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#15
Juillet 2021
Lucas
Dr Patrick Bouet
Président du Conseil national de l’Ordre des médecins
« Santé mentale : il faut agir »

La crise du Covid-19 a eu un impact considérable sur la santé mentale des Français. La prévalence des troubles psychiques a en effet considérablement augmenté en un an. Dans ce contexte, le Président de la République a décidé de faire de ce sujet une priorité nationale, et de réunir, en septembre 2021 les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie.

Nous nous réjouissons de cet engagement.

Car effectivement, la santé mentale est un enjeu majeur pour notre société, tant les troubles psychiques sont en constante augmentation. Des maux qui touchent les personnes atteintes, mais aussi leur entourage proche, leur famille, leurs collaborateurs… Il est donc nécessaire de mieux prendre soin de la santé mentale des Français en s’emparant de ce sujet.

Comment ? En misant sur la prévention, en se souciant de la qualité de vie, du bien-être au travail. En misant toujours sur l’amélioration de la formation des professionnels de santé pour qu’ils soient capables de repérer précocement les troubles mentaux chez leurs patients. Le médecin de premier recours joue un rôle essentiel pour que les troubles anxieux, les dépressions soient correctement pris en charge et ne s’aggravent pas terriblement. Enfin, il faut repenser l’organisation de la psychiatrie en France, lui redonner de l’attractivité et des moyens d’agir pour qu’elle puisse répondre à hauteur des besoins et de ces nouveaux enjeux.

1 européen
sur 4
est touché par des troubles psychiques au cours de sa vie.
2,4 millions
de personnes

prises en charge dans les services psychiatrie des établissements de santé.
9 300 suicides et
200 000 tentatives de suicide par an, soit
25 décès par jour.

Quel est le coût des troubles psychiques en France ?
65 % des 15-25 ans ont déjà eu des pensées suicidaires et, parmi eux, 50 % préfèrent le garder pour eux.

19,3 milliards d’euros

C’est le montant des dépenses du régime général de l’Assurance maladie liées aux troubles mentaux. C’est le premier poste de dépenses du régime général de l’Assurance maladie par pathologie, avant les cancers et les maladies cardiovasculaires. Le coût économique et social des troubles psychiques est évalué à 109 milliards d’euros par an.

Les principales raisons des pensées suicidaires chez les moins de 25 ans sont le harcèlement (54 %), les réseaux sociaux (16 %) et la solitude (14 %). Les 15-25 s’accordent massivement pour dire que la crise sanitaire a aggravé la fragilité́ mentale de leur génération.


L’impact de la Covid-19 sur la santé mentale des Français
19% des Français souffrent d’un état dépressif.  + 9 points par rapport au niveau hors épidémie, tendance à la baisse.
21% des Français souffrent d’un état anxieux. + 6 points par rapport au niveau hors épidémie.
64% des Français déclarent des problèmes de sommeil au cours des 8 derniers jours. + 14 points par rapport au niveau hors épidémie, tendance stable.
8,5% des Français ont eu des pensées suicidaires au cours de l’année. + 6 points par rapport au niveau hors épidémie.
Un sommet mondial en octobre en France
15 %
des 10 -20 ans
ont besoin de suivi ou de soins.
7.5 %
des 15 à 85 ans
souffrent de dépressionchaque année.

Mind the Rights Now, le Sommet mondial sur la santé mentale se tiendra en France en septembre. Il sera axé sur les droits en santé mentale et visera notamment l’accélération de la mobilisation internationale et l’évolution des pratiques.

En attendant les Assises de la psychiatrie et de la santé mentale, promises pour le début de l’été, retour sur l’état psychologique des Français, aggravé par la pandémie, et sur la nécessité d’opérer une réforme, tant en matière de prévention que d’offre de soins en santé mentale.
Fatma Bouvet
Fatma Bouvet de La Maisonneuve
psychiatre, autrice de plusieurs ouvrages sur la santé mentale des femmes, dont Le choix des femmes (éd. Odile Jacob)
Aude Caria
Aude Caria
directrice de Psycom, organisme public national d’information et de lutte contre la stigmatisation en santé mentale
Angèle Malâtre-Lansac
Angèle Malâtre-Lansac
directrice déléguée à la santé de l’Institut Montaigne, autrice fin 2020 d’un rapport intitulé Santé mentale : faire face à la crise
Pourquoi est-ce important de prendre le sujet de la santé mentale à bras-le-corps aujourd’hui ?
Aude Caria
Aude Caria / Après 18 mois de crise sanitaire et de restrictions, la santé mentale des Français reste très bouleversée. Même si l’enquête CoviPrev de Santé publique France montre une légère amélioration depuis la fin du confinement, 19 % des personnes interrogées disent encore souffrir d’un état dépressif et 21 % d’anxiété (vs 10 et 15 % avant la pandémie). 64 % déclarent des problèmes de sommeil. Surtout, les pensées suicidaires concernent 8,5 % des gens aujourd’hui, contre 4,5 % en 2019. Les chiffres sont si élevés que les médias et les politiques se mettent enfin à parler de santé mentale. Cette prise de conscience collective montre que le sujet concerne toute la population et qu’il est important de discuter des solutions à apporter pour améliorer la prise en charge des troubles psychiques (dépression, anxiété, mais aussi addictions, boulimie, schizophrénie, autisme, etc.).

