Le webzine de l'Ordre des médecins - Les clés de l'information santé

WebzineSanté

#12
Décembre 2019

Les anciens numéros



27%
des patients se disent mal informés sur les risques avant de subir un acte médical
18minutes
C’est, en moyenne, le temps de consultation chez un médecin généraliste
Les médecins
craignent
de plus en plus
les conflits

Les femmes consacrent en moyenne 1 minute 30 de plus pour chaque patient.
Cette durée moyenne varie selon les pays : 22 minutes en Suède, 21 minutes aux États-Unis, 17 minutes
en Suisse, 13 minutes en Espagne, 7 minutes au Royaume-Uni et 7 minutes en Allemagne.

61% des médecins confient avoir déjà eu peur d’être poursuivis en justice par un patient.
59 % des médecins disent être mal préparés pour gérer un conflit.
Que pensent les patients de leur médecin ?
8/10
C’est la note de confiance que les Français accordent à leur médecin.
Seuls 9 % des patients accordent une note inférieure à 5 sur 10.
67%
considèrent que la qualité de la relation n’est pas uniquement liée à la qualité des soins.
36%
des Français disent entretenir une mauvaise relation avec leur médecin.
22%
des Français déclarent avoir déjà été en conflit avec un médecin.
Comment les médecins sont-ils formés à la relation avec les patients ?
En fac de médecine
En formation continue

Des cours de psychologie médicale sont proposés lors du deuxième cycle des études de médecine.
Le nombre d’heures et les méthodes utilisées varient selon les facultés. Le plus souvent, il s’agit d’enseignements optionnels et théoriques. De plus en plus, les universités proposent également des modules pratiques utilisant le théâtre, des serious games, des simulations de consultation…

Les médecins qui le souhaitent peuvent suivre des cours de communication dans le cadre de leur obligation de formation continue. La relation médecin-patient est l’un des futurs items obligatoires de la recertification des médecins.

Et ailleurs ?
Canada
La communication professionnelle est un enseignement obligatoire qui est évalué lors d’un examen.
Belgique
Depuis 2017, l’examen d’accès aux études de médecine comprend une épreuve d’éthique et d’empathie sous forme de QCM.
Grande Bretagne
Un examen oral de simulation de cas cliniques permet de juger les aptitudes communicationnelles de l’étudiant.
Espagne
La relation médecin-patient est inscrite au patrimoine de l’humanité.
Ce que dit la loi
La loi Kouchner du 4 mars 2002 marque une véritable révolution dans les droits des malades
Les commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge
  • • Elle instaure le principe de non-discrimination dans la qualité des soins donnés.
  • • Elle rend obligatoire le droit du patient à être informé sur son état de santé et la nécessité de son consentement libre et éclairé.
  • • Elle donne au patient le droit d’accéder à son dossier médical.

Depuis 2002, ces commissions sont obligatoires dans tous les établissements de santé.
Leur rôle : veiller au respect des droits des patients, à la qualité de l'accueil des malades et à la transmission des griefs au personnel.

Drees, Panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale.
Sondage Odoxa : http://www.odoxa.fr/sondage/refonder-confiance-medicale-a-necessaire-urgent-a-possible/
Manque de disponibilité, d’écoute, d’empathie… Depuis quelques années, les critiques pleuvent sur les médecins. Sont-elles justifiées ? Comment les expliquer ? Et surtout, comment rétablir la nécessaire relation de confiance entre les soignants et leurs patients ?
Gérard Raymond
Gérard Raymond
président de France Assos
Dr Catherine Tourette-Turgis
Dr Catherine Tourette-Turgis
fondatrice et directrice de l’Université des Patients – Sorbonne Université
Dr Philippe Baudon
Dr Philippe Baudon
médecin généraliste retraité, auteur de Médecin, lève-toi ! (éd. Nympheas)
Pr Patrice Diot
Pr Patrice Diot
doyen de la faculté de médecine de Tours
Quel état des lieux dressez-vous de la relation médecin-patient aujourd’hui ?
Philippe Baudon
Philippe Baudon / En tant que médecin de ville, je n’avais pas vraiment conscience de ce qu’il se passait dans les hôpitaux. C’est quand mon épouse a eu une tumeur au cerveau, voilà trois ans, que j’ai été saisi par le manque total d’empathie de nombreux confrères. Pas tous, bien sûr. Au début, tout s’est très bien passé. Mais quand elle a été transférée dans un autre service, pour subir d’autres traitements, le nouveau médecin lui a dit : « Si dans six mois, vous êtes toujours en vie, c’est que vous faites partie des 5 % qui survivent. » De telles paroles sont inacceptables ! Et ce n’est là qu’une des scènes choquantes auxquelles j’ai assisté et qui m’ont conduit à écrire un livre pour dénoncer la situation. Le manque d’empathie est d’autant plus grave qu’on sait aujourd’hui que plus les malades se sentent pris au sérieux et sécurisés, plus ils ont de chances de guérir 1.

(1) https://www.nytimes.com/2019/01/22/well/live/can-a-nice-doctor-make-treatments-more-effective.html ou https://www.legeneraliste.fr/actualites/article/2019/01/26/et-si-un-medecin-sympa-rendait-les-traitements-plus-efficaces-etude_317291
Patrice Diot
Patrice Diot / L’empathie a un effet apaisant, qui complète l’action des traitements. C’est pourquoi je ne cesse de rappeler aux étudiants de la faculté de Tours, dont je suis le doyen, que cette qualité fait partie des compétences fondamentales que tout médecin doit avoir pour exercer. Malheureusement, à force d’être exposés à des situations douloureuses, qu’ils peuvent parfois mal vivre eux-mêmes, certains professionnels finissent par s’endurcir et à entamer leur capacité naturelle à l’empathie. Ils devraient plutôt chercher un équilibre entre l’ouverture aux autres et la nécessité de se protéger de leurs émotions. Cela vaut aussi pour les personnels qui ne sont pas directement en contact avec les malades. Car à quoi sert l’empathie d’un médecin si les patients ont l’impression d’être considérés comme des encombrants par le reste de l’équipe ?
Catherine Tourette-Turgis
Catherine Tourette-Turgis / L’empathie n’a pas forcément besoin d’être totale au niveau émotionnel, mais son dosage doit être minimal : on a tous besoin de se sentir au moins accepté comme étant cette personne-là, ce jour-là, avec sa détresse ou sa colère, surtout à l’annonce d’une mauvaise nouvelle. Pour une relation de qualité, la confiance et l’écoute sont essentielles. Mais cela doit aller dans les deux sens, il faut le rappeler. Car dans d’autres situations, en ville notamment, ce sont les patients qui manquent parfois de compréhension vis-à-vis de leurs médecins surchargés, devenant par exemple agressifs quand ils n’arrivent pas à obtenir un rendez-vous dans la journée.
Gérard Raymond
Gérard Raymond / Une relation médecin-patient de qualité ne peut s’exprimer que dans un contexte où les citoyens ont une réponse rapide à leurs besoins, avec un accès facilité à des professionnels de santé près de chez eux. Elle ne s’améliorera donc que si on augmente le temps médical des médecins, si on leur laisse le temps de mettre suffisamment en confiance les patients pour qu’ils osent s’exprimer. De ce point de vue, certaines spécialités sont mieux organisées que d’autres, notamment celles qui traitent de maladies chroniques. Les diabétologues, par exemple, sont obligés d’être à l’écoute de leurs patients. Ils doivent arriver à maintenir leur motivation à suivre à vie les règles de prévention secondaire que la pathologie leur impose. Ils ont aussi davantage accepté l’idée qu’ils peuvent avoir affaire à des experts profanes, qui connaissent parfaitement leur maladie.

