque année, dans les villes, les entreprises, les établissements scolaires, Les Parcours du Cœur prennent la forme d’événements sportifs et d’ateliers santé. L’objectif : faire reculer les maladies cardiovasculaires par l'information, le dépistage, l'apprentissage de pratiques de vie plus saines. « Ces maladies sont la première cause de mortalité dans le monde,expose le Pr Paul Menu, cardiologue et membre de la Fédération française de cardiologie.Cela fait plus de soixante ans que l’on connaît l’intérêt de l’activité physique dans leur traitement et leur prévention. Ce que l’on cherche à faire, maintenant, c’est amener les personnes à l’intégrer. »

Et commencer la prévention dès le plus jeune âge, c’est primordial. « On constate souvent, sur des patients de 60 ans et plus, qu’ils ont manqué d’activité physique tout au long de leur vie », rapporte le Pr Menu. Pour aider les acteurs en milieu scolaire à aborder le sujet de la sédentarité avec les élèves, la Fédération française de cardiologie a élaboré des guides pédagogiques, en collaboration avec des professeurs, des médecins et d’infirmiers. « À l’école, un Parcours du Cœur, ce n’est pas qu’une journée dans l’année. C’est un événement réfléchi, travaillé 5 à 6 mois en amont avec les professeurs de SVT ou d’EPS et les élèves », assure le Pr Menu. Et chaque année, les Parcours du Cœur sont un peu plus suivis. En 2019, 750 000 personnes y ont participé.

https://www.fedecardio.org/les-parcours-du-coeur

Greffe
Greffe
Journée Sport et Greffe

Le sport, un allié pour les patients greffés

Greffe

En 2018, le Dr Nathalie Chéron, hématologue et responsable du service de soins de suite post-greffe, de réadaptation et de rééducation en hématologie au centre hospitalier de Bligny (Essonne) développe un projet. « Inviter les patients et leurs proches à participer, pendant une journée, à des activités physiques et sportives. L’objectif : leur présenter les bienfaits du sport lorsque l’on souffre d’une pathologie hématologique comme le lymphome, la leucémie ou le myélome et que l’on a été greffé. » Cette journée Sport et Greffe est un succès. « Il y avait aussi bien des patients greffés vingt jours plus tôt, que d’autres greffés depuis quinze ans. Cela illustre bien que les patients sont sensibilisés à la pratique de l’activité physique sur le long terme », rapporte le Dr Chéron, qui a depuis décidé d’instaurer ce rendez-vous chaque année.

Les bénéfices du sport dans le parcours de soins d’une maladie du sang sont nombreux : amélioration de la qualité de vie, diminution de la mortalité et des récidives, reconstitution plus rapide de l’hématopoïèse (globules rouges, blancs et plaquettes). L’activité physique diminue les symptômes liés à la maladie et au traitement. « Nous en sommes conscients depuis longtemps. Il y a quinze ans, déjà, j’ai fait aménager une salle de rééducation complète à l’hôpital. Et depuis trois ans, nous travaillons avec un coach en activité physique adaptée, spécialisé en hématologie. » Un professeur de tennis et un médecin spécialisé en activité physique adaptée interviennent aussi bénévolement à l’hôpital. À cela s’ajoute de la kinésithérapie, de la relaxation ou/et de la randonnée. « Ces séances font entièrement partie du programme d’éducation thérapeutique du patient, validé en 2018 par l’ARS », conclut le Dr Chéron.

Mareva Simonnet

Coralie Rusques

Coralie Rusques
Coralie Rusques
enseignante en activité physique adaptée à la clinique du Château de Vernhes, à Bondigoux (Haute-Garonne), a contribué à la création de la salle Capa-City à Toulouse.
« Je rêve de voir de plus en plus de salles d’activité physique adaptée qui réunissent différentes pathologies »

Je suis sportive depuis toujours mais aussi très sensibilisée au domaine du handicap. Je me suis donc naturellement dirigée vers des études en Staps. Toutefois mon premier stage en collège m’a convaincue de plutôt m’orienter dans le domaine de l’activité physique adaptée pour accompagner des personnes en difficulté.