Fatma Bouvet de La Maisonneuve
Fatma Bouvet de La Maisonneuve / Cela fait longtemps que les psychiatres demandent une réforme de leur spécialité. Avant la pandémie, nous étions déjà débordés. Mais avec la crise sanitaire, la situation s’est vraiment dégradée. Nous n’avons jamais travaillé autant que ces derniers mois. Même dans les cabinets de ville, nous travaillons en flux tendu. Nous sommes toujours face à des urgences et des situations aiguës : nouveaux patients souffrant de dépression ou d’anxiété sévères, décompensations de troubles que nous prenions déjà en charge, syndromes de manque, violences familiales en hausse… Il semble que ce soit bien pire aux urgences psychiatriques des hôpitaux, vers lesquelles il nous est difficile d’orienter nos patients. Avec cette pandémie, nous ressentons encore plus que d’habitude l’engorgement du système de soins en santé mentale.
Angèle Malâtre-Lansac
Angèle Malâtre-Lansac / Les troubles psychiques se sont multipliés et aggravés avec la pandémie. Mais, avant la Covid-19, 20 % des gens souffraient déjà de pathologies mentales et, parce qu’ils avaient honte d’en parler ou parce qu’ils n’arrivaient pas à obtenir de consultation, la moitié d’entre eux n’étaient pas traités. À l’Institut Montaigne, nous alertons sur le sujet depuis plusieurs années, interpellés par la prévalence de ces troubles mais aussi par les coûts que représente leur prise en charge : c’est le plus gros poste de dépenses de l’Assurance maladie et la première cause d’arrêts de travail. Il y a de vrais enjeux socio-économiques à réformer le système de soins en santé mentale.
Pourquoi autant de Français souffrent-ils de troubles psychiques, y compris quand il n’y a pas de pandémie ?
Fatma Bouvet de La Maisonneuve
Fatma Bouvet de La Maisonneuve / En plus d’avoir engendré des deuils et créé de la peur, la pandémie a renforcé des problèmes qui étaient déjà sources de souffrance : précarité, violences conjugales, pressions managériales, etc. Les publics les plus touchés ont été les femmes, qui ont souvent assumé seules la charge parentale, et les jeunes, qui ont souffert de l’isolement mais aussi, pour certains, de ne pas avoir pu suivre leurs cours en ligne faute d’équipements informatiques ou d’espace chez eux. Parmi les actifs, beaucoup ont perdu leur emploi ou sont tombés dans la précarité. Le nombre de burn-out liés au télétravail est par ailleurs effrayant. Ce qui rend la situation encore plus difficile à gérer, c’est que les patients nous consultent souvent très tard, quand leur pathologie est déjà bien installée. Pandémie ou pas, 47,3 % attendent plus de 24 mois avant d’être diagnostiqués !
Aude Caria
Aude Caria / Il y a encore un tabou autour de la santé mentale. Avec la pandémie, les médias se sont emparés du sujet, les politiques aussi. On s’aperçoit que le sujet émerge dans le débat public. Mais, au niveau individuel, les gens ne se sentent pas moins stigmatisés. Même légers, les troubles psychiques restent porteurs de honte et de peur. Aujourd’hui, en France, s’il est facile de dire qu’on a une maladie physique, il reste difficile de dire à ses proches qu’on fait une dépression. Tabou, peur, honte entraînent un retard dans la recherche d’aide. Et, lorsqu’on cherche de l’aide, on a du mal à savoir vers qui se tourner : Internet regorge d’informations diverses, parfois contradictoires et pas toujours fiables sur la santé mentale. La mission de Psycom est de fournir ces repères pour faciliter la compréhension des troubles psychiques et des aides disponibles.
Angèle Malâtre-Lansac
Angèle Malâtre-Lansac / Si les dépistages sont si tardifs, c’est à cause de la stigmatisation des troubles psychiques, qui retient de parler, mais aussi des difficultés d’accès aux soins. Bien que la France compte 23 psychiatres pour 100 000 habitants (contre 15 en moyenne dans l’OCDE), les services de psychiatrie sont très engorgés. Il y a un problème de ressources mais aussi d’organisation. Aujourd’hui, les centres médico-psychologiques (CMP) prennent en charge toute la psychiatrie, y compris des troubles légers, qui pourraient être traités plus tôt, notamment en médecine générale, comme cela se fait dans de nombreux pays. Résultat : les délais pour obtenir un rendez-vous sont très longs. Par ailleurs, malgré la sectorisation, l’offre est très hétérogène selon les territoires. La spécialité est dans un tel état de crise qu’elle ne correspond pas aux standards de qualité du système de santé français.
Comment pourrait-on améliorer la situation ?
Aude Caria
Aude Caria / La feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie, présentée par le gouvernement en 2018, visait à apporter une partie de la solution. Parmi les actions réalisées, la mise en ligne d’un site d’information grand public, Psycom - Santé mentale Info (www.psycom.org), qui regroupe en un même endroit des informations fiables, vérifiées et indépendantes sur les troubles psychiques, les soins mais aussi l’accompagnement médico-social et social, les droits, l’entraide entre pairs. Nous mettons aussi à disposition des brochures et kits pédagogiques pour agir contre la stigmatisation et le tabou. En avril, nous avons contribué à la campagne de communication « En parler, c’est déjà se soigner » de Santé publique France. Notre but est de montrer que les troubles psychiques ne sont pas une fatalité, qu’on peut s’en rétablir et que consulter pour ça n’est pas une honte.
Fatma Bouvet de La Maisonneuve
Fatma Bouvet de La Maisonneuve / Les préjugés concernent les troubles mentaux, mais aussi la psychiatrie en général. Nous ne sommes pas toujours reconnus comme de vrais médecins, si bien que les internes choisissent peu cette spécialité et que les services psychiatriques manquent de médecins. Nous espérons que les Assises aborderont ce sujet, mais aussi qu’elles permettront de rouvrir des lits en psychiatrie. Leur nombre a été divisé par trois en quarante ans, alors que, dans le même temps, le nombre de troubles diagnostiqués augmentait. Par ailleurs, il faudrait investir davantage dans la prévention et mieux former les médecins généralistes à la santé mentale. Ils sont souvent les premiers consultés en cas de troubles psychiques : s’ils avaient les moyens de mieux prendre en charge les cas modérés, les psychiatres pourraient se concentrer sur les pathologies sévères.
Angèle Malâtre-Lansac
Angèle Malâtre-Lansac / Dans notre rapport sur la santé mentale, nous proposons un certain nombre d’axes d’amélioration. Comme dit plus haut, il y a encore des progrès à faire en matière d’information et de déstigmatisation. L’offre de soins devrait être plus préventive et graduée, moins hospitalo-centrée. Les médecins généralistes sont souvent les premiers consultés en cas de mal-être, mais ils manquent de temps, de ressources et de formation pour prendre correctement en charge les troubles psychiques. Ils peinent aussi à orienter les patients, les psychiatres étant débordés et les psychologues non remboursés. Pour les aider à suivre les cas modérés, le développement de nouveaux métiers (infirmiers coordinateurs en psychiatrie, etc.) et d’outils de e-santé reconnus comme des dispositifs médicaux serait utile. Certaines applis, par exemple pour la gestion des troubles dépressifs, ont déjà fait leurs preuves à l’étranger.
Comment s’annonce l’après-pandémie ?
Fatma Bouvet de La Maisonneuve
Fatma Bouvet de La Maisonneuve / Le nombre de troubles psychiques ne va pas reculer avec la pandémie : nous récoltons déjà dans nos cabinets les conséquences psychologiques de la crise économique, et celle-ci est amenée à durer. Avec l’arrêt des aides financières exceptionnelles que l’État a accordées aux travailleurs les plus impactés par les confinements, d’autres personnes encore vont tomber dans la précarité et en souffrir. Or les psychiatres ne seront sans doute pas assez nombreux pour les prendre en charge : épuisés par les 18 mois qu’ils viennent de vivre, certains de mes confrères envisagent de changer de métier ou de réduire leur temps de travail… Je crains la rentrée de septembre !
Aude Caria
Aude Caria / J’espère que les Assises de la psychiatrie et de la santé mentale permettront une reconnaissance, au plus haut niveau, du fait que la santé mentale concerne toute la population, au-delà des personnes vivant avec des troubles psychiatriques. C’est une question de santé publique. Chacun doit avoir conscience qu’il est aussi important de préserver sa santé mentale que sa santé physique.
Angèle Malâtre-Lansac
Angèle Malâtre-Lansac / Les professionnels de la santé mentale attendent beaucoup des Assises de la psychiatrie et de la santé mentale. La composition de la commission nationale chargée de piloter l’organisation de l’événement est encourageante : pluridisciplinaire, elle compte des psychiatres, mais aussi des représentants de patients, un psychologue, un gériatre et un médecin généraliste. Mais ces Assises s’organisent très rapidement, alors que le sujet mérite un temps plus long. Compte tenu des attentes suscitées par l’événement, il ne faudrait pas qu’elles déçoivent et créent de la frustration…
L’anxiété

