Le webzine de l'Ordre des médecins - Les clés de l'information santé

WebzineSanté

#8
Décembre 2017

Les anciens numéros

Dr Jean-Marcel Mourgues & Dr Francois Simon
Dr Jean-Marcel Mourgues
président de la section Santé publique et démographique médicale
Dr François Simon
président de la section Exercice professionnel
« Face à la forte croissance des maladies chroniques, nous sommes amenés plus que jamais à parler d’alliance thérapeutique avec le patient »

Pourquoi ?

Nous assistons à une transition épidémiologique des maladies aiguës aux maladies chroniques. Aujourd’hui, 70 % des patients décèdent de maladies chroniques. Cette transition s’est déroulée rapidement et nécessite une transformation de la prise en charge des patients mais aussi de la relation médecin-patient. Cela inclut notamment la prise en compte de la dimension psychologique de la maladie chronique, qui est aujourd’hui mise de côté, notamment dans la formation des médecins. Par ailleurs, les pathologies chroniques n’ont pas vocation à être prises en charge uniquement dans un contexte hospitalier. Les patients gagneront en termes de confort et d’observance si un suivi de qualité leur est proposé à proximité de chez eux.
Enfin, l’augmentation considérable des maladies chroniques fait émerger l’absolue nécessité de développer la prévention et la promotion de la santé dès l’école.

Les maladies chroniques sont

des pathologies au long cours qui évoluent au fil du temps. Il est possible de les soigner mais pas de les guérir. Les patients atteints doivent ainsi apprendre à vivre avec ces maladies.

Map
70%
des décès
dans le monde

sont liés à une maladie chronique. Il s’agit de la 1ère cause de mortalité.

Source: OMS
man
1/3 des personnes
décédées

de maladie chronique en 2015 dans le monde avaient moins de 60 ans.

Source: OMS
france
12à20millions

de personnes concernées en France par une maladie chronique.

Source : Cnamts-DSES (2015) ; Les Maladies chroniques,
vers la 3e médecine, Pr André Grimaldi (2017)
Les maladies chroniques en France...
man group

Les plus
fréquentes

coffin

Qui ont le plus fort taux de décès

woman

Qui touchent le plus les femmes

man

Qui touchent le plus les hommes

arrow

Qui ont le plus augmenté ces 10 dernières années*

men
Les plus fréquentes
1

Diabète non insulino-dépendant (18,4 % des ALD)

2

Insuffisance coronarienne (6,8 % des ALD)

3

Hypertension artérielle sévère (5,8% des ALD)

4

Tumeur maligne du sein (4,7 % des ALD)

5

Athérosclérose (3,4 % des ALD)

Source : Assurance maladie, 2015
men
Qui ont le plus fort
taux de décès
1

Cancer du pancréas (29,4 %)

2

Cancer du foie (24,4%)

3

Cancer de l'œsophage (22,4 %)

4

Cancer du poumon (22 %)

5

Démence vasculaire (15 %)

Source : Assurance maladie, 2015
woman
Qui touchent le plus
les femmes
1

Cancers féminins (ovaire, utérus, col de l’utérus)
(100 % des patients)

2

Cancer du sein (99 % des patients)

3

Ostéoporose avec fracture pathologique (88 % des patients)

4

Lupus (88 % des patients)

5

Polyarthose (83 % des patients)

Source : Assurance maladie, 2015
man
Qui touchent le plus
les hommes
1

Cancers masculins (prostate, testicule)
(100 % des patients)

2

Cancer du larynx (86 % des patients)

3

Cancer de la vessie (80 % des patients)

4

Anévrisme aortique et dissection (80 % des patients)

5

Polyarthose (77 % des patients)

Source : Assurance maladie, 2015
arrow
Qui ont le plus
augmenté ces 10
dernières années* *Taux de croissance annuel moyen entre
2005 et 2015.
1

Trouble dépressif récurrent (41,6 %)

2

Fibrillation et flutter auriculaires (20,8 %)

3

Affections rétiniennes (19,5%)

4

Syndromes congénitaux malformatifs (18,2 %)

5

Accident vasculaire cérébral (17,7%)

Source : Assurance maladie, 2015
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VRAI OU FAUX ?
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Toutes les maladies chroniques sont prises en charge à 100 % par l’Assurance maladie.
error
FAUX

• Toutes les maladies chroniques ne sont pas prises en charge à 100 % par l’Assurance maladie. Il n’existe qu’une trentaine d’affections longue durée (ALD) exonérantes, c’est-à-dire qui ouvrent droit à une prise en charge à 100 %. Il s'agit d'affections dont la gravité et/ou le caractère chronique nécessitent un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse. La liste de ces maladies ( https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F34068 ) est établie par le ministère de la Santé.

Source : Assurance maladie, 2015
Les dépenses de santé
money
6 300€ par an pour une personne en ALD
money
1 800€ par an pour une personne sans ALD
Source : Observatoire citoyen des restes à charge en santé
Les patients atteints
d'une ALD représentent :
money
15 % de la population du régime général de l'Assurance maladie
money
65 % des dépences de santé
Source: Assemblée nationale, 2007
1 patient
sur 2
atteint d’une maladie chronique ne suit pas correctement son traitement.
Pourquoi ?
Difficulté à accepter sa maladie
Défaut d’explication et de justification du traitement
Conditions de vie de la personne (relations sociales, ressources…)
Difficulté à comprendre la prescription
Effets secondaires du traitement
Expériences négatives dans le système de soins
Source : Le Ciss
La prévalence des maladies chroniques
DOM/TOM DOM/TOM
France
Moins de 17 % de la population*
Entre 17 % et 19,5 % de la population
Entre 19,5 % et 22 % de la population
Plus de 22 % de la population

* Pour Mayotte les données ne sont pas exhaustives.