Comment expliquer cela ?
Patrice Diot
Patrice Diot / L’organisation actuelle du système de soins, qui ne compte pas l’écoute comme une activité tarifée, a tendance à éloigner le médecin du patient en ne lui laissant pas le temps d’échanger, de rassurer. En outre, le milieu hospitalier est un milieu difficile, dans lequel le stress est important. Les tensions entre les personnes et/ou entre les services sont nombreuses, et la mutation en cours de l’hôpital me semble les accentuer. Cette pression peut malheureusement retentir sur l’attention que les soignants portent aux autres, notamment aux malades…
Philippe Baudon
Philippe Baudon / Certains médecins arguent qu’ils n’ont pas le temps. Les hôpitaux étant de plus en plus dirigés par des administratifs, on ne les laisse plus être dans le rapport humain. Mais parfois, cela n’a rien à voir. Les patients deviennent la routine au point que les professionnels ne se préoccupent plus de ce qu’ils peuvent ressentir. Un jour, par exemple, j’étais dans la salle d’attente d’un radiologue. Le médecin est entré et a demandé à une jeune femme qui venait de faire une mammographie s’il pouvait conserver ses radiographies car « vous avez une très belle image de cancer du sein ». Or, personne n’avait encore annoncé à cette patiente sa maladie. Ce n’est pas normal ! En ville, les médecins ne pourraient pas faire preuve d’un tel manque d’empathie : ils fermeraient leurs cabinets, faute de patients. Mais, à l’hôpital, on ne choisit pas son médecin.
Catherine Tourette-Turgis
Catherine Tourette-Turgis / L’empathie est une disposition naturelle, intuitive et spontanée, mais elle peut être volontairement inhibée par le médecin, celui-ci se forgeant une carapace pour ne pas se perdre dans la détresse de ses patients. On ne se rend pas compte, mais annoncer une maladie grave est une activité à haut potentiel de stress. Même s’il a un savoir-faire, au-delà d’un certain nombre d’entretiens difficiles dans la journée, le médecin n’est plus en capacité d’en mener d’autres avec la même présence rassurante. Les établissements de santé ne se préoccupent pas assez du bien-être des médecins qui vivent la répétition de ces drames quotidiennement.
Gérard Raymond<
Gérard Raymond / Les praticiens ont bien compris que la dimension humaine était importante dans le couple patient-médecin, mais l’organisation du système de soins ne les aide pas. En outre, les médecins ne sont pas toujours formés à poser les bonnes questions pour mettre en confiance et libérer la parole. Dans le cas des maladies chroniques, beaucoup ont encore tendance à culpabiliser le malade peu observant en l’accusant d’être un mauvais patient. Or, ils devraient accepter qu’une personne n’avance pas aussi vite qu’ils le voudraient. C’est au professionnel de santé d’arriver à convaincre le patient que devenir acteur de sa santé est dans son intérêt, qu’il en a la capacité. Ce n’est pas avec des schémas ou des avertissements qu’il peut le faire, mais avec du temps, de l’écoute et une capacité à se mettre à la place de l’autre.
Avec la réforme de la formation, la situation n’est-elle pas en voie d’amélioration ?
Patrice Diot
Patrice Diot / Aujourd’hui, la plupart des facultés de médecine, si ce n’est toutes, ont réintroduit l’écoute et l’empathie dans leurs enseignements. Des ateliers de simulation sont organisés pour faire prendre conscience aux étudiants qu’ils devront prêter attention aux patients et à ce qu’ils peuvent ressentir, par exemple lors de l’annonce d’une mauvaise nouvelle. La diversification des terrains de stage favorisant les expériences dans des cabinets libéraux ou des hôpitaux de proximité, permet par ailleurs de sortir d’une formation trop « CHU centrée », pour aller davantage au contact des patients. Ce sera particulièrement important avec la mise en œuvre de la réforme du 2e cycle : celle-ci prévoit qu’à compter de 2023, l’évaluation porte non plus sur les seules connaissances, mais aussi sur les compétences dans lesquelles s’inscrit le savoir-être, et notamment l’empathie.
Philippe Baudon
Philippe Baudon / Effectivement, les facultés sensibilisent de nouveau leurs étudiants à l’écoute et l’empathie, mais il faudra plusieurs années avant que la jeune génération irrigue tous les services de médecine. Les autres praticiens, qui exercent déjà depuis des années, doivent prendre conscience que même si cela les stresse, ils ne peuvent pas faire l’impasse sur ces compétences de base. Pour limiter l’angoisse des patients, il suffit parfois d’un simple changement de vocabulaire, d’utiliser le mot « tumeur » plutôt que « cancer » par exemple. On peut rassurer a minima une femme qui apprend qu’elle a la même tumeur du sein que celle qui a tué sa grand-mère et sa mère en lui disant que les traitements sont plus performants aujourd’hui. Les malades ont besoin d’entendre qu’on va tout faire pour les soigner. Cela leur donne une chance psychologique de guérir.
Gérard Raymond
Gérard Raymond / De plus en plus de patients experts interviennent en faculté de médecine pour enseigner aux futurs médecins des pratiques plus humanistes. On en voit également dans les hôpitaux, certains services hospitaliers faisant appel à eux pour animer des ateliers d’éducation thérapeutique auprès de leurs patients atteints de maladies chroniques. Cela contribue à libérer du temps médical pour les médecins, tout en améliorant l’observance grâce à un échange peer-to-peer entre patients experts et nouveaux patients. Ces changements ne concernent cependant pas encore tous les hôpitaux. Ils sont en cours mais mettront du temps avant d’être visibles partout.
Catherine Tourette-Turgis
Catherine Tourette-Turgis / En accompagnant des malades du sida, à la fin des années 1980, je me suis rendu compte qu’ils représentaient une ressource précieuse pour le système de santé et qu’ils étaient nombreux à vouloir transformer leur expérience de la maladie en expertise au service de la communauté. C’est pourquoi, en 2009, j’ai eu l’idée de créer une université pour les patients. Depuis, nous en avons formé près de 200 à l’éducation thérapeutique, à la démocratie en santé ou à l’accompagnement de malades en cancérologie. Certains de ces patients experts, en devenant formateurs ou en faisant de l’éducation thérapeutique, contribuent à améliorer la relation médecin-patient : ils aident en effet les uns et les autres à se comprendre et à parler le même langage.
Comment pourrait-on améliorer les choses ?
Catherine Tourette-Turgis
Catherine Tourette-Turgis / Si on écoute les médecins, si on se préoccupe d’eux et si on les aide à trouver plus de temps médical, ils déploient généralement une posture plus sereine. L’empathie est au fondement de l’humain, c’est une compétence dont dispose l’humain à sa naissance. Mais personne ne peut tenir dix heures par jour sans affects (y compris sans émotions négatives). Les repérer, en parler, c’est essentiel pour assurer une prise en charge de qualité. Les établissements de santé devraient s’en préoccuper.
Philippe Baudon
Philippe Baudon / Il faudrait aussi de véritables chefs de service. Beaucoup restent dans leur tour d’ivoire, on ne les voit jamais. Ils ne sont pas là pour répondre aux questions des patients, ni pour rappeler à l’ordre ceux qui oublieraient que la chambre n° 12 est un être humain, et pas seulement « un cancer du poumon qui n’en a plus pour longtemps ». Le chef de service doit être présent pour veiller à ce que tout le monde aille bien, les personnels médicaux comme les patients. S’il fait son travail, échange avec les malades et écoute les griefs de ses équipes, personne ne doutera de sa qualité. Les patients et leurs familles se retrouveront moins seuls face à leur détresse psychologique, tandis que les infirmiers et les aides-soignants se sentiront considérés et moins débordés par les angoisses des malades, dont on leur délègue trop souvent la gestion aujourd’hui.
Patrice Diot
Patrice Diot / Les chefs de service doivent être attentifs au comportement de leurs équipes. Mais les médecins expérimentés, même s’ils ne sont pas à la tête d’un service, doivent aussi avoir une bonne posture, être attentifs à ce qu’ils disent, aux termes qu’ils choisissent et à la manière dont ils traitent leurs patients et les professionnels avec lesquels ils interagissent. Ils ont une valeur d’exemple. En étant respectueux vis-à-vis de toutes ces personnes, ils influent beaucoup sur l’ambiance dans les couloirs et les chambres.
Gérard Raymond
Gérard Raymond / Le développement de nouveaux outils de suivi des patients à distance, comme les objets connectés en diabétologie par exemple, devrait contribuer à redonner du temps médical utile aux médecins. Mais les consultations physiques étant plus espacées, elles devront être plus riches en échanges humains car elles auront un rôle important dans la motivation du patient à être acteur de sa santé.
L’empathie du médecin soulage la douleur du patient