L’anxiété correspond à la crainte d’un danger et est présente chez tous les individus. Elle est problématique lorsqu’elle est très intense et envahissante. Lorsque l’anxiété n’est pas liée à un événement particulier, et qu’elle dure pendant au moins 6 mois, on parle alors de trouble anxieux généralisé. Une anxiété trop forte peut aussi être la source de phobies ou de troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Les troubles anxieux et les TOC peuvent avoir des conséquences importantes sur notre vie affective et familiale, sur notre travail et nos loisirs.

Quels sont les symptômes du trouble anxieux généralisé ?
L’anxiété correspond à la crainte d’un danger et est présente chez tous les individus. Elle est problématique lorsqu’elle est très intense et envahissante. Lorsque l’anxiété n’est pas liée à un événement particulier, et qu’elle dure pendant au moins 6 mois, on parle alors de trouble anxieux généralisé. Une anxiété trop forte peut aussi être la source de phobies ou de troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Les troubles anxieux et les TOC peuvent avoir des conséquences importantes sur notre vie affective et familiale, sur notre travail et nos loisirs.

  • Fatigue, tension musculaire, agitation ou surexcitation
  • Difficultés de concentration, troubles du sommeil, irritabilité
  • Mains froides et humides, bouche sèche, sueurs, nausées ou diarrhée, besoin d’uriner fréquent, difficultés à avaler ou sensation de boule dans la gorge, tremblements, contractions, douleurs dans les muscles, syndrome du côlon irritable, maux de tête

La dépression

La dépression est un véritable trouble psychique qui se manifeste par une humeur triste, une perte d’intérêt pour toute activité et une baisse de l’énergie. Elle se caractérise également par une diminution de l’estime de soi et de la confiance en soi, une culpabilité injustifiée, des idées de mort et de suicide, des difficultés à se concentrer, des troubles du sommeil… Les troubles dépressifs ont souvent des conséquences importantes sur la vie professionnelle, sociale, familiale… La dépression ne doit pas être confondue avec un état de déprime ou de tristesse passager lié à un épisode difficile de la vie.

Quels sont les autres symptômes de la dépression ?

  • Humeur dépressive, tristesse, perte d’intérêt 
  • Fatigue ou perte d’énergie 
  • Trouble de l’appétit (avec perte ou prise de poids) 
  • Troubles du sommeil (perte ou augmentation) 
  • Ralentissement ou agitation psychomotrice
  • Sentiment d’infériorité, perte de l’estime de soi 
  • Sentiment de culpabilité inappropriée 
  • Difficultés de concentration 
  • Idées noires, pensées de mort, comportement suicidaire

Les troubles bipolaires

Les troubles bipolaires se caractérisent par une variation anormale de l’humeur, avec l’alternance de deux phases. La personne peut, par exemple, vivre une période d’excitation (dit épisode maniaque) suivie d’une période de dépression, voire de mélancolie profonde. Ces épisodes sont entrecoupés de périodes de stabilité qui, selon les personnes et les cycles, durent plus ou moins longtemps. L’intensité et la durée des épisodes d’excitation et de dépression varient d’une personne à l’autre, ou au cours de la vie d’une même personne.

Quels sont les symptômes d’un épisode maniaque ?

  • Augmentation de l’activité ou agitation physique
  • Augmentation du désir de parler
  • Difficultés de concentration
  • Réduction du besoin de sommeil (par exemple se sentir reposé après seulement 3 heures de sommeil)
  • Augmentation de l’énergie sexuelle
  • Achats inconsidérés, ou autres types de conduites insouciantes ou irresponsables
  • Augmentation de la sociabilité ou familiarité excessive

Les troubles schizophréniques

Le diagnostic de « schizophrénie » recouvre des symptômes très variables d’une personne à l’autre et pour une même personne au fil du temps. Ils se caractérisent par une altération de la perception et de la pensée, associée à certains symptômes.

Quels sont les symptômes d’un trouble schizophrénique ?

  • Désorganisation de la pensée, qui devient floue, discontinue et peut se traduire par des comportements bizarres
Autres symptômes :
  • Pensées délirantes
  • Hallucinations
  • Repli sur soi

Les troubles addictifs

Les troubles addictifs sont liés à la consommation de substances entraînant une dépendance, telles que l’alcool, le tabac ou les drogues. Ces substances, dites psychoactives, modifient notre fonctionnement mental. Elles sollicitent de manière excessive le circuit de récompense dans notre cerveau, celui qui produit la sensation de plaisir. À force, il devient impossible de se passer de ces substances. Cela a des conséquences négatives sur notre santé physique et mentale. Les addictions peuvent concerner des substances mais aussi des comportements (jeux, écrans, sexe…).

Quels sont les signes d’une dépendance ?

  • Désir puissant de prendre la substance
  • Difficulté à contrôler la consommation
  • Poursuite de la consommation malgré les conséquences nocives
  • Désinvestissement progressif des autres activités et obligations quotidiennes, au profit de cette substance
  • Tolérance accrue à la substance obligeant à augmenter les doses et parfois un syndrome de sevrage physique provoquant des tremblements, de l’anxiété ou des nausées

Les troubles alimentaires

L’anorexie se caractérise par une perte de poids intentionnelle. Les personnes les plus concernées sont les jeunes filles, à l’adolescence, mais cela peut aussi toucher les jeunes hommes. La boulimie correspond une envie irrésistible de manger beaucoup et vite, un comportement qu’on appelle hyperphagie. Cette pulsion se manifeste dans des moments de crise, sans aucune sensation de faim ni sentiment de plaisir. La quantité de nourriture consommée est importante. Celle-ci peut être ingérée sans être mâchée. Ce trouble a des points communs avec l’anorexie, notamment la préoccupation excessive du poids et des formes du corps.

Quels sont les symptômes de l’anorexie ?