Aujourd’hui, je prends en charge des patients en situation d’obésité et comorbidités associées. Dès la première rencontre, non seulement j’évalue la condition physique des personnes mais je recueille également leurs freins, leurs attentes et leurs motivations pour proposer l’activité la plus adaptée à chacun. Bien sûr, les malades appréhendent au début car ils ont des difficultés à bouger ou même à faire les gestes de la vie quotidienne. Mon rôle est alors de leur redonner confiance en leur corps. Les progrès sont toujours gratifiants. Il m’est déjà arrivé de voir un patient arriver en séance avec une canne et l’oublier en repartant !

À la clinique du Château de Vernhes, les enseignants en activité physique adaptée font partie intégrante de l’équipe soignante, nous participons à toutes les réunions, mais ce n’est pas le cas partout. L’activité physique adaptée est parfois perçue comme un passe-temps et non une intervention paramédicale. Notre métier manque encore de reconnaissance. On ne le retrouve même pas dans les conventions collectives des hôpitaux. Je rêve de voir de plus en plus de salles d’activité physique adaptée qui réunissent différentes pathologies et que notre métier soit mieux reconnu par le monde médical.

Catherine Fayollet

Catherine Fayollet

Catherine Fayollet
Catherine Fayollet
directrice médicale de la fondation Les Amis de l’Atelier, médecin de la Fédération française de sport adapté
« À l’inverse des psychotropes, une pratique régulière d’activité physique adaptée est nécessaire tout au long de la vie »

La prise en charge du corps a longtemps été négligée en psychiatrie. Il y a dix ans, rares étaient les spécialistes qui s’intéressaient à l’activité physique dans les soins aux pathologies psychiatriques. Grâce, entre autres, aux recommandations de l’OMS sur la place de l’exercice physique dans la lutte contre les maladies chroniques, nous assistons à un changement.

Différentes études montrent que l’activité physique adaptée (APA) améliore à la fois la condition physique, l’estime de soi, l’humeur et les capacités cognitives, y compris dans les cas de trouble sévère comme la schizophrénie. La dimension ludique, les contacts sociaux ainsi établis viennent lutter contre l’isolement. Tous les neuromédiateurs qui interviennent dans le champ des pathologies psychiatriques, comme la dopamine, la sérotonine et les endorphines, sont stimulés lors d’un effort physique.

Pour lutter contre les inégalités d’accès aux soins de santé, notre système doit redonner une place centrale au médecin généraliste. La place qu’il occupait hier, celle d’un accompagnant fraternel, fin connaisseur de l’intimité des familles. Le médecin doit être une sentinelle pour la population, notamment pour les plus fragiles. Il doit prendre soin, s’impliquer dans la prévention, la médiation familiale. C’est de cette façon qu’il maintiendra le précieux équilibre entre l’état de santé physique et l’état de santé social. Les patients ont besoin d’être regardés, écoutés, protégés. Mais aujourd’hui les médecins sont des professionnels trop sollicités, subissant une forte pression face à des patients toujours plus nombreux.

À l’inverse des psychotropes, dont la prescription est le plus souvent à limiter dans la durée, une pratique régulière d’APA est nécessaire tout au long de la vie dans la prévention des pathologies psychiatriques. Toutefois, la pratique en ville n’est pas toujours aisée. Le sport-santé commence tout juste à prendre en compte ces troubles, mais ces pathologies font peur aux associations et aux professionnels du sport, et les médecins libéraux sont encore insuffisamment formés à la prescription. Inciter les patients à bouger dans leur vie quotidienne et lever les freins individuels par une écoute et des conseils médicaux participeront à inscrire l’activité physique comme un traitement adjuvant des troubles psychiatriques.