Le contexte dans lequel se trouve le patient et l’empathie dont font preuve les personnes qui l’entourent jouent un rôle dans le ressenti de la douleur. C’est ce que démontre une étude menée par une équipe Inserm du Centre de recherche en neurosciences de Lyon.
Pour trouver une preuve scientifique de ce constat, les chercheurs ont fait appel à une troupe de comédiens qui ont mimé le comportement de soignants empathiques (ou non) face à des patients volontaires sains. Ces derniers étaient soumis à des stimulations douloureuses et devaient évaluer leur douleur sur une échelle de 100. Résultat : si les commentaires négatifs augmentent peu la douleur, les phrases empathiques, elles, diminuent la douleur ressentie de 12 %.
Les chercheurs ont ensuite tenté de comprendre les mécanismes cérébraux à l’œuvre dans ce ressenti. Les patients ont été soumis à une IRM fonctionnelle. Les paroles (empathiques ou non) du médecin-comédien activent les réseaux cérébraux dits « supérieurs », dédiés notamment à l’attention, la conscience de soi, l’exploration du contexte… Des réseaux qui interviennent aussi dans la constitution de l’expérience douloureuse.

Pour en savoir plus :https://www.nature.com/articles/s41598-019-44879-9

La relation médecin-patient influe sur la guérison

Chercheur à l’université de Harvard, le Dr John Kelley a passé en revue treize études scientifiques sur les conséquences thérapeutiques d’une bonne relation médecin-patient. L’analyse montre qu’une meilleure communication a un impact « faible mais significatif » sur la guérison. « Des interventions visant à améliorer la communication ont un effet mesurable sur certains marqueurs de l'état de santé comme la pression artérielle, la perte de poids ou les scores de douleur », explique le chercheur.
Ainsi, regarder son patient dans les yeux, ne pas l’interrompre ou poser des questions ouvertes aurait, selon les chercheurs, des effets comparables à la prise d’aspirine pour réduire le risque d’infarctus du myocarde ou aux conséquences d’un sevrage tabagique sur la mortalité masculine après huit ans.

Pour en savoir plus :https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0094207

L’intérêt d’un vocabulaire compréhensible

Le jargon médical est un véritable frein pour la relation médecin-patient. Il peut même être une source d’angoisse inutile et néfaste dans le processus de guérison. C’est ce que montre une étude anglaise. Les mots comme « bénin », « lésion » ou « biopsie » sont mal compris par près de deux tiers des patients. « Il est essentiel que tous les cliniciens modifient leur langue de manière appropriée au cours des consultations pour fournir des informations de manière globale afin d'éduquer les patients sur leur état. Ils permettent ainsi une prise de décision éclairée par les patients », indique l’étude.

Pour en savoir plus : https://www.nature.com/articles/sj.bdj.2017.991



Alexandre Duguet
« Les études de médecine, centrées dès la sélection sur le savoir-faire scientifique, n’abordent pas assez la relation humaine »
Alexandre Duguet, pneumologue, vice-doyen chargé des formations, Sorbonne Université, coach pour dirigeants dans le secteur de la santé.
« Les études de médecine, centrées dès la sélection sur le savoir-faire scientifique, n’abordent pas assez la relation humaine»

Pour quelles raisons est-il important d’enseigner l’empathie, l’écoute et la bienveillance aux futurs médecins ? Lorsqu’on interroge les patients sur les qualités qu’ils attendent de leur médecin, leur réponse porte avant tout sur ses compétences techniques. Mais juste après arrivent l’écoute et la capacité à comprendre les maux, les peurs. Nous avons encore un long de chemin à parcourir. Nous sommes allés loin dans l’apprentissage des connaissances médicales mais les études de médecine, centrées dès la sélection sur le savoir-faire scientifique, n’abordent pas assez cette relation humaine.
Face à ce constat, Sorbonne Université propose des stages d’écoute, des modules de communication non violente, des saynètes avec des étudiants en théâtre pour travailler la relation avec les familles, des rencontres avec les associations de patients. Chaque année, 450 étudiants ont suivi un stage au Collectif féministe contre le viol. Plus de 80 %1 des participants s’estiment insuffisamment formés à l’écoute des victimes.