Source : Cnamts-DSES, 2015
hours
C’est le temps moyen passé par un patient atteint d’une maladie chronique avec les professionnels de santé.
Source : Engaging Patients in Healthcare, Angela Coulter, 2012
hours
Seuls 3,9 %
des programmes d’éducation thérapeutique sont proposés en ville, par des cabinets, des maisons de santé ou des structures de santé de proximité.
Source : HCSP
hours
1/5
Plus d'un malade chronique sur cinq a déjà téléchargé une application mobile de santé.
Source : Le Lab e-santé
« La prise en charge du diabète a été facilitée par de belles innovations » Betina et Luka Porcel-Setterblad atteints d’un diabète 1
Betina et Luka Porcel-Setterblad

« On a découvert que Luka avait un diabète de type 1 quand il avait cinq ans. Comme j’ai moi-même un diabète de ce type, j’ai tout de suite reconnu les symptômes et la prise en charge a été rapide. Mais cela n’a atténué en rien la surprise et l’inquiétude ressenties en tant que mère. Le fait d’avoir tous les deux un diabète de type 1 ne change rien. Luka a son diabète et moi le mien, on ne mélange pas. Le risque, en effet, serait de devenir le miroir l’un de l’autre. Aujourd’hui, mon fils a 10 ans. Il fait ses piqûres d’insuline depuis qu’il a 6 ans et gère ses hypoglycémies. La prise en charge du diabète a été facilitée par de belles innovations : Luka a un capteur pour contrôler sa glycémie et on lui a récemment posé une pompe à insuline pour éviter les multiples piqûres quotidiennes. Bien sûr, il est plus responsable, plus autonome que les enfants de son âge. Mais pour le reste, il mène la même vie qu’eux. Il fait du tennis et du hip-hop… en prenant une collation avant chaque séance et en mesurant sa glycémie. Tout n’est pas toujours facile et nous avons trouvé un précieux accompagnement avec l’association AJD1 qui permet à Luka de partir en colonie de vacances,par exemple. La maladie est là, elle ne va pas disparaître. Il faut faire face aux difficultés de la vie et aller de l’avant ! »

Pour en savoir plus : Association Aide aux jeunes diabétiques 1. L’Aide aux jeunes diabétiques est une association qui allie familles de patients, patients et soignants pour aider les jeunes qui ont un diabète à vivre une vie épanouissante tout en préservant leur santé.

« J’ai pris le parti d’assumer ma maladie et d’en parler à mes proches et aux personnes avec qui je travaille » Thierry Combrexelle atteint d’une rectolite-hémorragique
Thierry Combrexelle

« La rectolite-hémorragique m’a été diagnostiquée en 2001. Ma vie a alors été complètement bousculée. C’est un handicap invisible mais très dur à supporter au quotidien. La maladie se manifeste par des diarrhées qui surviennent plusieurs fois par jour avec l’impossibilité de se retenir. Tout devient une épreuve (aller boire un verre, dîner au restaurant, faire le trajet domicile-travail…) et nécessite systématiquement une organisation pour rester serein en cas d’“accident”. Depuis seize ans, je peux dire que je vis dans un “placard doré” car je suis obligé d’être très sédentaire. Avec des impacts évidents sur la vie professionnelle, sociale et sentimentale. Ce qui me pénalise le plus, c’est cet isolement social. De plus, je suis très fatigué et je souffre de fortes migraines qui m’obligent régulièrement à rester couché. J’ai pris le parti d’assumer ma maladie et d’en parler à mes proches et aux personnes avec qui je travaille. Ce qui suppose quelques contraintes comme celle de s’installer systématiquement près des toilettes dans un restaurant, un bar ou un cinéma. Je reste optimiste car la recherche scientifique avance et un traitement sera peut-être possible un jour. Du côté des régimes alimentaires, j’ai essayé mais sans résultat. Ma maladie est assez pénible pour que je ne m’impose pas en plus des privations. »

Pour en savoir plus : Association François Aupetit

« Le monde associatif, autrefois un peu amateur, est désormais très professionnel » Gérard Thibaud atteint d’une polyarthrite rhumatoïde
Thierry Combrexelle

« J’ai rencontré la maladie à 10 ans. J’en ai aujourd’hui 67. On considère que l’arthrite juvénile idiopathique est une maladie rare, contrairement à la polyarthrite rhumatoïde. J’étais soigné avec de la cortisone et des sels d’or, ce qui n’était pas sans effet sur le fonctionnement des reins. Les douleurs, les nuits blanches et les phases d’hospitalisation m’ont valu une scolarité compliquée. Vers l’âge de 12 ans, je me suis imposé une loi du silence pour ne pas faire souffrir mes parents : je refusais de parler de ma maladie et des douleurs. Je prétendais que tout allait bien. Je ne recommanderais plus cette attitude. Le contexte de la prise en charge, avec l’apport de la psychologie et de la sophrologie, a changé. Le monde associatif, autrefois un peu amateur, est désormais très professionnel avec de vrais budgets. Ces changements, je les ai connus aussi et surtout dans les traitements, avec l’arrivée des biothérapies, qui ont été une vraie révolution. Aujourd’hui, ma maladie est contrôlée, mais pas en rémission. Je suis président d’une association, après avoir longtemps refusé tout engagement. Cela me vaut une retraite très active. Et moi qui n’ai jamais pu porter mon fils dans mes bras, je découvre le bonheur de porter mes petits-enfants ! »

Pour en savoir plus : Association nationale de défense contre l’arthrite rhumatoïde

« Je me suis retrouvée dans une immense solitude qui a commencé avec l’annonce du diagnostic » Françoise P. accompagnante de son mari atteint de la maladie d’Alzheimer
Thierry Combrexelle

« La maladie d’Alzheimer est insidieuse. Elle survient et évolue doucement. La personne donne le change longtemps. Ce qui laisse l’impression que nous, les accompagnants, nous exagérons ou que nous allons mal nous-mêmes. Je me suis retrouvée dans une immense solitude qui a commencé avec l’annonce du diagnostic. J’ai choisi de dire à mon mari qu’il avait la maladie d’Alzheimer pour ne pas lui mentir. J’ai suivi trois formations avec France Alzheimer. Elles m’ont aidée à comprendre la maladie, à la démystifier, à la regarder en face pour mieux l’accepter et la combattre. Il ne faut pas s’isoler mais rencontrer et partager avec d’autres, ce que je fais dans des groupes de parole ou des ateliers créatifs. J’ai aussi rejoint un atelier d’écriture. Là, je suis moi-même, ce qui est impossible au quotidien puisque j’agis pour deux. Ces activités sont une fenêtre ouverte, quand la maladie ferme bien des portes. Bien sûr, la suite m’angoisse. Je vieillis, je risque moi-même de tomber malade… Mais j’essaie de ne pas y penser. Je vis au jour le jour, non plus comme avant mais autrement. Et c’est encore la vie. »

Pour en savoir plus : France Alzheimer

« Je suis actrice de ma propre prise en charge » Marie-Pierre Rinn atteinte d’un asthme sévère
Thierry Combrexelle