  • Perte de poids intentionnelle, associée à la peur de grossir et d’avoir un corps flasque
  • Maintien d’un poids faible, en dessous des normes pour l’âge et la taille
  • Vomissements provoqués et utilisation de laxatifs (accélérant le transit intestinal), coupe-faim et diurétiques (augmentant la production d’urine)
  • Dénutrition de gravité variable, s’accompagnant de perturbations des fonctions physiologiques, notamment un arrêt des règles pour les jeunes filles et les femmes
  • Restriction des choix alimentaires (la personne supprime certains aliments)
  • Pratique excessive d’exercices physiques




Source : Psycom, centre de ressource national sur la santé mentale https://www.psycom.org/comprendre/la-sante-mentale/les-troubles-psy/

Noémie Le Menn
« Aujourd’hui, on confond télétravail et crise sanitaire, car celle-ci a eu pour conséquence le développement obligatoire du télétravail. Il ne faut pas faire d’amalgame entre les deux »
Noémie Le Menn, psychologue du travail
« Aujourd’hui, on confond télétravail et crise sanitaire, car celle-ci a eu pour conséquence le développement obligatoire du télétravail. Il ne faut pas faire d’amalgame entre les deux »

Quel constat faites-vous en matière de santé mentale et de burn-out au travail ? Depuis le premier confinement en mars 2020, il y a eu beaucoup de baromètres et d’enquêtes sur la santé mentale des Français. Le constat est qu’elle n’est pas très bonne. On a alors beaucoup parlé d’une hausse des dépressions mais je ne suis pas en phase avec cette idée. Ces enquêtes reposent sur du déclaratif, or il est très difficile de poser un auto-diagnostic. Pour ma part, je pense qu’il s’agit plutôt de réactions face au stress, et qu’en un an et demi ce stress est devenu chronique. Le risque à venir serait plutôt celui d’une explosion de burn-out. Le burn-out est la dernière phase d’un stress chronique qui n’a pas été géré. Pour rappel, il se caractérise par un sentiment d’épuisement (cognitif, émotionnel et physique), une forme de cynisme, de sentiments négatifs liés au travail et une efficience professionnelle réduite.

Le télétravail peut-il jouer un rôle dans la dégradation de la santé mentale des salariés voire les burn-out ? Aujourd’hui, on confond télétravail et crise sanitaire, car celle-ci a eu pour conséquence le développement obligatoire du télétravail. Il ne faut pas faire d’amalgame entre les deux. La situation est nuancée sur le terrain. Le télétravail « forcé » n’a pas forcément été agréable au départ, mais énormément de personnes, après avoir trouvé leurs repères, ont finalement apprécié ce mode d’organisation. Il peut être protecteur lorsque le travail en présentiel est une source de stress, de contrôle, de conditions et/ou de relations désagréables. En revanche, pour les salariés qui n’aiment pas être chez eux pour telle ou telle raison, le télétravail est compliqué à gérer. Ce mode de travail peut aussi conduire à des burn-out. C’est particulièrement vrai pour ceux qui ne maîtrisent pas bien leurs limites et les signaux d’alerte, qui ont une addiction au travail, un besoin éperdu de reconnaissance ou un sentiment de toute-puissance. Aurons-nous une explosion du nombre de burn-out à la sortie de la crise sanitaire ? C’est possible… Pour l’instant, nous n’avons aucun chiffre.

Le télétravail a-t-il augmenté les addictions ? Les addictions au tabac ont augmenté. En entreprise, vous ne pouvez pas fumer, vous êtes obligé de sortir pour une pause cigarette. Au domicile, on peut fumer quand on veut. Il n’y a plus de contrôle de l’addiction. Concernant l’alcool, après les « Zoom apéro » du premier confinement, beaucoup ont régulé leur consommation, mais pas tous… On note une augmentation des addictions sans que nous puissions encore la mesurer.

Comment les entreprises peuvent-elles gérer la reprise du travail et prévenir ces risques ? Il va falloir repérer les salariés qui ont décroché, ceux qui ne vont pas bien et ceux qui risquent de faire un burn-out, dans l’objectif de les aider. La médecine du travail a un rôle important dans cette étape. Les entreprises ont déjà engagé une réflexion voire des accords sur le futur du télétravail et, plus globalement, sur la réorganisation du travail. Le télétravail implique un changement de style managérial et une montée en autonomie des collaborateurs. L’enjeu sera alors de pouvoir prévenir les risques lorsque les salariés sont à l’extérieur de l’entreprise et de pouvoir les accompagner pour veiller à leur santé, leur épanouissement professionnel et leur performance.

Pr Marie-Odile Krebs
« L’importance d’une stratégie intégrative incluant la psychoéducation et l’accompagnement »
Pr Marie-Odile Krebs, psychiatre, professeure à l’Université de Paris, cheffe de pôle au GHU Paris
« L’importance d’une stratégie intégrative incluant la psychoéducation et l’accompagnement »

En quoi vos recherches modifient-elles l'approche que l'on peut avoir des maladies psychiatriques ? Mon équipe s’intéresse à une approche des maladies psychiatriques trop souvent oubliée, celle de la trajectoire évolutive des vulnérabilités individuelles des personnes vers d’éventuels troubles psychiatriques. La prise en compte plus précoce des troubles du développement permet d’optimiser la réponse thérapeutique. La situation des patients n’est en effet pas figée et nous devons tout faire pour qu’elle ne se fige pas dans une chronicité. Nos recherches portent sur l’épigénétique lors de l’entrée dans la maladie. Il s’agit non seulement de voir ce qui différencie les personnes qui vont évoluer vers des troubles de celles pour lesquelles il n’y a pas d’évolution, mais surtout d’intégrer les effets de facteurs de risque comme le stress ou la consommation de substances, par exemple le cannabis, et comprendre comment les limiter.

Comment détecter de façon précoce ces troubles en particulier chez les jeunes ? La détection des troubles chez les jeunes de 15 à 25 ans n’est pas évidente, car c’est une période de développement et de maturation du cerveau où certains symptômes psychologiques peuvent se manifester – déprime, impression de déjà-vu –, mais ne vont pas toujours évoluer vers des troubles psychiatriques. En fait, le problème est que ces premiers signaux sont banals et pas très spécifiques. Mais si, par exemple, le jeune change de comportement, se renferme sur lui-même, se coupe de ses amis, il faut réaliser une évaluation et l’histoire de sa situation, y compris sociale. Une telle évaluation nécessite un entretien relativement long. C’est ce que les Canadiens appellent « évaluation biopsychologique ». La détection précoce permet alors de mettre en place des réponses appropriées, un accompagnement et, quand cela est nécessaire, des soins. L’évolution de la maladie psychiatrique chronique n’est pas une fatalité si, dès le premier épisode, la personne est prise en charge. La qualité de vie peut être relativement bonne. Si l’on aide la personne à comprendre ce que lui apportent les médicaments, elle peut plus facilement s’engager dans son traitement et ses soins. La principale cause des rechutes est en effet l’arrêt des traitements.