Les médecins manquent-ils d’empathie, comme les patients le leur reprochent parfois ? La majorité des plaintes adressées aux hôpitaux ne concerne pas la qualité des soins, mais une relation difficile avec le médecin, centrée sur la maladie plutôt que sur le malade. Ce sont des professionnels très sollicités, qui subissent une forte pression. Ils manquent de temps face à des patients toujours plus nombreux.
Les médecins n’ont pas appris à gérer la relation avec les malades et avec leurs collègues. Ils sont parfois eux-mêmes victimes d’un manque de bienveillance, tout au long de leurs études puis dans les relations entre pairs. Au quotidien, ils ne sont pas suffisamment écoutés et n’expriment pas leur ressenti. C’est plus compliqué, dans ces conditions, de faire preuve de bienveillance et d’authenticité. Pour autant, ils peuvent faire l’expérience d’une communication plus juste à tout moment. Pour la première fois en juillet, j’ai initié 24 médecins de l’AP-HP à la communication non violente. Les prochaines sessions sont complètes. Il y a une vraie demande.

Enseigner l’empathie concourt-il à former de meilleurs médecins ? Aujourd’hui, le jeune médecin est peu préparé à annoncer une maladie ou une récidive, à affronter des patients dont la vie bascule. La sensibilisation à une médecine plus empathique confère aux étudiants de meilleures compétences relationnelles.
Ils détricotent leurs préjugés, apprennent des phrases simples qui créent un climat de confiance, libèrent la parole. Ils consacreront peut-être davantage de temps à l’interrogatoire médical ou à l’examen clinique. Une étude montre qu’une mauvaise écoute des médecins réduit l’efficacité d’une consultation. Les étudiants sont par ailleurs très peu sensibilisés à dépister les violences sexuelles, la précarité, le handicap, les maladies mentales, qui ont pourtant un réel impact sur la santé. Plus on connaît son patient, son vécu, mieux on le soigne.

1. Violences sexuelles et formation médicales initiales – Gaëlle Auber, 2014.

Marc Ychou
« J’appelle à placer le relationnel au cœur du soin en développant un savoir-être médical. »
Marc Ychou1, oncologue digestif, directeur de l’Institut du cancer de Montpellier. Avec Serge Ouaknine, ils animent depuis douze ans des formations par le théâtre pour sensibiliser médecins et étudiants à l’importance de la relation humaine.
« Nous initions les étudiants à maîtriser leur présence afin d’humaniser leur relation au malade et ses proches. Ce travail les accompagnera tout au long de leur carrière »

À Montpellier, vous utilisez le théâtre pour développer la dimension humaine dans le soin. Comment est née cette initiative ? En quoi consiste-t-elle concrètement ? Depuis de nombreuses années, des patients témoignent de leur désarroi après une annonce de diagnostic maladroite, brutale. Face à ce constat, Serge Ouaknine et moi-même avons lancé des ateliers de théâtre pour développer le sens relationnel des médecins. Depuis 2013, cette initiation est obligatoire pour les élèves de quatrième année. Pendant quatre heures, quinze participants simulent l’énoncé d’un diagnostic, d’une récidive ou encore d’un passage en soins palliatifs. Face à eux, des comédiens interprètent des patients et leurs familles en pleurs ou agressifs, bavards ou dans le déni. L’annonce d’une pathologie grave est l’instant précis où l’empathie est essentielle. Les médecins doivent savoir écouter, percevoir ce que le patient ressent. Il s’agit certainement de la qualité professionnelle la plus difficile à acquérir. En quatrième année, les étudiants sont déjà en contact avec les malades mais pas encore obnubilés par le concours de l'internat.
En douze ans, nous avons aussi formé 80 cancérologues et nous coachons chaque année une douzaine d’internes en cancérologie.

Comment évolue la relation médecin-patient ces dernières années ? Depuis le début des années 2000, avec les « Plans cancer », des améliorations ont été apportées. Une formation de 48 heures individualisée est proposée pour les internes en cancérologie en France. J’ai été contacté par quelques facultés et l’information a été relayée au ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mais c’est encore très insuffisant. Il est grand temps de nous remettre en question. J’appelle à placer le relationnel au cœur du soin en développant un savoir-être médical dans toutes les facultés de médecine. Cela exige beaucoup d’énergie, des moyens financiers et trouver des créneaux dans des programmes surchargés. Mais c’est la seule solution pour être à la hauteur des enjeux et des attentes des patients.

1. Auteurs de « Le nouveau serment d’Hippocrate. Le théâtre à la rencontre de la médecine », éditions Le Manuscrit, 2017.

Serge Ouaknine
« Nous initions les étudiants à maîtriser leur présence afin d’humaniser leur relation au malade et ses proches. Ce travail les accompagnera tout au long de leur carrière »
Serge Ouaknine1, metteur en scène et professeur d’université à Montréal. Co-animateur avec Marc Ychou de formations de médecins par le théâtre à l’université de Montpellier.
« Nous initions les étudiants à maîtriser leur présence afin d’humaniser leur relation au malade et ses proches. Ce travail les accompagnera tout au long de leur carrière »

Qu’apporte le théâtre aux étudiants qui participent l’atelier que vous co-animez avec Marc Ychou ? La médecine est aujourd’hui technique, sophistiquée, virtualisée. Les tests et les imageries ont remplacé le questionnement d’hier, la parole qui rassurait. Résultat : les médecins se figent derrière une routine. Ils sont dans une procédure, les patients sont dans un processus. Le théâtre est une école de contact, l’art de cheminer avec autrui. Le langage corporel du soignant envoie des signes aux malades : sa présence, le vibrato de sa voix, le rythme serein de sa parole sont tout aussi importants que le contenu objectif du diagnostic. La difficulté du médecin est de s’inscrire simultanément dans une rigueur clinique et dans une sensibilité perceptive. Nous travaillons certes la voix, mais veillons aussi au choix des mots, à la posture physique, aux gestes justes. Le manque de temps est la maladie infantile de la médecine. Je montre aux professionnels comment prendre leur temps, comment une certaine lenteur élimine les mots superflus et expressions malheureuses. Être capable de faire un silence est la condition première de l’empathie. Nous initions les étudiants à maîtriser leur présence afin d’humaniser leur relation au malade et ses proches. Ce travail les accompagnera tout au long de leur carrière.

1. Auteurs de « Le nouveau serment d’Hippocrate. Le théâtre à la rencontre de la médecine », éditions Le Manuscrit, 2017.