« Je suis devenue asthmatique à l’âge de 45 ans. Cela a commencé par une toux sèche et irritante à l’effort et des difficultés à respirer après une grosse bronchite. Je suis allée aux urgences et on m’a diagnostiqué un asthme sévère et un diabète, lui-même consécutif aux corticoïdes que j’avais pris pour soigner la bronchite. Les débuts ont été pénibles. L’asthme est une maladie angoissante. Quand on respire mal, on ne pense plus qu’à cela. On se concentre difficilement, on dort mal, on est gêné dans ses mouvements, donc on limite ses gestes et ses efforts. On se coupe des autres. Faire des projets devient compliqué car l’asthme peut se déclencher à la moindre pollution, s’il fait humide, si on passe du chaud au froid, etc. Je me retrouvais régulièrement aux urgences, puis hospitalisée. C’était une vraie souffrance au quotidien. La situation a changé quand, grâce à l’association Asthme et Allergies, j’ai commencé l’éducation thérapeutique. J’ai appris à vivre avec mon asthme et mon diabète. Je suis actrice de ma propre prise en charge : je sais anticiper les crises, les gérer quand elles surviennent… et éviter les urgences ! Cela fait huit ans que je n’ai pas été hospitalisée. »

Pour en savoir plus : Association Asthme & Allergies

« La vie ne s’arrête pas avec cette maladie même si elle est évolutive et incurable » Jean d’Artigues atteint sclérose latérale amyotrophique (maladie de Charcot)
Thierry Combrexelle

« La sclérose latérale amyotrophique s’est déclarée il y a six ans. Depuis je vis au jour le jour en développant une grande patience. Il en faut beaucoup pour accepter les contraintes nouvelles qui surgissent sans cesse. Même si c’est très dur, je suis optimiste car la maladie m’a amené à faire l’expérience de la solidarité. Solidarité des personnes autour de moi mais aussi de la société et des structures médicales, sur lesquelles il ne faut pas hésiter à s’appuyer. On ne peut pas compter que sur soi-même. Il y a un an, en octobre et novembre 2016, j’ai traversé l’Atlantique en voilier. Cinquante jours de mer, à six sur un bateau, ballotté par les vagues sans pouvoir compenser puisque je n’ai plus de muscles mais en accueillant le mouvement. C’était un rêve d’enfant, enfin concrétisé, et un défi. La Transat a représenté un grand effort physique et mental. Elle m’a permis de me renforcer encore pour affronter les aléas de la maladie. La vie ne s’arrête pas avec cette maladie même si elle est évolutive et incurable, et les rêves restent les rêves. Il n’existe aucun traitement. La seule solution : l’espoir. Et l’envie de repousser les limites sans arrêt. Je me suis engagé dans l’association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique précisément pour aider les personnes malades à découvrir la force que donne l’espoir. »

Pour en savoir plus : Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique (ARSLA)