Quelles sont les nouvelles stratégies thérapeutiques pour les maladies psychiatriques ? Les techniques de stimulation magnétique transcrânienne peuvent être efficaces pour les patients qui ont des hallucinations visuelles ou auditives. C’est un traitement peu invasif et nous commençons à mieux connaître les zones à stimuler. Les médicaments s’enrichissent de nouvelles pistes, autres que la sérotonine et la dopamine. Encore une fois, c’est l’importance d’une stratégie intégrative incluant la psychoéducation et l’accompagnement. Nous nous appuyons aussi de plus en plus sur les pairs aidants, qui partagent leur expérience de la maladie avec les patients. C’est un métier qui est en train de se développer et qui révolutionne l’image de la maladie psychiatrique.

Dr Sarah Bydlowski
« Ne pas banaliser le changement de comportement, d’attitude d’un enfant »
Dr Sarah Bydlowski, directrice du département de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, à l’Association de santé mentale du 13e arrondissement de Paris (ASM 13)
« Ne pas banaliser le changement de comportement, d’attitude d’un enfant »

Quelles sont les conséquences de la crise sanitaire sur la santé mentale des enfants et adolescents ? Dans la file active des jeunes que nous suivons dans le 13e arrondissement de Paris, nous constatons que la crise sanitaire et notamment le premier confinement ont eu des conséquences diverses : décrochage scolaire, tentatives de suicide, quelques suicides, troubles de l’attention, du comportement, agitation. Nous voyons aussi des jeunes présentant des inhibitions diverses. Par exemple, ils s’isolent, n’arrivent plus à apprendre. Ce qui peut être aussi inquiétant dans la mesure où ils peuvent passer à travers les mailles du filet car ils n’expriment pas de troubles psychiques. Les enfants agités se voient, eux non. Concernant les bébés, étant dépendants de leurs parents, nous voyons les effets de la crise et du premier confinement sur ces derniers, et les conséquences sur leurs bébés.

Avez-vous observé un décalage entre le premier confinement et l’apparition ou l’aggravation des troubles ? Oui, nous avons observé une augmentation des nouvelles demandes de prise en charge en décembre 2020 et, depuis, nous sommes sur un « plateau haut ». Par exemple, un centre a été mis en place en mars 2021 dans le 13e arrondissement pour les collégiens avec l’ARS Île-de-France et, en un mois, il avait déjà pris en charge 19 jeunes. Ce décalage entre le début de la crise et l’apparition des troubles s’explique par le temps que les parents, les adultes prennent pour se remettre de cette période difficile, et le temps que les enfants « s’expriment ». Tous nos partenaires, écoles, collèges, lycées, PMI (protection maternelle et infantile), ont également été empêchés pendant la crise sanitaire. Il leur a fallu aussi du temps pour voir les familles, nous les adresser et que ces familles nous contactent.

Comment détecter des troubles psychiques ? Les troubles du comportement, du sommeil, de l’alimentation et évidemment les tentatives de suicide sont des signaux. Un jeune qui a des difficultés scolaires, qui a du mal à apprendre, doit préoccuper les adultes. Il est essentiel de ne pas banaliser le changement de comportement, d’attitude d’un enfant. Je l’indiquais déjà, le plus difficile est de repérer les enfants qui n’ont pas de troubles « bruyants ». Pour les bébés, les médecins doivent absolument écouter les parents s’ils s’inquiètent d’un retard de développement pour parler, marcher, jouer, explorer. Même s’ils sont confus dans l’expression de cette inquiétude, il faut les orienter vers une consultation spécialisée et non être attentiste. Autrement dit, il est essentiel de prendre au sérieux les inquiétudes des parents, sans les prendre au pied de la lettre. Si le bébé n’a rien, tant mieux, sinon on pourra le prendre en charge plus tôt. Cela vaut également pour les périodes hors pandémie !

Quels sont aujourd’hui les enjeux pour la santé mentale des jeunes ? Des moyens ont été donnés durant cette crise pour mettre en œuvre des dispositifs ponctuels, transitoires, afin d’évaluer et de détecter les troubles psychiques. Mais les moyens manquent cruellement pour soigner, traiter au long cours et assurer une certaine continuité. C’était vrai avant la Covid-19 et ça l’est encore plus aujourd’hui.

Dr Pascal Verrier
« J’observe une hausse des troubles de l’anxiété, des troubles dépressifs et des burn-out »
Dr Pascal Verrier, psychiatre libéral à Lyon
« J’observe une hausse des troubles de l’anxiété, des troubles dépressifs et des burn-out »

La crise sanitaire a-t-elle augmenté les troubles psychiques ? Avec la crise sanitaire, il y a effectivement une augmentation de 25 % des troubles psychiques, dont les troubles dépressifs. Cette hausse des dépressions implique une croissance des prescriptions d’antidépresseurs, mais je pense qu’il y a un delta entre le nombre de dépressions et celui de prescriptions, car les patients se tournent aussi vers les médecines complémentaires ou des accompagnements psychothérapeutiques.

Quels sont les autres troubles que vous constatez ? Dans mon cabinet, j’observe une hausse des troubles de l’anxiété, des trichotillomanies et dermatillomanies1, des troubles dépressifs et des burn-out. Les burn-out sont liés aux conditions de travail à distance, à l’isolement, à la perte de sens mais aussi aux inquiétudes sur l’avenir. Il y a aussi les situations douloureuses par rapport à la solitude. La crise sanitaire a exacerbé ce problème, car chaque être humain a besoin de relations sociales et la ville amplifie l’isolement. Je constate aussi une augmentation des conjugopathies2. Les étudiants sont aussi dans des situations difficiles avec des risques de décrochage. Beaucoup sont retournés vivre chez leurs parents, mais c’est compliqué de revenir alors que vous étiez en train de construire votre vie. C’est une génération sacrifiée. Nous avons aussi les cas de Covid long qui génèrent des troubles psychiques. Certains symptômes comme l’anosmie sont très perturbants. Cela peut générer une forte anhédonie. Elle évolue en cacosmie et, quand les sens nous trompent, cette discordance entre nos perceptions et la réalité augmente notre vulnérabilité envers les troubles anxieux.

Quels sont les enjeux en matière de santé mentale ? Dans le secteur libéral, il y a un biais par rapport à l’hôpital, car les pathologies n’y sont pas aussi fortes. Les enjeux sont plus sociologiques. Les gens se sont posé des questions existentielles, sur le sens de leur vie, de leur travail. La crise les a incités à parler plus de leurs problèmes et à consulter plus facilement, avec moins de réticences. Cela leur paraît plus simple. Beaucoup envisagent de changer de travail ou de donner des orientations différentes à leur vie, mais je ne suis pas sûr que ces attitudes perdurent. Lorsque des personnes ont un accident grave, on assiste à ce même genre de questionnement. Très vite, la situation se renormalise et très peu donnent une suite concrète à leurs envies. La résilience humaine est forte.