Samuel Leroy
« La génération actuelle d’étudiants sera le moteur du changement de paradigme de l’enseignement et de la pratique médicale »
Samuel Leroy, médecin anesthésiste réanimateur et président de l’association Ciel ! Mon serment.
« La génération actuelle d’étudiants sera le moteur du changement de paradigme de l’enseignement et de la pratique médicale »

Comment améliorer la relation entre les soignants et les patients ? Dès leurs premières années, les étudiants en médecine sont confrontés à la rencontre avec le patient. L’accompagnement des facultés de médecine à ce moment clé est quasi inexistant. L’enseignement doit prendre ses distances avec la science dure pour intégrer les sciences humaines et sociales, la psychologie, la communication médicale ou encore les arts soignants.
Autre levier : les patients-experts. Leur professionnalisation recentre le soin autour du malade et remplace l’ancien modèle paternaliste. Les patients-experts, parfaitement informés sur leur maladie, attendent une prise en charge plus globale qui exige une bonne connaissance de leur environnement au sens large – familial, sentimental, travail, économique.
Inspirons-nous du système nord-américain. Au Canada, par exemple, les modules consacrés à la relation médecin-patient sont évalués chaque année, comme n’importe quelle discipline scientifique. Pragmatiques, ils ont compris que de nombreux troubles chroniques sont le fruit d’un dysfonctionnement dans la relation entre le médecin et son patient. Le nombre d’heures consacrées à ces enseignements est 10 à 20 fois supérieur à celui que l’on y consacre en France.

L’association Ciel ! Mon serment propose des outils d’amélioration des soins et des relations qui en découlent. De quoi s’agit-il exactement ? Les médecins, dès leur plus jeune âge, ont besoin de comprendre qui ils sont, quelle est leur place dans la société, quelles sont les interactions qu’ils initient et leurs effets sur les soins de leurs patients. Notre ambition est de changer la figure de la médecine moderne, basée sur le mythe de la toute-puissance du savoir scientifique, de l’amener vers une humanisation à tous les étages. Nous proposons un atelier théâtre pour apprendre sur soi, de ses émotions, de son langage, comment interagir avec les autres (équipes et patients). Nous enseignons la relation médecin-patient avec la simulation grâce à la présence d’acteurs professionnels. Des psychologues animent des groupes d’écoute et de supervision pour libérer la parole d’internes du CHU de Rouen. Nous développons enfin des sujets de recherche en pédagogie médicale sur ces thématiques et favorisons par tous les moyens possibles les ponts entre les sciences humaines, les arts et la médecine.

La future génération de médecins vous semble-t-elle plus empathique que les précédentes ? Les générations changent. Les médecins de demain ont une approche différente de notre métier. Ils souhaitent avoir plus de temps, équilibrer leur vie professionnelle et privée, donner du sens à leur travail quotidien. L’enseignement d’une relation plus empathique envers le patient s’inscrit pleinement dans cette dynamique. Des études scientifiques montrent que l’étudiant en médecine possède davantage de qualités intrinsèques d’empathie et de bienveillance que les étudiants hors secteur de la santé, mais que cette empathie sans contrôle ni encadrement est parfois un fardeau pour un jeune entre 19 et 25 ans. La récente réforme des études de santé fait à mon sens trop peu pour les aider et les accompagner dans cet apprentissage. L’ingurgitation de connaissances scientifiques « par cœur » reste prédominante et c’est faire fausse route car l’intelligence artificielle nous a déjà dépassés dans la performance de ce modèle. Je sais intimement que la génération actuelle d’étudiants sera le moteur du changement de paradigme de l’enseignement et de la pratique médicale.

Laetitia Lorentz
« J’avais envie de prendre la mère en larmes dans mes bras, mais je n’ai pas osé. Plus tard, peut-être, j’oserai ce geste »
Laetitia Lorentz, étudiante en quatrième année de médecine, Montpellier.
« J’avais envie de prendre la mère en larmes dans mes bras, mais je n’ai pas osé. Plus tard, peut-être, j’oserai ce geste »

Quelle est votre définition de l’empathie dans le soin ? C’est comprendre ce que vit, ressent le patient. Lui laisser la place d’être la personne qu’il est. Être empathique, c’est être capable de l’écouter, d’être présente. Savoir aussi l’orienter vers les aides et les structures médico-sociales adaptées.
Les bénéfices pour le patient sont alors nombreux. Il est en confiance, pose des questions, comprend mieux sa maladie. Il est plus impliqué, suit son traitement. À la fin de mes études, j’envisage d’être médecin généraliste. J’espère montrer de la bienveillance à l’égard de mes patients, comprendre leurs peurs, leurs maux du mieux possible.

Vous avez participé en octobre à l’initiation à l’empathie par le théâtre, à Montpellier. Que vous a appris cette expérience ? Lorsqu’on nous a présenté cette courte formation obligatoire, j’étais ravie. D’autres étudiants, au contraire, avaient peur ou ne la jugeaient pas utile. Cette initiation nous confronte pour la première fois à l’annonce d’une maladie. Cette simulation face à des acteurs m’a permis d’évaluer mes réactions. Il faut choisir les bons mots, avoir les bons gestes. J’ai annoncé à des parents que leur enfant était atteint d’une leucémie. J’avais envie de prendre la mère en larmes dans mes bras, mais je n’ai pas osé. Plus tard, peut-être, j’oserai ce geste. Il est difficile de trouver le bon équilibre entre distance professionnelle et la nécessaire empathie que l’on doit à notre patient. J’ai aussi appris que si certaines pathologies se ressemblent, chaque patient est bel et bien unique, avec sa propre manière de vivre la maladie. Il n’y a pas de scénario établi à l’avance, on doit s’adapter à la personne face à nous.

Les études de médecine vous préparent-elles suffisamment à la rencontre avec le patient ? Il n’y a quasiment aucun enseignement sur cette thématique. Nous ne sommes pas préparés à annoncer une mauvaise nouvelle à un patient. Le problème est peut-être intrinsèque aux études de médecine, qui ne sont pas bienveillantes à l’égard des étudiants. Nous devons apprendre en très peu de temps une tonne de connaissances scientifiques pour les ressortir le jour de l’examen, au risque de les oublier l’année suivante. C’est la course aux résultats qui prime. Notre état de santé physique et psychologique n’est pas pris en compte. En stage, sur le terrain, nous observons les médecins. Certains font preuve d’empathie envers nous, d’autres pas du tout. Les initiatives viennent donc des étudiants eux-mêmes. À la faculté de Montpellier, par exemple, nous avons mis en place un tutorat pour accompagner les étudiants de 2e, 3e et 4e années. Nous abordons nos difficultés et partageons nos interrogations.