Diabète, cancers, pathologies cardiovasculaires, asthme… La prévalence des maladies chroniques s’accroît de façon exponentielle. Quelles sont les causes de cette épidémie et comment l’endiguer ? Réponses d’experts.
André Cicolella
André Cicolella
Chimiste toxicologue, président du Réseau environnement santé (RES)
Dr Marie-CHristine Boutron-Ruault
Dr Marie-Christine Boutron-Ruault
Directrice de recherche, coresponsable de l’équipe « Générations et santé » du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP) de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)
Dr Claude Jaffiol
Pr Claude Jaffiol
Président de l’Académie nationale de médecine, pilote du rapport « Prise en charge des maladies chroniques : redéfinir et valoriser le rôle du médecin généraliste » , remis en juin 2016 au gouvernement
En 2005, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) alertait sur l’épidémie de maladies chroniques qui affecte l’ensemble des pays du globe. Qu’en est-il aujourd’hui, notamment en France ?
Adre Cicolella
André Cicolella / La mortalité prématurée due aux pathologies chroniques a baissé. Le taux de décès avant 65 ans lié aux cancers, par exemple, a régressé de 18,3 % entre 2002 et 2013, et celui lié aux maladies cardiovasculaires a baissé de 30,5 %. Ces deux causes restent néanmoins responsables à elles seules de 53,9 % des morts en France. Et nous assistons à une augmentation inquiétante de la morbidité liée à ces affections. Plus de 20 millions de personnes seraient touchées par les maladies chroniques selon le dernier rapport de l’Assurance maladie. Cette évolution, qui est internationale, ne peut s’expliquer par le seul vieillissement de la population. L’OMS parle de « défi mondial d’ampleur épidémique ».Et l’Assemblée générale de l’ONU a de nouveau mis cette question à son agenda en septembre 2018. L’objectif proposé est de diminuer de 30 % d’ici à 2030 la mortalité prématurée. Mais, pour l’OMS, « les pays développés peuvent se donner des objectifs plus contraignants ».
Adre Cicolella
Dr Marie-Christine Boutron-Ruault / Certaines de ces maladies, autrefois rapidement mortelles, ont vu leur pronostic s’améliorer. C’est le cas, par exemple, des cancers de la prostate et du côlon, du diabète et des cardiopathies. Dépistées à temps, mieux traitées, elles tuent moins mais nécessitent souvent des traitements de longue durée, voire à vie, parfois lourds et avec des effets secondaires.
Adre Cicolella
Pr Claude Jaffiol / En 2016, l’Assurance maladie comptabilisait 9,5 millions de patients en affection de longue durée (ALD) en France. Un chiffre qui augmente de 5 % par an et auquel il faut ajouter tous ceux qui souffrent de pathologies chroniques n’entrant pas dans le cadre de ce dispositif (asthmatiques, etc.). Ces maladies sont responsables de 88 % des décès. Quand elles ne tuent pas, elles altèrent la qualité de vie et peuvent entraîner des inaptitudes au travail. Certains traitements (les pansements pour les diabétiques, par exemple) n’étant pas remboursés à 100 %, les personnes en situation de précarité rencontrent des difficultés pour se soigner. Les conséquences sont aussi fâcheuses pour la société : on évalue que les maladies chroniques coûtent à l’État près de 65 milliards d’euros par an !
Comment expliquer cela ?
Pr Claude Jaffiol
Pr Claude Jaffiol / Le vieillissement de la population contribue à l’éclosion de pathologies chroniques qui n’avaient pas le temps d’apparaître autrefois en raison de la limitation de l’espérance de vie. Mais il existe aussi d’autres facteurs. Certains sont réversibles et dépendent de l’individu : la consommation de tabac et/ou d’alcool, la sédentarité ou les mauvaises habitudes alimentaires. D’autres causes sont sociétales : la précarité, le stress, la pollution…
André Cicolella
André Cicolella / Ces maladies touchent des patients de plus en plus jeunes. C’est le cas notamment des cancers du sein ou de la prostate. Il faut donc regarder du côté de l’environnement au sens large, c’est-à-dire de la pollution et de la contamination chimique de notre environnement (air, alimentation, cosmétiques, etc.) mais aussi de notre mode de vie. Pour comprendre ce phénomène, il faut prendre en compte le fait que c’est l’exposition aux différents stress (chimiques, nutritionnels, psychoaffectifs) pendant la grossesse qui se traduit par l’apparition de pathologies chroniques pendant l’enfance mais aussi, et surtout, à l’âge adulte. C’est le concept de la DOHaD (origine développementale de la santé et de la maladie, ou Developmental Origins of Health and Disease).
Dr Marie-Christine Boutron-Ruault
Dr Marie-Christine Boutron-Ruault / C’est vrai que, par commodité et manque de temps, les gens adoptent une alimentation de plus en plus industrielle, avec des plats et pâtisseries enrichis en gras, sel et sucre. Difficile d’échapper aux phtalates, bisphénol, métaux lourds, nanoparticules et autres additifs utilisés comme conservateurs, stabilisateurs ou dans la composition des emballages. La consommation de tabac reste élevée, tout comme le tabagisme passif. En outre, la surprotection des tout-petits face aux microbes peut conduire leur système immunitaire à s’orienter vers un système de type allergique.
Comment remédier à cette situation ? Des mesures ont-elles déjà été enclenchées ?
André Cicolella
André Cicolella / La France s’est dotée d’un Plan national santé-environnement (PNSE) en 2004, puis d’une stratégie nationale contre les perturbateurs endocriniens en 2014, mais il faudrait aller plus loin dans la mise en œuvre des actions. Je plaide pour une grande loi de santé environnementale, pour se doter des outils qui permettront de mieux comprendre les causes environnementales des maladies et de pouvoir agir sur elles. Certes, le bisphénol A a été interdit dans les biberons et boîtes de conserve en 2015, mais on continue de trouver des perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques et les produits de nettoyage, et les pesticides sont toujours utilisés de manière intensive. Une étude française publiée en mars 2017 montre que les femmes enceintes sont contaminées à 70 %1, et une autre, publiée fin 2016, que les enfants de moins de 3 ans sont exposés à 16 familles de substances à risque via leur alimentation 2. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Mais on peut rester optimiste : si on a réussi à faire interdire le bisphénol A dans les contenants alimentaires, c’est qu’on peut obtenir des avancées.
Dr Marie-Christine Boutron-Ruault
Dr Marie-Christine Boutron-Ruault / Des produits dangereux comme le bisphénol A ont certes été interdits mais ils sont remplacés par d’autres, comme le bisphénol B, sans qu’on sache si leur impact sanitaire ne serait pas identique, voire pire. Le poids économique de l’industrie agroalimentaire rend les décisions compliquées. Il faudrait une plus grande mobilisation de la société. Aujourd’hui, il y a une prise de conscience mais uniquement dans certains groupes de population. Même chose concernant la nécessité de changer certains aspects de notre mode de vie. D’autant qu’il y a eu une rupture dans la transmission de la culture et des savoir-faire alimentaires, qui s’est accompagnée d’une perte de bon sens : beaucoup de jeunes ne savent plus comment manger équilibré.
Adre Cicolella
Pr Claude Jaffiol / La prévention des maladies chroniques doit guider toute politique de santé publique. La lutte contre les facteurs réversibles doit être une priorité. Agir tôt, bien avant le troisième âge, est essentiel pour éviter ou retarder la survenue de ces pathologies, en adoptant, dès l’âge de 40-50 ans, une meilleure hygiène de vie (arrêt du tabac, limitation de la consommation d’alcool, activité physique, meilleurs choix alimentaires…).
Une première stratégie consiste à repérer les sujets susceptibles de développer une maladie chronique (obèses, hypertendus, antécédents de diabète gestationnel, fumeurs, etc.) afin de les convaincre de changer d’hygiène de vie et de les accompagner dans cette voie. Les médecins généralistes et, d’une manière générale, tous les personnels de santé doivent être conscients de l’importance de cet enjeu et s’impliquer dans cette démarche préventive.
Une autre voie parallèle doit faire appel à l’éducation à la santé pour le grand public. De multiples intervenants peuvent s’y rendre utiles, entre autres les enseignants. Les enfants sont très réceptifs à ce type de messages et deviennent des ambassadeurs efficaces auprès de leurs familles. Mais tout cela demande une organisation et des moyens financiers qui ne sont actuellement pas suffisants.
Que peuvent faire les médecins ?
Pr Claude Jaffiol
Pr Claude Jaffiol / Les médecins généralistes sont les mieux placés pour agir. Ils sont en première ligne, ont un rôle pivot dans l’organisation des soins, ainsi qu’un rôle social et psychologique auprès des patients. Ils peuvent intervenir dans la prévention des maladies chroniques, mais aussi dans l’amélioration de leur prise en charge thérapeutique. Nombre de malades refusent leur pathologie, acceptant mal le fait qu’ils n’en seront jamais guéris. Se lassant ou ne supportant plus leurs traitements à vie, ils les abandonnent à la longue. Le défaut d’observance des traitements coûte 9 milliards d’euros à la Sécurité sociale chaque année et entraîne 8 000 décès par an.
Convaincre les patients de se faire dépister, de changer leurs habitudes et de s’y astreindre sur le long terme, tout comme organiser des ateliers d’éducation thérapeutique, demande du temps. Or les médecins n’en ont pas assez. Dans le rapport que nous avons remis au précédent gouvernement, nous envisagions des solutions pour remédier à cette situation. Parmi elles, la mise en place de maisons médicales, avec du personnel bien formé (infirmier, diététicien, psychologue, secrétaire médical) susceptible d’alléger les tâches médicales et de donner plus de temps au colloque singulier. Autre piste : la télémédecine. Si elle ne remplace pas les consultations en tête à tête, elle peut améliorer le suivi de certaines pathologies en s’assurant que les patients n’ont pas de rechute, prennent bien leurs traitements et accomplissent correctement certains gestes techniques (des soins de plaies au pied, par exemple). Ce contact à distance peut apporter une aide appréciable pour rompre l’isolement des malades dans les régions défavorisées. Enfin, il faudrait remplacer le paiement à l’acte, qui ne couvre pas le temps passé à faire ce suivi personnalisé, par un système de forfaits médicaux.
Dr Marie-Christine Boutron-Ruault
Dr Marie-Christine Boutron-Ruault / Notre système médical est terriblement orienté vers la technicité. Les patients chroniques ont besoin qu’on les voie, qu’on leur parle, qu’on leur explique, qu’on les rassure et qu’on soutienne leurs efforts. Qui a aujourd’hui le temps d’examiner de façon approfondie les patients et d’échanger avec eux ? Les médecins sont trop débordés. Ils ont juste le temps de traiter le problème qui a amené la personne en consultation. Bien sûr, nombre d’entre eux essaient de prendre le temps nécessaire, mais c’est compliqué !
André Cicolella
André Cicolella / Les professionnels de santé devraient aussi être sensibilisés au fait que les matériels médicaux qu’ils utilisent (poches de plastique souples, etc.) et les médicaments qu’ils prescrivent contiennent souvent des phtalates ou du bisphénol. Les prématurés et les dialysés sont les plus exposés à ces produits. Et cela a un réel impact sur la performance des traitements. Ainsi, le bisphénol réduit l’efficacité de la chimiothérapie. Même chose pour la fécondation in vitro : en divisant par quatre le taux de contamination des femmes au bisphénol, on obtient deux fois plus de succès. Cela vaut la peine de comprendre d’où vient cette contamination et de définir des protocoles pour la supprimer.
(1) Étude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe) , lancée en 2011 par l’Inserm et l’Ined, qui vise à suivre des enfants d’avant leur naissance à l’âge adulte.
(2) Étude de l’alimentation totale infantile (EATi) , publiée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, l’environnement et le travail (Anses) en septembre 2016
Pomey
« Reconnaître les savoirs expérientiels du patient, complémentaires des savoirs scientifiques des professionnels de la santé »
Entretien avec le Pr Marie-Pascale Pomey, MD, PhD, professeure titulaire Département de Gestion, évaluation, politique de santé à l'École de santé publique de l’université de Montréal, codirectrice du Centre d’excellence sur le partenariat avec les patients et le public, médecin à l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux
Reconnaître les savoirs expérientiels du patient, complémentaires des savoirs scientifiques des professionnels de la santé