1. La trichotillomanie et la dermatillomanie sont deux troubles obsessionnels convulsifs. Le premier est caractérisé par des arrachages récurrents de cheveux. Les personnes atteintes de dermatillomanie se grattent ou se triturent la peau de manière compulsive.

2. Trouble d'ordre psychologique, proche de la dépression, qui est lié à un problème conjugal.

Dites je suis là
Dites je suis là
Suicide : Dites je suis là

Suicide : Dites je suis là

Dites je suis là

Face à une personne suicidaire, parler peut tout changer ! C’est le message porté par la plateforme « Dites je suis là », qui s’adresse aux proches des personnes susceptibles de passer à l’acte. On constate que 90 % des 15-25 ans disent ne pas savoir quoi faire face à un copain ou une copine en détresse. Et pourtant, 90 % sont prêts à aider. C’est pourquoi ce type de message qui s’adresse à tous est essentiel.

Le site ditesjesuisla.fr présente une liste de signes qui doivent alerter, les attitudes à adopter, les choses à dire ou ne pas dire face à un proche concerné. On y trouve aussi les contacts vers qui les aidants peuvent se tourner en fonction de l’urgence de la situation : médecin traitant, psychiatre, services médicaux spécialisés…

Pour en savoir plus : https://www.ditesjesuisla.fr

Des secouristes en santé mentale
Des secouristes en santé mentale
Des secouristes en santé mentale

Des secouristes en santé mentale

Icaps

Pour lutter contre la stigmatisation des personnes souffrant de troubles psychiques, l’association Premiers secours en santé mentale (PSSM France) met en œuvre le programme international « Mental Health First Aid » (MHFA). Créé en Australie en 2001 par une éducatrice ayant souffert de troubles psychiques sévères et un professeur de médecine, le programme est aujourd’hui adapté et déployé dans 28 pays. Le principe, former des secouristes non professionnels de santé. Ces formations sur deux jours visent à permettre aux secouristes d’être attentifs et de reconnaître les premières manifestations ou l’aggravation de troubles mentaux, de savoir se comporter de façon adaptée pour entrer en contact avec la personne et gagner sa confiance, et de connaître suffisamment les ressources professionnelles et non professionnelles pour l’orienter ou l’aider à s’orienter vers les soins adaptés.

Pour en savoir plus : https://pssmfrance.fr

Un parcours spécifique pour les étudiants
Un parcours spécifique pour les étudiants
Un parcours spécifique pour les étudiants

Un parcours spécifique pour les étudiants

Parcours

Mis en place par le ministère de l’Enseignement supérieur pendant la crise de la Covid, le dispositif Santé Psy Étudiant vise à faciliter l’accompagnement psychologique des étudiants. Il leur permet de bénéficier de trois séances gratuites renouvelables avec un psychologue, sans aucune avance de frais. Pour bénéficier de cet accompagnement psychologique extérieur, l'étudiant doit tout d'abord consulter un médecin des services de santé universitaires, implantés dans toutes les universités françaises. Cette consultation préalable peut avoir lieu sous la forme d’une téléconsultation. À défaut, l’étudiant peut aussi consulter un médecin généraliste, en étant muni de sa carte d'étudiant (ou de tout autre document équivalent prouvant qu’il est étudiant).

Le ministère de l’Enseignement supérieur souligne ainsi que c’est un véritable « parcours de soins » qui se met en place, dans la mesure où c’est le médecin qui oriente l’étudiant vers un psychologue partenaire du dispositif pour convenir d’un rendez-vous.

Pour en savoir plus : https://santepsy.etudiant.gouv.fr

Aidant
Aidant
Accompagner les proches aidants

Accompagner les proches aidants

Accompagner les proches aidants

Le programme Profamille est un programme psycho-éducatif destiné aux familles et proches de patients souffrant de schizophrénie ou de troubles apparentés. En proposant un programme sur deux ans, Profamille permet aux aidants familiaux de mieux réagir face à la maladie de leur proche souffrant de schizophrénie et de mieux les accompagner en leur donnant les clés de compréhension.

Profamille a démontré son efficacité en réduisant les ré-hospitalisations des malades, en favorisant leur accès à l’emploi, en améliorant la qualité de vie et la santé des familles et en réduisant le nombre de tentatives de suicide des malades.

Pour en savoir plus : https://profamille.org

Des cellules locales
Des cellules locales
Des cellules locales

Des cellules locales

Des cellules locales

Partout en France, les conseils locaux de santé mentale (CLSM) ont pour objectif de définir et mettre en œuvre des politiques locales et des actions permettant l’amélioration de la santé mentale des populations concernées. Ils développent des actions de promotion de l’accès des usagers en santé mentale à la citoyenneté, d’aide à l’accès au logement et à l’hébergement, d’amélioration de l’accès et de la continuité des soins, d’accès aux loisirs et à la culture. Ils œuvrent également pour déstigmatiser les personnes atteintes de troubles psychiques et sensibiliser de la population à la santé mentale. Les CLSM jouent également un rôle de coordination entre les élus, la psychiatrie, les représentants des usagers, les aidants et l’ensemble des professionnels du territoire.

Pour en savoir plus : http://clsm-ccoms.org

Caroline Fronteau

Caroline Fronteau

Caroline Fronteau
Caroline Fronteau
26 ans, professeure d’histoire et géographie, autrice du livre « Je ne voulais plus manger. Mon combat et ma victoire contre l’anorexie »
« Gagner le combat contre l’anorexie exige du temps. On apprend à vivre avec ce trouble alimentaire jusqu’au moment où on ne se met plus en danger. »

« À 18 ans, lycéenne brillante, je quitte le cocon familial. Direction l’université d’Aix-en-Provence. Là-bas, un sentiment de solitude mêlé à une déception affective me fait tomber dans l’anorexie mentale. J’arrête de manger, je quitte la fac. En deux mois à peine, je perds 8 kilos. La nourriture me fait extrêmement peur, je ne pense qu’à maigrir, avant tout par peur de regrossir. Je m’impose un contrôle absolu de la nourriture pour mieux contrôler ma vie.

En cinq ans, mon poids ne dépassera jamais les 42 kilos. On apprend à vivre avec ce trouble alimentaire jusqu’au moment où on ne se met plus en danger. Avec le soutien de ma famille, j’ai bénéficié d’une approche médicale pluridisciplinaire. Un suivi en hôpital de jour avec des endocrinologues et des diététiciens m’a appris à équilibrer mon alimentation. J’ai travaillé avec un psychiatre spécialisé en thérapie comportementale 
et un psychologue. L’objectif était de comprendre d’où venaient mes fragilités. 
La sophrologie et la méditation pleine conscience m’ont ancrée dans le moment présent, et permis d’être moins stressée dans mon corps. J’ai repris du poids quand j’ai commencé à aller bien dans ma tête. Il y avait un blocage psychologique. Aujourd’hui, j’ai l’impression que la maladie est derrière moi.