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À L’HOPITAL

Une patiente mécontente associée à la formation des internes

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Le Centre hospitalier de Douarnenez (Bretagne) a testé une méthode originale pour sensibiliser les médecins, et notamment les internes, à la communication avec les patients. Tout est parti d’une réclamation déposée par une malade auprès de la direction de l’hôpital. Celle-ci, prise en charge aux urgences, s’était déclarée déçue du manque d’explications et de sensibilité de la part des médecins qui l’ont prise en charge. Interpellée par le courrier de cette patiente, la direction lui a proposé de venir partager son expérience avec le personnel soignant. Depuis, elle intervient régulièrement auprès des internes : avec un médiateur médical et un neuropsychologue, ils animent une formation de deux heures intitulée « Développer la communication auprès des patients » et obligatoire pour tous les nouveaux internes. Cette initiative a reçu en 2019 le trophée « Label des usagers » décerné par le ministère de la Santé. https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/parcours-de-sante-vos-droits/bonnes-pratiques-en-region/bretagne/article/ameliorer-la-communication-par-la-reclamation

Chapeau
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À L’UNIVERSITE

Des patients enseignants à la fac

Fac

Plusieurs universités proposent à des patients de partager leur expérience de la maladie directement auprès des étudiants. Depuis 2016, la faculté de médecine de Bobigny intègre la « perspective patient » dans sa formation. Une quinzaine de patients experts délivrent plus d’une centaine d’heures d’enseignement par an, en binôme avec des médecins. Plusieurs méthodes pédagogiques sont utilisées : l’échange de pratiques autour de situations cliniques vécues par les internes, la pédagogie inversée par des exposés présentés par les internes et la médecine narrative par l’écriture de traces d’apprentissage après l’enseignement. Certains de ces patients sont mêmes intégrés à la commission d’enseignement de l’université où ils peuvent prendre part aux décisions pédagogiques.

Les internes de Bobigny sont ainsi les premiers professionnels de santé à intégrer dans leur formation la perspective de ceux qui bénéficient de leurs soins. Les premiers travaux de recherche sur cette expérience ont montré que les patients enseignants apportaient un savoir expérientiel qui permet de développer une réelle compétence d’approche du patient.

https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/parcours-de-sante-vos-droits/bonnes-pratiques-en-region/ile-de-france/article/des-patients-enseignants-au-sein-de-l-universite-paris-13-pep13

Mains
Mains
DES MEDIATEURS

Garantir les droits des patients dans les hôpitaux

Mediation

Depuis la loi de 2002 sur les droits des patients (dite loi Kouchner), les hôpitaux et établissements de santé doivent garantir des recours et un suivi des usagers qui s’estiment victimes de préjudice. Les médiateurs médicaux peuvent être saisis pour apporter conseils et assistance. Ils reçoivent le patient, consultent son dossier médical, lui donnent les informations et explications dont il a besoin et tentent de résoudre le malentendu. Et, si besoin, ils informent sur les recours possibles.

Les établissements, publics ou privés, doivent également mettre en place une Commission des usagers qui représente les patients et leurs familles. Elle est composée notamment de la direction de l’établissement, de médiateurs médicaux et de deux représentants des usagers. Cette instance peut participer aux décisions prises au sein de l’établissement en matière d’accueil, d’organisation du parcours de soins, de sécurité… Elle est aussi informée des réclamations déposées par les patients et des suites qui leur sont données.

outils
outils
UNE BOÎTE À OUTILS

Une boîte à outils pour impliquer les patients

Boite à outils

La Haute autorité de santé (HAS) a mis en place une série d’outils pratiques pour améliorer la communication entre les professionnels de santé et les usagers. Parmi eux, le « faire dire », méthode basée sur la reformulation par le patient des informations données par le médecin. Il s’agit de s’assurer que les explications ont bien été comprises et retenues. Faire plus simple, plus court et demander systématiquement une reformulation pour évaluer la compréhension sont les trois facteurs de succès préconisés pour améliorer l’adhésion du patient, indique la HAS. Les patients qui reformulent ce qu’ils ont compris ont une bien meilleure mémorisation des informations essentielles.

Outre le « faire dire », la HAS a publié un guide sur l’annonce d’un dommage lié aux soins ou d’une mauvaise nouvelle. Elle propose aussi, pour les patients, une série de fiches pratiques sur des thèmes comme « parler avec son médecin », sur la « décision médicale partagée » ou encore des informations sur les droits des patients.

https://www.has-sante.fr/jcms/c_1660975/fr/communiquer-impliquer-le-patient

Violence
Violence
CAS PARTICULIERS

Des formations pour l’accompagnement des patientes victimes

Robot phoque

Certains patients requièrent une écoute particulière. C’est par exemple le cas des femmes victimes de violence ou de harcèlement. Pour améliorer leur prise en charge, la Miprof1 est chargée de définir un plan de sensibilisation et de formation des professionnels sur les violences faites aux femmes. « Elles ont souvent peur et parlent rarement de ce qu’elles vivent, explique Élisabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la Miprof. C’est pourquoi les médecins ont un rôle essentiel à jouer auprès des femmes victimes de violences. En développant une écoute bienveillante et en maîtrisant les mécanismes psychologiques, ils peuvent contribuer à détecter les situations de maltraitance. » La Miprof conseille notamment aux médecins de demander systématiquement à leurs patientes en mal-être si elles ont été victimes de violences. Plusieurs outils ont été mis en place pour la formation des professionnels : courts-métrages et livrets d’accompagnement, fiches réflexes, clips vidéo « paroles d’experts »… L’enjeu est de donner aux médecins, mais aussi aux infirmiers ou aux sages-femmes par exemple, les clés pour accueillir ces patientes victimes, les inciter à se confier et savoir vers qui les orienter.

1 - Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains. Pour en savoir plus : https://stop-violences-femmes.gouv.fr/telecharger-les-outils-de.html

Docteur Véronique Vasseur

Docteur Véronique Vasseur

Docteur Véronique Vasseur
Docteur Véronique Vasseur
médecin au service médical de la RATP, praticien hospitalier détaché à la prison de la Santé
« L’évolution vers l’informatique et la télémédecine ne va pas dans le sens d’une amélioration de la relation  »

Aujourd’hui, le fait d’avoir systématiquement, ou presque, un ordinateur altère beaucoup la relation avec le patient. Le médecin garde les yeux rivés sur l’écran et non plus sur la personne qui lui fait face. À mon avis, l’évolution vers l’informatique et la télémédecine ne va pas dans le sens d’une amélioration de la relation. Rien ne remplace le vis-à-vis entre deux personnes, c’est extrêmement important en médecine.

Dans mes consultations, une fois que l’examen clinique est fait et l’ordonnance rédigée, je parle avec mes patients de sujets qui n’ont plus rien à voir avec le motif de leur consultation : le sport, les vacances, etc. L’objectif est de les détourner de leur maladie, de les amener à se détendre, de faire en sorte qu’ils partent avec le sourire. Quand j’étais médecin à la prison de la Santé, c’était essentiel d’avoir ce temps de parole avec les patients car aux maladies courantes se surajoutait une anxiété très grande. Souvent, ils s’inventaient une maladie uniquement pour venir bavarder un peu ou obtenir des bénéfices secondaires comme une douche supplémentaire ou un régime spécial. Ils savaient que j’étais là aussi pour les écouter et toujours avec bienveillance.