Antoine Desvergée

Antoine Desvergée

Antoine Desvergée
Antoine Desvergée
spécialisé en médecine physique et de réadaptation au CHU de Caen
« Un espace où le personnel peut se délasser et expulser son stress »

En 2016, dans le cadre d’un appel à projets de l’Agence régionale de santé, le CHU de Caen a mis en place un questionnaire sur la qualité de vie au travail, et plus de 70 % des répondants ont exprimé leur désir de pouvoir pratiquer une activité physique au sein de l’hôpital. Deux ans après, nous avons pu ouvrir deux salles : l’une pour les cours collectifs, qui sert également pour les protocoles de soins à destination des patients, et l’autre avec tout l’équipement d’une salle de fitness ordinaire. Le succès a dépassé nos attentes ! Aujourd’hui, parmi nos 900 inscrits, 93 % se disent satisfaits ou très satisfaits.

C’est dramatique car à l’hôpital tout le monde a l’impression d’être actif en permanence. Une aide-soignante va faire des efforts difficiles et répétitifs. Un soignant peut se faire mal en manipulant un patient. Avec cette salle, mon idée était de permettre une activité qui prépare et protège lorsque l’on travaille. Outre le bénéfice pour le personnel, cette salle a permis de convaincre tout le monde des bienfaits d’une activité physique adaptée (APA). Depuis son ouverture, les prescriptions d’APA pour les patients ont augmenté.

Pour le personnel, faire du sport avec ses supérieurs ou ses collègues pouvait être un frein, mais nous constatons que cela permet, au contraire, de créer une ambiance plus conviviale. Quand on voit un professeur universitaire en short et écouteurs, ça donne le sourire et la pêche ! Dans le contexte actuel de l’hôpital public, je suis content que l’on puisse offrir un espace où le personnel peut se délasser et expulser son stress.

Frédéric Sanguignol

Frédéric Sanguignol

Frédéric Sanguignol
Frédéric Sanguignol
médecin directeur de la clinique du Château de Vernhes à Bondigoux, spécialiste du traitement de l’obésité
«  Faire le même programme thérapeutique pour toutes les personnes obèses, c’est comme donner le même antibiotique à tous les malades. Ça n’a pas de sens ! »

À la maison de santé pluriprofessionnelle universitaire La Providence, qui collabore avec la clinique, nous avons ouvert une salle d’activité physique adaptée accessible sur prescription médicale pour des patients atteints d’obésité et d’autres affections de longue durée. Après un bilan médical et éducatif, nos médecins et encadrants proposent un programme très personnalisé d’activité physique trois fois par semaine pendant quatre mois.

Diminution de la masse grasse, amélioration des capacités à l’effort, meilleure motivation… les améliorations physiques et psychologiques sont importantes, et les complications moindres. Pour les personnes avec handicap, la salle dispose de tapis de marche anti-gravité qui permettent d’alléger leur poids de 80 %. Les patients retrouvent la sensation de l’activité physique sur ces appareils. Quand on les allège petit à petit, ils se rendent compte qu’en perdant quelques kilos, ils peuvent marcher sans douleur. L’impact psychologique est majeur et entretient leur motivation à se prendre en charge, à être acteurs de leur pathologie.

L’obésité est une maladie chronique très complexe pour laquelle il n’existe aucun médicament. Il n’y a pas une mais des obésités. Pour être efficace, la prise en charge doit absolument être globale et personnalisée avec un volet médical, diététique, psychologique et physique. Sans cela, les risques de rechute sont importants. Faire le même programme thérapeutique pour toutes les personnes obèses, c’est comme donner le même antibiotique à tous les malades. Ça n’a pas de sens !

Romuald Lepers

Romuald Lepers

Frédéric Sanguignol
Romuald Lepers
responsable du master Activités physiques adaptées et santé (APAS), Université de Bourgogne
« Les athlètes masters constituent un modèle du “bien vieillir” »

Professeur de physiologie et triathlète, lorsque, à 40 ans, je suis passé dans la catégorie « masters » en compétition, je me suis rendu compte que peu d’études scientifiques s‘intéressaient aux effets de l’âge sur les performances. Depuis dix ans, ce sujet est devenu l’un de mes axes de recherche au sein du laboratoire Inserm de l’Université de Bourgogne.