Le système de santé est-il adapté à la prise en charge des maladies chroniques ? Notre système a été conçu pour soigner les maladies aiguës. L’organisation n’est pas totalement adéquate à la prise en charge des maladies chroniques. Elle est marquée par une ultra-spécialisation et un fonctionnement en silo. Or, le traitement des maladies chroniques nécessite un suivi sur le long terme et une coordination des soins incluant différents spécialistes ainsi qu’un ensemble de professionnels paramédicaux en soutien. Mais une question se pose : où est finalement la personne qui va permettre de coordonner ces intervenants et les soins ? Une réponse s’impose : le patient est le seul capable de pouvoir le faire…

Quelle prise en charge spécifique demandent ces patients ? Le traitement et le suivi des maladies chroniques relèvent plus de soins de proximité, de première ligne. Il s’agit pour le patient d’avoir accès par exemple à un nutritionniste, un ergothérapeute, un psychologue, capables d’être mobilisés sur un même lieu et d’avoir une vision holistique du patient. Un gestionnaire de cas pourrait aider les patients à s’orienter dans le parcours de soins. Les professionnels de santé doivent aussi avoir une bonne connaissance de l’offre de soins et des interlocuteurs de première ligne. Or, il y a une méconnaissance dans ce domaine. Au Québec, nous avons mis en place des ateliers Compas 1, qui amènent tous les professionnels d’un territoire donné à travailler ensemble et à se parler autour de parcours de soins en lien avec des maladies chroniques.

L’une des problématiques des maladies chroniques est l’observance… Le médecin doit bâtir le traitement avec le patient. C’est essentiel, et cela demande du temps. Au Québec, les médecins généralistes peuvent se faire aider par des infirmiers cliniciens qui s’assurent de la compréhension par le patient du traitement dans son environnement et avec ses contraintes. Les groupes de patients jouent aussi un rôle par l’entraide qu’ils proposent, des coachings individuels et l’éducation thérapeutique du patient (ETP) qu’ils réalisent. Des travaux de Grégoire Lagger, physiologiste, biochimiste et éducateur de patients en Suisse, montrent que l’on peut faire régresser le diabète de type 2 en élaborant un plan thérapeutique avec le patient. C’est le patient qui se fixe lui-même ses objectifs, même s’ils sont « petits », chaque étape peut faire la différence. Lorsqu’on demande aux patients comment ils peuvent surmonter des difficultés, ils ont toujours beaucoup d’idées, parfois très simples.

Les relations entre médecin et patient doivent donc évoluer ? Nous devenons des professionnels en soutien, qui aidons les patients à prendre des décisions en fonction de leurs objectifs de vie. Nous devons poser les bonnes questions, bien expliquer et faire du renforcement positif. Depuis 2010, l’université de Montréal a développé le « modèle de Montréal » qui s’appuie sur le partenariat entre patients et professionnels de santé. Il s’agit de reconnaître les savoirs expérientiels du patient, complémentaires des savoirs scientifiques des professionnels de la santé. La faculté de médecine a également mis en place un tronc commun lors des trois premières années des études de santé, permettant aux futurs professionnels de travailler ensemble sur des études cas et des plans d’intervention avec les patients. Nous formons ainsi des professionnels de santé plus respectueux les uns des autres, capables de se coordonner et de soutenir le patient vivant avec une ou des maladies chroniques.

1 Collectif pour les meilleures pratiques et l’amélioration des soins et services de première ligne en prévention et en gestion des maladies chroniques.

Reach
« Les études médicales devraient autant enseigner une médecine de la personne qu’une médecine des maladies »
Entretien avec le Pr Gérard Reach, référent qualité-hospitalité des Hôpitaux universitaires Paris-Seine-Saint-Denis et auteur de plusieurs livres consacrés à la relation de soin 1
« Les études médicales devraient autant enseigner une médecine de la personne qu’une médecine des maladies »

Comment peut-on améliorer l’observance, qui est l’une des problématiques des maladies chroniques ? Je propose de centrer cette problématique sur celle du temps dans les maladies chroniques. Il faut d’abord répondre à la question : pourquoi se soigne-t-on ? « Pourquoi » : pour quelle raison, mais aussi « pour quoi », en vue de quoi ? Ces questions doivent être abordées au cours de l’éducation thérapeutique du patient. Elle permet de créer un état d’esprit qui va conduire la personne à mieux se soigner. Indirectement, l’éducation thérapeutique peut améliorer l’observance.
Je pense qu’il faudrait un quatrième intervenant auprès des patients, en plus du trio médecin généraliste-infirmière-pharmacien. Une sorte de coach, un « encourageur », qui aurait un impact sur l’adhésion des patients à leur traitement. Il ne serait ni médecin, ni infirmier, mais aurait des connaissances en psychologie, sociologie, anthropologie, mais aussi médicales et en activités physiques. C’est peut-être un nouveau corps de métier à inventer…