Je n’ai aucun souvenir que cette thématique de la relation patient-médecin ait été abordée lors de mes études de médecine. D’ailleurs, je ne suis pas sûre que ce soit utile. C’est quelque chose de très personnel. Un médecin qui n’a ni empathie ni humanité ne parlera pas, ou le strict minimum, avec son patient. Il restera dans l’acte technique, sera sans doute excellent dans son domaine mais pourra faire preuve de froideur, voire de brutalité, dans l’annonce du diagnostic. J’ai pu constater les dégâts psychologiques sur certains patients d’une telle attitude. En fait, la relation, c’est quelque chose de très simple : parler avec son patient, l’écouter, faire l’examen clinique et ne pas prescrire de médicaments et d’actes médicaux de façon mécanique.

Professeur Laurence Verneuil

Professeur Laurence Verneuil

Professeur Laurence Verneuil
Professeur Laurence Verneuil
PUPH dermatologie du CHU de Caen, auteure de Docteur, Écoutez (Albin Michel)
« La relation joue un rôle thérapeutique essentiel »

La relation entre le médecin et le patient est singulière parce qu’elle s’inscrit dans l’intimité du patient. Ce qui implique de la part du médecin une posture particulière. Celle de l’écoute – pas seulement avec les oreilles mais aussi avec le regard et la disponibilité psychique, une écoute attentive, selon Carl Rogers. Le médecin doit être capable d’amener son patient à faire le récit de sa maladie et de ses symptômes dans un espace libre et ouvert, lui-même se mettant alors en état d’accueillir ce savoir intime et singulier qui n’appartient qu’au patient.

Deuxième dimension de cette posture : l’accompagnement dans sa globalité. De l’accueil de la douleur, de l’angoisse, du désarroi aux conseils très pragmatiques concernant une prise en charge psychosociale par exemple. Enfin, il est essentiel de rester humble : le médecin ne sait pas tout et ne peut pas tout savoir. Ces aspects de l’exercice de la médecine sont en contradiction avec ce qui nous a toujours été enseigné au sein d'un système, très pyramidal et paternaliste, sur lequel repose la médecine hospitalière.

Par ailleurs, pour des raisons structurelles et économiques, l’hôpital impose une manière d’être et de faire. L’exigence de rentabilité a dévoyé la posture du médecin et son art du soin. Le patient est abordé comme une personne morcelée en petits fragments, une médecine d'organe. On ne le considère pas comme un sujet entier, dans sa globalité. On ne l’écoute pas. Or, il est essentiel de l’entendre et de le reconnaître en tant que sujet avec son savoir intime pour coconstruire un diagnostic et une prise en charge avec lui. La relation joue un rôle thérapeutique essentiel. Le patient qui se sait écouté et entendu devient acteur de sa santé, observe mieux son traitement, passe moins d’un médecin à l’autre. Il suffit de voir l’engouement actuel pour les médecines complémentaires, où le médecin prend le temps d’examiner son patient et de l’écouter, pour se convaincre de la nécessité de changer de posture. À la décharge des médecins hospitaliers, il faut reconnaître qu’ils sont maltraités eux aussi. Ils souffrent de cette compression du temps et de cette exigence de rentabilité. À vrai dire, tout le monde souffre, le patient comme le médecin !

Docteur Sarah Dauchy

Docteur Sarah Dauchy

Docteur Sarah Dauchy
Docteur Sarah Dauchy
psychiatre, chef du département de Soins de support et de l’unité de Psycho-oncologie à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif
« La relation n’est pas une option bienfaisante. Elle est constitutive de l’acte médical »

La relation patient-médecin est un lien à construire entre deux personnes, même si c’est dans un temps court et pour des actes à haute composante technique. C’est bien plus qu’une histoire de communication, qui n’est qu’un élément de la relation. La relation patient-médecin, surtout dans le contexte de la maladie grave, c’est une sorte de “couteau suisse” aux fonctionnalités multiples : donner et demander des informations mais aussi évaluer les attentes du patient, ses besoins, sa compréhension du traitement, sa confiance, ses réticences. Sans hésiter, à la fin de la consultation, à revenir sur certains points pour les réévaluer, les réexpliquer. La relation doit permettre de prendre le temps, même court, d’une réelle disponibilité, d’évaluer l’état émotionnel du patient, de le soutenir si besoin, même brièvement, en remplaçant par exemple les injonctions à garder le moral par des questions ouvertes. La relation n’est pas une option bienfaisante ! Elle est constitutive de l’acte médical. Sa qualité a un impact majeur sur le patient – satisfaction, observance du traitement, perception des effets secondaires – mais aussi sur le médecin pour lequel il a été montré un moindre risque de burn-out quand cette relation de qualité existe. Elle implique aussi une reconnaissance et une prise en compte de la subjectivité et de la vulnérabilité du patient, qui peut être débordé par ses émotions ou manifester de l’agressivité, de l’incompréhension, voire du déni. Une relation de qualité permettra de mieux comprendre la mise en jeu des défenses psychiques, de faire une pause devant un patient débordé, de le sécuriser. Tout le monde est d’accord sur ce point mais tout le monde ne le fait pas par manque de temps parfois, par manque de formation souvent. Ou parce que l’émotion et la subjectivité du médecin y sont mises en jeu et qu’il n’est pas toujours facile d’y voir clair dans nos propres mouvements émotionnels et nos propres représentations. Préserver la qualité de la relation de soin, alors que l’évolution des pratiques médicales fragmente et réduit sans cesse le temps des soins, est aujourd’hui un enjeu majeur.

À noter
Le prochain congrès de la Société française et francophone de psycho-oncologie (SFPO) s'est tenu à Montpellier les 13-14-15 novembre 2019 autour du thème : La relation au cœur des innovations en cancérologie.
Pour tout renseignement : 05 57 97 19 19 – www.sfpo.fr

Docteur Amina Yamgnane

Docteur Amina Yamgnane

Docteur Amina Yamgnane
Docteur Amina Yamgnane
gynécologue-obstétricienne, présidente de la commission ProBité1 (Collège national des gynécologues et obstétriciens français)
« L’enjeu aujourd’hui est de prodiguer du soin qui fait sens pour les femmes »