J’insiste sur la bienveillance dont il faut faire preuve à l’égard des personnes qui souffrent d’anorexie mentale. L’hospitalisation est parfois une clé pour s’en sortir, mais il faut veiller à bien choisir les structures hospitalières, car je pense que celles qui proposent des méthodes basées sur la privation de liberté et le chantage – contrat de poids contre liberté – laissent plus de stigmates qu’elles ne guérissent.

L’anorexie nous conduit au contrôle alimentaire extrême, au gramme près. Mais contrairement à d’autres addictions, on ne peut pas se passer de nourriture. En plus, on ne se voit pas comme nous sommes vraiment. Une voix dans la tête, face au miroir, nous donne la sensation d’être tout le temps grosse. Cela vient aussi du regard que la société porte sur le physique, sur le corps, en particulier sur le corps féminin. »

Agathe Martin

Agathe Martin

Agathe Martin
Agathe Martin
fondatrice du Centre autogéré de rétablissement en santé mentale (CAReSM), autrice du blog commedesfous.com
« Promouvoir le rétablissement, c’est admettre qu’une personne peut avoir une maladie psychiatrique chronique sévère et vivre de façon épanouissante.»

« Une pathologie psychiatrique s’est déclarée lorsque j’avais 21 ans. Après cela, j’ai passé près de dix ans à alterner des hospitalisations avec des périodes d’emploi. Les personnes vivant avec des troubles psychiatriques sévères sont trop souvent placées dans un rôle de malade et subissent la plupart du temps un traitement social dégradant en plus d’endurer leur maladie.

De ce constat est né le futur Centre autogéré de rétablissement en santé mentale (CAReSM), attendu en 2022. Il s’agit d’un organisme de formation géré par et pour les pairs qui souffrent ou ont souffert de troubles psychiques. Notre ambition est de leur donner les moyens de développer des pratiques orientées vers le rétablissement. Ce processus unique débute lorsque la personne décide de ne plus donner le pouvoir à la maladie de contrôler toute sa vie. Des groupes d’auto-support essaient d’apprendre comment se rétablir en partageant leur expérience.

Promouvoir le rétablissement, c’est admettre qu’une personne peut avoir une maladie psychiatrique chronique sévère et vivre de façon épanouissante. C’est aussi admettre que, si le médecin peut soigner ou guérir, seul le patient peut se « rétablir ». S’inspirant du Cofor à Marseille, le CAReSM s’éloigne d’une approche clinique, hospitalo-centrée qui aujourd’hui n’a plus les moyens d’aider les patients à s’autonomiser, à prendre des risques. Un récent rapport de l’Union des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques dresse d’ailleurs un état des lieux alarmant du secteur psychiatrique en France : recours à la contention, locaux indignes, non-respect des droits des patients, etc.

Il existe pourtant de nombreuses alternatives : cafés associatifs, dispositifs de « job coach » pour un accompagnement sur mesure en milieu professionnel, lieux de répit, visites à domicile, l’association Clubhouse, qui propose un tremplin vers une vie sociale et professionnelle active pour les personnes vivant avec un trouble psychique, etc.

Le combat est aussi politique pour que la santé mentale devienne un vrai sujet de société et que le regard sur les malades évolue de façon positive. »

En savoir plus : contact@commedesfous.com

Julia Néel Biz

Julia Néel Biz

Julia Néel Biz
Julia Néel Biz
cofondatrice et directrice générale de l’application Teale
« Teale permet de parler de santé mentale dans l’entreprise et d’avoir des outils pour en prendre soin au quotidien »

« Près d’un salarié sur deux déclare se sentir en détresse psychologique. Pourtant, parler de santé mentale au travail est encore difficile, tabou. Je l’ai constaté personnellement lorsque j’ai perdu un proche en 2018. La longue crise sanitaire du COVID-19 et ses confinements répétés ont cependant mis en lumière les fragilités mentales des salariés, leurs troubles psychologiques, les risques de burn-out. Les entreprises prennent doucement conscience de la situation et se demandent comment y remédier.

Nous avons développé, début 2021, l’application mobile Teale* à destination des Directions des ressources humaines. Son objectif ? Mieux diagnostiquer et prendre soin de la santé mentale des salariés.
En moins de trois minutes, les collaborateurs testent leur bien-être mental à la fois professionnel et personnel, grâce à un indice que nous avons spécialement créé. Deuxième étape, l’application propose un parcours digital personnalisé jalonné d’outils numériques d’autothérapie : podcast de relaxation ou de méditation, courtes vidéos pour apprendre à gérer son stress ou affirmer ses décisions, activités pour renforcer sa résilience, mise en pratique pour améliorer sa communication verbale et non verbale, etc. Enfin, s’ils le souhaitent, les salariés sont mis en relation par téléconsultation avec des professionnels formés aux thérapies comportementales et cognitives.

Teale permet de parler de santé mentale dans l’entreprise et d’avoir des outils pour en prendre soin au quotidien. C’est aussi un premier pas vers une thérapie plus poussée pour celles et ceux qui n’osent pas franchir le pas. Nous faisons attention à notre physique sans problème, en faisant du sport ou allant chez le médecin. Il n’y a pas de raison d’agir différemment avec notre psyché. Nous devrions même commencer dès l’école à apprendre à mieux écouter nos émotions, partager nos ressentis. Ce serait d’autant plus facile d’en parler librement à l’âge adulte. »

* Contraction de deux mots anglais team (« équipe ») et heal (« soigner »).

Margaux Duguet

Margaux Duguet

Margaux Duguet
Margaux Duguet
journaliste
« Il faudrait absolument créer, construire, imaginer d'autres unités mère-enfant en France. »

Extrait du témoignage de Marion Duguet, publié sur Twitter

« Je suis tombée enceinte fin janvier 2020. J'ai été déclarée en menace d'accouchement prématurée à 27 semaines. Le jour de la 37e semaine, j'ai la poche des eaux qui se fissure. C'est la fin officielle de la prématurité. Mon esprit a lâché, mon corps a suivi.

J'accouche d'une petite fille. Elle est merveilleuse mais toute petite. Je culpabilise (encore et encore), j'aurais pu tenir plus. Je suis heureuse et, en même temps, je sens que quelque chose ne va pas. Je suis dévorée d'angoisses, je vérifie tout le temps sa respiration. L'enfer des nuits commence. Je ne dors plus du tout. L'allaitement m'épuise mais je sais (on nous le répète tout le temps) que c'est ce qu'il y a de meilleur pour elle. Alors, je tiens. Enfin, j'essaye. Quand j'évoque mon mal-être, on me répond « chute des hormones ». Et puis boum, l'annonce du second confinement se profile. Je le sais : je ne tiendrai pas. Je veux que tout s'arrête, je vois la fenêtre ouverte, j'ai des idées noires (ça, c'est dur à écrire). J'appelle ma mère et je pleure, je pleure, je pleure. Au secours, aidez-moi.