Vous abordez aussi dans l’un de vos livres l’inertie clinique des médecins. De quoi s’agit-il ? L’inertie clinique, c’est la non-observance par les médecins des recommandations de bonne pratique, c’est-à-dire par exemple que le médecin n’intensifie pas le traitement dans des situations où il devrait le faire. C’est un problème majeur. Les recommandations de bonnes pratiques ont été élaborées sous forme d’algorithmes pour aider le médecin à décider, dans un contexte où il n’a pas le temps. En effet, la réflexion prend du temps et le manque de temps conduit le médecin à préférer le statu quo, donc à l’inertie clinique. Mais le risque est alors de remplacer la réflexion par un processus simplificateur. À nouveau, la problématique du temps…

Comment, selon vous, la médecine doit-elle évoluer ? On parle de médecine centrée sur le patient, mais, en fait, le patient semble encerclé et il se rend ! Les patients attendent une médecine dite des 4 P : préventive, prédictive et personnalisée, mais surtout participative, en un mot une médecine de la personne. Le patient veut être considéré en tant que personne, ayant sa famille, sa profession, ses priorités, son histoire, bref un être doué d’une pensée complexe et ayant une vie dont il peut faire le récit, essentiellement marqué par la continuité : à nouveau, la problématique du temps ! Or questionner un patient sur ses projets est aussi éclairant pour le médecin que l’interroger sur ses antécédents. Ce retour aux véritables sources de la médecine appelle sans doute une refonte profonde de l’esprit des études médicales, qui devraient autant enseigner une médecine de la personne qu’une médecine des maladies.

1 Une Théorie du soin, souci et amour face à la maladie, Les Belles Lettres, 2010

Leart
« Nous, patients, nous sommes des “vivrologues” de nos pathologies »
Entretien avec Frédéric Lert, président de la coalition [im]Patients, Chroniques & Associés
Nous, patients, nous sommes des “vivrologues” de nos pathologies

Quels sont les besoins des patients atteints de maladie chronique en termes d’accompagnement et de parcours de soins ? Les personnes atteintes de maladies chroniques ont avant tout besoin d’avoir des soignants qui les écoutent et les considèrent non comme des malades mais comme des personnes. Deux personnes peuvent avoir la même maladie chronique mais ne pas ressentir ni exprimer les mêmes besoins. Malheureusement, il y a encore des pathologies où le « tout pouvoir » médical est prégnant. Le médecin dit au patient ce qu’il doit faire. Je pense que le soignant et la personne doivent plutôt réfléchir à comment faire ensemble, parce que nous, patients, nous sommes des « vivrologues » de nos pathologies. Un bon accompagnement des patients passe par la prise en compte, l’expertise de vie du patient, de ses choix, ses projets, ses envies… Et à partir de là, on peut voir comment on interface les soins.
Les personnes concernées rencontrent aussi des difficultés dans leur parcours de soins entre les divers intervenants, médecin généraliste, spécialistes, infirmiers, assistants de service social… Certains sont aussi en errance diagnostique. Et c’est encore plus compliqué pour ceux qui ont plusieurs maladies chroniques. La coordination des soins est donc essentielle.

Quelles solutions devraient être mises en œuvre selon vous ? Outre la décision partagée, qui doit être développée, des liaisons entre les différents spécialistes au sein de l’hôpital sont aussi à créer. Un patient qui consulte plusieurs praticiens hospitaliers est amené chaque fois à raconter son histoire. Un médiateur santé serait par exemple un élément intéressant. Nous avons aussi proposé la création d’un métier de « gestionnaire de cas complexes » dans le cadre des maladies chroniques. Le dossier médical partagé (DMP) devrait aussi contribuer à faire le lien entre ville et hôpital, à condition de rassurer les patients sur l’utilisation des données de santé et d’en faire un outil facile d’utilisation. Le patient devrait pouvoir participer à l’alimentation du DMP. Enfin, les soignants ne s’appuient pas suffisamment sur les associations de patients et leur expertise collective. On sait que les soignants ne disposent que de 20 minutes par personne. Les associations pourraient avoir délégation de certaines tâches pour informer les personnes et les accompagner. Les programmes d’ETP peuvent contribuer à une meilleure adhésion au traitement, mais très peu émanent d’associations de patients.

Comment pourrait se concrétiser ce partenariat entre associations de patients et soignants ? La coalition [im]Patients, Chroniques & Associés a remporté un appel à projets sur l’accompagnement à l'autonomie en santé en Île-de-France. L’objectif final de notre projet est de rendre opérationnels des programmes d’accompagnement innovants, efficaces et inclusifs, co-construits selon une méthodologie collaborative. C’est une reconnaissance de l’accompagnement des malades par leurs pairs. Mais la délégation de tâches ne peut pas se faire sans moyens financiers.

Ravaud
« Proposer aux malades de devenir des acteurs de la recherche sur leur maladie »
Entretien avec le Pr Philippe Ravaud, professeur d’épidémiologie à l’université Paris-Descartes et Adjunct Professor à Columbia University, directeur de l’équipe de recherche Inserm « Méthodes de l’évaluation thérapeutique des maladies chroniques », responsable projet ComPaRe
Proposer aux malades de devenir des acteurs de la recherche sur leur maladie

En quoi le système de recherche clinique actuel n’est-il pas adapté aux maladies chroniques ? Le système de recherche clinique pose aujourd’hui problème : les études cliniques coûtent très cher et nécessitent des années pour être réalisées (en moyenne 10 ans entre le moment où les chercheurs se posent une question de recherche et celui où ils y répondent). Ce système est donc à la fois assez peu efficient et trop lent pour répondre aux attentes légitimes des malades. Par ailleurs, il est nécessaire de prendre en compte, d’une part, la volonté d’implication des patients dans la recherche clinique (par exemple le choix des priorités de recherche) et, d’autre part, de trouver un moyen de mieux utiliser les données collectées en routine, en particulier dans le cadre des soins.

En quoi consiste le projet ComPaRe 1 , dont vous êtes responsable ? L’idée du projet ComPaRe est que les malades deviennent des acteurs de la recherche sur leur(s) maladie(s). Pour cela, nous avons pour objectif de créer une cohorte de plusieurs dizaines de milliers de patients atteints d’une ou plusieurs maladies chroniques. Dans cette cohorte, les patients pourront partager avec les médecins et chercheurs des informations concernant leurs maladies, symptômes, traitements et relations aux soignants via des questionnaires réguliers, en ligne. Ces informations pourraient être liées à des données collectées en routine. Ainsi, ComPaRe va faire avancer la recherche clinique sur les maladies chroniques tout en impliquant les patients dans toutes les étapes de cette recherche : choix des sujets de recherche, conception de la recherche, interprétation des résultats. Le lancement de cette cohorte est progressif et cette étude doit durer dix ans.