D’après nos études, les athlètes masters perdent entre 7 et 10 % de leur performance chaque décennie à partir de 40 ans. Chez des personnes âgées, ne pratiquant pas d’activité physique, le déclin physique lié au vieillissement est plus rapide. Avec l’âge, les « masters » ont une baisse de leur fréquence cardiaque maximale mais ils arrivent à la compenser avec une meilleure endurance. Par exemple, certains athlètes de plus de 60 ans très entraînés peuvent maintenir plus de 80 % de leur capacité maximale sur un marathon, ce qui correspond à des valeurs de jeunes athlètes de très haut niveau. Au-delà des aspects physiques, certaines études montrent une meilleure préservation des fonctions cognitives et une socialisation plus importante chez ces sportifs, qui poursuivent les compétitions et les entraînements en club.

Bien qu’ils soient des exceptions et que la génétique joue assurément un rôle, les athlètes masters constituent un modèle du « bien vieillir ». Beaucoup ont commencé le sport relativement tard, et ils montrent ainsi qu’il n’y a pas d’âge pour débuter. Avec l’aval de son médecin, on peut même commencer à 60 ans sans avoir jamais pratiqué de sport auparavant, la marge de progression n’en sera que plus importante.

Stéphanie Ranque-Garnier

Stéphanie Ranque-Garnier

Frédéric Sanguignol
Stéphanie Ranque-Garnier
médecin spécialiste des douleurs chroniques de l’adulte au Centre d'évaluation et traitement de la douleur, à Marseille
« L'activité physique adaptée est une thérapeutique à prescrire »

Dans le cadre de Fibromyactiv, notre projet de recherche-action pour la fibromyalgie au CHU La Timone, nous avons recruté 84 patients, dont une moitié a suivi un plan de six mois d’activité physique adaptée (APA) tri-hebdomadaire. Du Pilates à l’équithérapie en passant par l’aquagym, ils ont suivi une grande palette de disciplines. L’autre moitié n’a pas été encadrée mais restait libre de pratiquer en autonomie.

Ces patients sont souvent réticents à toute idée d’activité physique en raison de leurs symptômes et de leurs expériences sportives inadaptées. C’est la raison pour laquelle ce programme d’APA prend en compte les goûts, les besoins physiologiques et les conditions de chacun. Et les résultats ont été très positifs dès la fin des premières séances ! La fatigue, l’humeur et la douleur s’amélioraient. Leur qualité de vie a significativement progressé par rapport au début et aux patients témoins. On observe une réorganisation du fonctionnement cérébral après entraînement. Cette thérapeutique a coûté 420 euros par an et par patient. Or les coûts directs et indirects annuels par patient atteint de fibromyalgie peuvent aller jusqu’à 10 000 euros dans la population non suivie par un centre de traitement de la douleur.

L’APA est le seul traitement validé pour la fibromyalgie dans le cadre d'une intervention multimodale. Mais sans investissement personnel et sans bénévolat, ce projet n’aurait pu voir le jour. Il a fait ses preuves, il est reproductible. Les programmes de ce type doivent être pérennisés et diffusés. On n'aurait pas idée d’empêcher l’accès des patients à une immunothérapie efficace…

Ce webzine vous est proposé par le Conseil national
de l'Ordre des médecins - www.conseil-national.medecin.fr
Décembre 2020

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Dr François Arnault

RÉDACTEUR EN CHEF : Pr Stéphane Oustric

COORDINATION : Isabelle Marinier

CONCEPTION ET RÉALISATION : Citizen Press

RESPONSABLE D’ÉDITION : Eva Jednak

WEBDESIGN : Charles Annerel

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Alexandra Roy

RÉDACTION : Béatrice Jaulin, Eva Jednak, Corentin Mathé-Deletang, Sevin Rey-Sahin

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PHOTOS : DR, Istock

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