Lors de mes stages d’interne, j’ai été confrontée à l’extrême violence d’un gynécologue-obstétricien lors d’un accouchement et à la maltraitance subie par les professionnels eux-mêmes à travers le suicide d’un interne que je connaissais. Ce sont ces “pierres angulaires” qui m’ont amenée, a posteriori, à réfléchir et à travailler avec des médecins mais aussi avec des associations de femmes sur la question du soin en obstétrique. J’ai choisi de monter un cabinet libéral dont l’ancrage est le suivant : nous ne prodiguons pas seulement des soins – ce qui est un minimum –, mais nous prenons soin. Des femmes, des enfants, des familles. Et des soignants qui sont les professionnels de santé les plus exposés à la mort et au deuil, contrairement au cliché qui veut que la naissance soit toujours un “heureux événement”. C’est compter sans les fausses couches, les décès périnatals, les IVG et les IMG, les enfants nés handicapés, etc. L’organisation du cabinet – qui comprend des gynécologues, une sophrologue, un ostéopathe, des pédopsychiatres et des sages-femmes – nous permet de sortir de la dualité médecin-patient. Le médecin n’est pas seul, ni tout-puissant. Il s’appuie sur un aréopage de professionnels et le patient est un partenaire de soin proactif. Ce qui suppose de le placer au centre, de l’aborder dans sa globalité physique, psychique, émotionnelle, et de l’écouter sans le juger. Dans une même logique, j’ai accepté la proposition du professeur Israël Nisand de présider la commission ProBité1 sur la bientraitance en maternité. Des entretiens menés avec les femmes, il est ressorti que leur premier grief est la mauvaise communication verbale avec les professionnels. Non pas le savoir-faire mais bien le savoir-être. D’où l’installation d’une méfiance, voire de la peur. L’enjeu aujourd’hui est de prodiguer du soin qui fait sens pour les femmes. Et pour les médecins qui sont portés, pour la grande majorité, par l’empathie et qui souffrent de négliger la part de l’humain dans le soin faute de temps.

1. Depuis septembre 2017, au sein du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, la commission ProBité réunit professionnels de la périnatalité et associations de patientes et d’usagers de la naissance avec un objectif : faire de la bientraitance en maternité une priorité.

Docteur Bernard Fontanille

Docteur Bernard Fontanille

Docteur Bernard Fontanille
Docteur Bernard Fontanille
médecin urgentiste, réalisateur de la série documentaire « Médecines d’ailleurs » (Arte)
« Beaucoup d’erreurs de diagnostic sont imputables à un manque d’empathie et d’écoute dès le premier contact »

La relation entre le médecin et son patient est chargée de subjectivité et obéit à certains codes : on écoute, on donne un avis, on dit ce que le patient n’a pas toujours envie d’entendre, le tout avec des gestes précis et un jargon souvent technique. Aux urgences, cette relation est spécifique car les patients ne nous connaissent pas. Ils arrivent dans une situation aigüe et angoissante. De notre côté, c’est à chaque fois une découverte. Il faut faire vite tout en étant sûr de soi et inspirer confiance. Il y a d’ailleurs quelque chose d’un peu théâtral dans l’accueil. Les premiers mots sont déterminants pour la suite et notamment pour une bonne prise en charge du patient. J’ai constaté que beaucoup d’erreurs de diagnostic étaient imputables à un manque d’empathie et d’écoute dès le premier contact. Dans l’hôpital où j’exerçais, les médecins se retirent dans une pièce à part, abandonnant régulièrement le patient pour remplir leur dossier et faire les prescriptions sur des ordinateurs. Cette relation en pointillé génère de la distance. C’est pénible pour tout le monde. J’ai fini par trouver ce fonctionnement usant, j’en ai eu assez et je suis parti tourner des documentaires à l’étranger. Dans les très nombreux pays où j’ai voyagé, je me suis rendu compte que finalement la relation restait une relation entre un soignant et un soigné, même si les modalités variaient selon les médecins et les traditions. Le schéma de la consultation est plus ou moins le même aussi et il ne diffère pas du nôtre : recueil des symptômes et des informations, examen clinique, interprétation et prescription. Pendant mes voyages, j’ai été obligé de changer ma pratique. Je suis devenu médecin remplaçant, à la montagne en hiver et dans les Landes en été. A mon retour, il y a trois ans, j’ai maintenu cette organisation. J’ai découvert combien il était précieux d’avoir du temps et combien la relation gagnait en qualité. Cela a complètement changé ma façon d’être avec mes patients. Je suis plus à l’écoute, plus disponible et j’ai trouvé une vraie liberté !

Baptiste Beaulieu

Docteur Baptiste Beaulieu

Baptiste Beaulieu
Docteur Baptiste Beaulieu
médecin généraliste et écrivain, auteur du blog Alors voilà.
« On nous apprend qu’être trop émotif fera de nous un mauvais médecin »

Je souffre d’un lupus depuis l’âge de 6-7 ans et j’ai parfois dû affronter la froideur et l’indifférence de certains praticiens. Adolescent, on me disait : « Ça n’est pas grave, ça ne se voit presque pas ». Mais, à 12-13 ans avoir des plaques sur le visage, c’est très traumatisant. J’avais l’impression d’être face à des médecins qui n’arrivaient pas à se mettre à ma hauteur. C’est pourquoi, quand j’ai commencé mes études de médecine, j’ai décidé d’écrire sur cette relation entre soignants et soignés.
Mes premiers pas avec les patients à l’hôpital ont été assez difficiles. J’ai souvent été dépourvu face à certains patients en pleurs ou une famille qui pose des questions. Cela m’a fait évoluer. Il n’y a pas besoin d’être très empathique pour comprendre quelqu’un qui a peur de la mort. Or, on nous apprend qu’être trop émotif fera de nous un mauvais médecin. A l’hôpital, un soignant n’a pas le droit de pleurer. Je pense que c’est totalement faux. Moi, on m’a souvent dit que j’étais trop empathique et que je n’y arriverais pas.
Longtemps j’ai pensé que cette distance chez certains médecins était un moyen de se défendre. Aujourd’hui je dois reconnaitre qu’ils sont aussi contraints par l’organisation du système de santé, avec un temps de consultation qui diminue et des cabinets qui ne désemplissent pas. On peut facilement comprendre qu’un médecin soit moins à l’écoute en fin de journée, après avoir vu des dizaines de patients. Enfin, il y a aussi dans la population médicale, comme dans la population en général, des personnes moins empathiques ou humanistes que d’autres.
Apprendre l’empathie par le théâtre, les jeux de rôle est une très bonne chose que nous devons encourager. Je pense aussi qu’il faut faire entrer les patients dans les facs de médecine tout comme les victimes de discriminations. Une personne atteinte d’obèsité qui raconte son vécu devant une centaine de futurs médecins sera presque aussi utile qu’un cours de diabétologie. Les soignants doivent apprendre à se mettre à la portée de leurs patients, et comprendre qu’ils n’ont pas la même expérience de vie qu’eux.

Ce webzine vous est proposé par le Conseil national
de l'Ordre des médecins - www.conseil-national.medecin.fr
Décembre 2019

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Dr François Arnault

RÉDACTEUR EN CHEF : Pr Stéphane Oustric

COORDINATION : Isabelle Marinier

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RESPONSABLE D’ÉDITION : Aline Brillu

WEBDESIGN : Charles Annerel

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RÉDACTION : Eric Allermoz, Aline Brillu, Magali Clausener, Béatrice Jaulin, Emilie Tran Phong

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