Vous menez également un autre projet qui vise à recueillir les idées de recherche des patients sur leur maladie. De quoi s’agit-il ? Il existe parfois un écart entre les priorités de recherche selon les patients qui vivent la maladie et celles des médecins et des chercheurs. Notre objectif est donc de mieux comprendre les attentes des malades. D’ores et déjà, ce projet baptisé INSPIRE 2, nous a permis d’identifier des idées intéressantes qui peuvent être très conceptuelles ou pratiques. J’ai deux exemples précis. Le premier concerne la suggestion de réaliser une tablette qui présenterait l’ensemble des problèmes du patient. Ce qui éviterait au malade de répéter son histoire à chaque consultation. Le second exemple porte sur la création d’un nouveau critère d’évaluation des traitements. Le patient voudrait savoir en quoi sa vie avec sa maladie est différente de celle qu’il aurait sans cette pathologie et comment le traitement pourrait réduire l’écart entre ces deux situations.

De façon plus générale, d’autres sujets de recherche émergent-ils ? Nous nous intéressons également au fardeau du traitement, c’est-à-dire l’impact de tout ce que fait un malade pour se soigner – consultations, examens, prises de médicaments, etc. – sur sa vie. Si un patient atteint de plusieurs maladies chroniques faisait tout ce que les médecins lui demandaient de faire, il pourrait être parfois un malade « à temps plein ». Il faut réfléchir à ce concept de fardeau du traitement, notamment dans le cadre de l’observance. Est-ce que tous les médicaments pris par un patient sont cruciaux ou vitaux ? C’est ce qui est compliqué. Il faut trouver des moyens pratiques pour mieux informer le patient sur les traitements et les risques éventuels de ne pas les prendre. e médecin devrait également être informé de ce qui se passe autour de la personne. Le rôle des paramédicaux est important. Un infirmier est moins intimidant qu’un médecin. Le transfert de tâches est peut-être une solution ?

1 Communauté de patients pour la recherche
2 Identification, narration et sélection par les patients d’idées de recherche

game
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Serious game

Curapy.com, jouer pour se soigner

serious game

On ne joue pas avec sa santé. Pourtant, les serious games [jeux vidéo pédagogiques] thérapeutiques sont en plein essor. Exemple avec Curapy.com, la première plateforme de jeux vidéo dédiée à la rééducation de patients atteints de troubles neurologiques (Alzheimer, Parkinson, AVC, autisme, troubles de la marche, etc.). « Six années de recherche ont validé cliniquement les bienfaits de serious games sur la récupération des troubles moteurs et cognitifs », insiste Pierre Foulon, directeur de Genious Healthcare, à l’origine du projet en partenariat avec le CHU de Nice et l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM). Autrement dit, Curapy.com n’est pas un « gadget », mais offre de véritables dispositifs médicaux numériques.

Parmi les jeux en ligne proposés sur Curapy.com, « X-TORP ». Les patients Alzheimer exercent leur motricité et leur équilibre en jouant sans manette grâce aux seuls mouvements du corps (marcher sur place, s’accroupir, lever les bras). Le scénario du serious game est également pensé pour stimuler la concentration et la mémoire. « Les patients prolongent leur rééducation de la structure d’accueil à la maison, entourés de leur famille, et de façon ludique. Grâce à Curapy, la rééducation est accessible pour tous et partout. La plateforme répond aux problématiques d’accès aux soins, notamment dans les zones de déserts médicaux », complète Philippe Robert, directeur du Centre Mémoire de Ressources et de Recherche, CHU de Nice. Une semaine seulement après son lancement, la plateforme enregistrait l’inscription de 500 patients et 500 professionnels de santé. « Curapy est gratuit pour les professionnels de santé. Les patients souscrivent un abonnement (5 ou 10 €) pour suivre les données de la rééducation et les transmettre à leur médecin », précise encore Pierre Foulon.

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app
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Application smartphone

Poop&Pee : un calendrier digital pour un suivi optimal

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En France, près de 5 millions de personnes souffrent d’incontinence chronique, urinaire et/ou fécale. Et contrairement aux idées reçues, cette pathologie ne touche pas que les personnes âgées. Pour affiner le diagnostic et adopter la meilleure stratégie thérapeutique, le recueil de données (nombre d’exonérations, de mictions, de fuites, consommation de boissons…) est essentiel. « Le suivi passe souvent par un calendrier papier rempli par le patient ou ses parents. C’est une source d’erreur, d’approximation et d’oubli. Sans information fiable, les consultations perdent de leur intérêt. C’est pourquoi nous avons développé une application smartphone, baptisée Poop&Pee », détaille le Dr Célia Crétolle, chirurgien pédiatre 1 , responsable du centre de référence pour les malformations ano-rectales et pelviennes rares à l’hôpital Necker-Enfants malades.

L’application, gratuite, fait office de calendrier digital. Le recueil des données est ainsi plus pratique (les patients ont toujours leur téléphone sur eux) et ludique. Plus discret, aussi, alors que les troubles de la continence restent souvent tabous. Autre atout, Poop&Pee est la première application à croiser les données liées aux selles et urines à celles relatives à la prise d’aliments et de boissons. De son côté, le médecin collecte et analyse les données de son patient grâce à une interface sécurisée accessible via Internet. « Le calendrier numérique est aussi un outil d’éducation thérapeutique du patient, qui devient acteur de sa santé, s’investit dans sa prise en charge. Des graphiques lui permettent de mesurer ses progrès, de comprendre ses échecs », poursuit Le Dr Célia Crétolle. L’application Poop&Pee, téléchargeable début 2018, a reçu le prix du meilleur projet « Éducation thérapeutique du patient » lors du Hackathon New Health (2015, AP-HP) et le prix de l’innovation sociale 2017 de la Fondation Groupama.

1 Animatrice de la filière de santé maladies rares (FSMR) NeuroSphinx

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Objet connecté

Mesurer sa glycémie 24 heures sur 24 et sans piqûre

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En France, 5 % de la population souffre de diabète. La vie de certains patients est rythmée par la maladie : surveillance de la glycémie plusieurs fois par jour avec piqûres au bout du doigt, injection d’insuline, régime alimentaire sur mesure... Les progrès technologiques tentent donc de faciliter leur quotidien. Exemple : le lecteur de glycémie Freestyle Libre. Le dispositif comprend un petit capteur muni d’une fine électrode insérée sous la peau, et placé sur le bras durant 14 jours. Grâce à un scanner ou une application mobile (LibreLink), le patient mesure en continu son taux de glucose. Une lecture discrète, rapide, facile et surtout sans prélèvement de sang, étape souvent contraignante et parfois douloureuse. « Le lecteur peut afficher à tout moment de la journée le taux de glucose dans le liquide interstitiel. Ces résultats en temps réel favorisent une prise en charge adaptée afin de maintenir en permanence une glycémie proche de la normale », détaille le Dr Hélène Hanaire, chef de service diabétologie, maladies métaboliques et nutrition du CHU Rangueil-Toulouse. Le patient dispose également d’un suivi de 8 heures de la tendance du taux de glucose et enregistre 90 jours de données.