Ma sage-femme est la seule qui a compris tout de suite. Pour elle, pas le choix, il faut que je sois hospitalisée et avec mon bébé. Dans l'unité mère-enfant de l’hôpital Bicêtre. Il n'existe qu'une vingtaine de structures de ce type en France. On estime que 20 % des femmes font une dépression post-partum (bien plus avec la Covid).

Je vais rester à l’hôpital 9 semaines. Je rencontre des professionnels extraordinaires, aux petits soins, rassurant sans cesse, écoutant en permanence. Avec eux, je vais apprendre à calmer mes angoisses.

Je vais de mieux en mieux mais je ne me vois pas encore sortir. Le monde extérieur me fait peur. Personne ne me poussera dehors, voilà ce que l'on me répète. Il faudrait absolument créer, construire, imaginer d'autres unités de ce type en France. Cela concerne des dizaines de milliers de femmes et d'enfants. Nous sommes bien trop peu nombreuses à être prises en charge. Les places sont très chères. Je savais que d'autres mamans patientaient (dans la douleur) en attendant ma place. Mais jamais, je n'ai senti qu'il fallait que je parte. »

Romain D.

Romain D.

Romain D.
Romain D.
35 ans chargé d’affaires, il a souffert d’un burn-out professionnel alors qu’il avait 25 ans.
« Je n’arrivais plus à me lever, mon corps ne répondait plus »

« Tout de suite après la fin de mes études de commerce, j’ai été embauché dans un grand groupe bancaire comme analyste financier. J’ai tout de suite adoré ce travail. Nous étions trois juniors dans l’équipe, et nous savions qu’il faudrait redoubler d’efforts pour nous démarquer et gravir les échelons le plus rapidement possible. La pression s’installait.

Trois mois après mon embauche, je travaillais de 7 heures à plus de minuit chaque jour, et souvent le week-end. J’avais 24 ans, et j’ai tenu plus d’un an à ce rythme. Après 18 mois, il y a eu une restructuration dans l’équipe et j’ai changé de directeur. La pression est encore montée d’un cran, et c’est là que j’ai commencé à me sentir épuisé.

Paradoxalement, je dormais de moins en moins la nuit après le travail, mais pouvais enchainer 16 heures de sommeil le week-end. Je me sentais de plus en plus stressé et j’arrivais de moins en moins à gérer la pression. Je me souviens être resté devant mon ordinateur pendant presque une heure, sans rien pouvoir faire tellement j’étais paralysé.

Un soir, je suis arrivé chez moi vers 22 heures, à bout de forces. Je me suis allongé et j’ai pleuré pendant plusieurs heures. Je n’arrivais plus à me lever, mon corps ne répondait plus. Mon amie a appelé les pompiers. J’ai été hospitalisé pendant une semaine en unité psychiatrique et je suis ressorti avec un arrête de travail de trois semaines. Je suis retourné travailler dès ma sortie de l’hôpital, sans rien dire à personne. Mais je sentais que je ne pouvais pas y arriver.

Un mois plus tard je suis parti en vacances. La veille de mon retour au travail, j’ai fait une énorme crise d’angoisse et ai de nouveau été hospitalisé. Encouragé par mes proches, j’ai démissionné du jour au lendemain.

J’ai été suivi par un psychiatre à raison de deux séances par semaine. J’ai mis deux ans à m’en remettre. Dix ans plus tard, je suis toujours très angoissé par le milieu du travail et j’ai encore beaucoup de mal à supporter la pression. »

Gringe

Gringe

Gringe
Gringe
Rappeur et auteur du livre « Ensemble, on aboie en silence » sur sa relation avec son frère atteint de schizophrénie.
« Je souhaite déconstruire l’idée que les schizophrènes sont dangereux. »

« Mon petit frère Thibault a été diagnostiqué schizophrène en 2001, à 19 ans. Ma première réaction a été de me blinder, de mettre de la distance. J’étais en colère contre mes parents, contre mon frère. J’étais terrifié. Puis petit à petit, j'ai ressenti le besoin de comprendre sa réalité.

Chez lui, la maladie se manifeste par des hallucinations auditives et des voix parasites. Une fatigue intellectuelle et émotionnelle. Il a accès à un monde riche et complexe, opaque dont j’ignore tout. Thibault est aussi cultivé, il lit énormément et possède une culture cinématographique incroyable.

La schizophrénie véhicule de nombreux clichés qui l’associent à la violence, la folie, l’aliénation. La méconnaissance et la méfiance modifient le regard de la famille, de l’entourage. C’est vicieux car cela contribue à stigmatiser des gens qui sont déjà mis à l'écart.

Sans compter que contrairement au fantasme du psychopathe échappé de l'asile, ce sont des personnes d'une immense sensibilité et très empathiques. Elles ont beaucoup à nous apprendre, dans notre rapport avec nous-mêmes et la façon dont nous cohabitons.

En écrivant ce livre avec mon frère, je souhaite déconstruire l’idée que les schizophrènes sont dangereux. J’espère vraiment qu’il contribuera à libérer la parole sur la maladie. C’est aujourd’hui le projet dont je suis le fier.

Ce qui a convaincu Thibault de participer à l’écriture du livre ? Lui expliquer que grâce à ses témoignages, des gens qui vivent la même situation que lui se sentiront moins seuls. Sa parole contribue à déstigmatiser la maladie, à offrir une voix à celles et ceux qui souffrent et que l’on ne voit pas, que l’on n’entend pas. Le livre a déjà eu des répercussions positives pour Thibault. Nous avons reçu des retours très chaleureux, des messages de remerciements, de félicitations… Lui qui était d’abord réticent à parler de lui, il est complètement galvanisé, reboosté. »

Témoignage extrait d’interviews

Ce webzine vous est proposé par le Conseil national
de l'Ordre des médecins - www.conseil-national.medecin.fr
Juillet 2021

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Dr François Arnault

RÉDACTEUR EN CHEF : Pr Stéphane Oustric

COORDINATION : Isabelle Marinier

CONCEPTION ET RÉALISATION : Citizen Press

RESPONSABLE D’ÉDITION : Aline Brillu

WEBDESIGN : Charles Annerel

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Alexandra Roy

RÉDACTION : Eric Allermoz, Aline Brillu, Magali Clausener, Emilie TranPhong

MOTION DESIGN : Citizen Press

PHOTOS : DR, Istock

CONCEPTION / INTÉGRATION WEB : Art-Ev / Algomatic