Une étude montre que les personnes qui scannent plus fréquemment leur glycémie avec Freestyle Libre passent moins de temps en hypoglycémie ou en hyperglycémie. Tout en améliorant leur niveau de glucose moyen. « C’est pourquoi il est essentiel d’éduquer le patient à l’utilisation de ces nouvelles technologies d’autosurveillance », insiste le Dr Hélène Hanaire. La Haute Autorité de santé a donné son feu vert en juin 2017 pour que ce dispositif soit pris en charge intégralement par l’Assurance maladie (environ 120 euros par mois). Selon le Ministère de la Santé, « environ 300 000 patients devraient bénéficier de ce dispositif innovant ».

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stimulation
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Electro stimulation

Un patient paraplégique remis en selle

electrostimulation

C’est un pari fou… mais un pari réussi. Paraplégique depuis une vingtaine d’années, Jérôme Parent, 48 ans, a parcouru 750 mètres sur un vélo couché à trois roues. C’était en 2016 à Zurich, lors de la 1re édition du Cybathlon, un championnat d’athlétisme « bionique » pour sportifs non valides assistés par la technologie. La performance s’inscrit dans le projet Freewheels, piloté par des chercheurs de l’Inria, du CNRS et de l’université de Montpellier. Le principe ? La stimulation électrique externe des muscles. « Nous avons placé des électrodes sur les muscles ischio-jambiers et quadriceps des cuisses de Jérôme. Des impulsions électriques, d’intensité et de fréquence variables, stimulent et activent de façon artificielle les muscles. Ce qui entraîne leur contraction, et produit un mouvement », détaille le Dr Charles Fattal, médecin chef du centre de rééducation fonctionnel de la Châtaigneraie, à Menucourt (95), également impliqué dans Freewheels.

Jérôme Parent n’a pas remporté l’or sur la piste helvète, mais l’essentiel est ailleurs… Les bénéfices de Freewheels sont multiples. Sur le plan physiologique, d’abord « Petit à petit, les muscles retrouvent de la mobilité, du tonus. Jérôme a gagné en endurance. Cette activité de pédalage électro-stimulé pourrait à terme montrer sa capacité à améliorer l’adaptation cardio-vasculaire, la densité minérale osseuse et la masse corporelle » liste le Dr Charles Fattal. L’expérience impacte également l’estime de soi, la confiance, la qualité de vie. C’est une façon de se réapproprier son corps. Stimulation électrique, exosquelettes ou encore régénération des neurones, la recherche avance avec une ambition affichée : aider les patients souffrant de déficiences motrices à se mettre debout, à marcher, à monter un escalier, ou pour certains à faire du vélo...

head
head
Intelligence artificielle

Le médecin virtuel, le numérique au service des patients (et des médecins)

intelligence articielle

Certains parlent de médecins virtuels. Le Dr Pierre Philip préfère « agents conversationnels animés ». De quoi s’agit-il ? De logiciels à la croisée de l’informatique émotionnelle et de la réalité virtuelle. « Les équipes de recherche de l’université de Bordeaux et l’unité CNRS Sanpsy 1 ont validé un agent conversationnel animé pour le dépistage de la dépression, des troubles du sommeil et de l’addiction au tabac et à l’alcool » explique le Dr Pierre Philip. À l’écran, ces personnages animés en 3D et en blouse blanche sont dotés d’une gestuelle, d’expressions et de vocabulaire adapté au monde médical. Ils conduisent des entretiens cliniques, adaptent leurs questions en fonction des réponses des patients. Après un échange approfondi, l’intelligence artificielle du médecin virtuel émet des diagnostics fiables et détermine la meilleure orientation pour une prise en charge adaptée.

Les patients semblent bien accepter le fait de parler de leurs problèmes de santé à un médecin virtuel. Mais qu’en est-il des « vrais » professionnels de santé ? Perçoivent-ils ces nouveaux outils comme une menace ? « Il ne s’agit pas de remplacer les professionnels de santé, mais au contraire de les seconder pour diagnostiquer des malades toujours plus nombreux du fait du vieillissement de la population », répond le Dr Philip. La technologie s’inscrit dans le concept d’hôpital numérique. Elle répond à plusieurs problématiques de santé contemporaine : déserts médicaux, augmentation des pathologies chroniques, besoin de dépistage précoce, suivi des patients, etc. À une époque où chacun consulte son smartphone pour toutes questions médicales ou pour télécharger des applications de santé, les agents conversationnels animés semblent promis à un bel avenir.

1. Unité de service et de recherche « Sommeil, addiction, neuropsychiatrie », université de Bordeaux /CNRS 3413.

André Grimaldi
Pr André Grimaldi
professeur d'endocrinologie à la Pitié-Salpêtrière, auteur du livre Maladies chroniques, vers la 3e médecine
Agnès Buzyn
Agnès Buzyn
ministre des Solidarités et de la Santé
Bruno Ventelou
Bruno Ventelou
économiste de la santé au CNRS, et à l’université d’Aix-Marseille département économie
En 2005, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) alertait sur l’épidémie de maladies chroniques qui affecte l’ensemble des pays du globe. Qu’en est-il aujourd’hui, notamment en France ?
André Grimaldi
Pr André Grimaldi / Parlons d’abord des causes de cette explosion. J’en vois trois : le vieillissement de la population, l’environnement (sédentarité, malbouffe et pollution), et puis les progrès de la médecine qui diminuent la mortalité des patients et transforment des maladies aiguës mortelles, hier le sida et aujourd’hui le cancer, en maladies chroniques. L’un des problèmes réside dans le coût devenant exorbitant des innovations thérapeutiques. Ensuite se pose la question de l’efficience de l’argent dépensé par l’Assurance maladie. Dans la maladie chronique, la gratuité des soins est financièrement rentable parce qu’elle favorise l’observance avec en conséquence moins d’événements aigus nécessitant par exemple une hospitalisation. Autrement dit, la décision prise en 2011 de retirer de l’ALD (affections de longue durée prises en charge à 100 %) un million d’hypertendus sévères, était un calcul à courte vue. Il faut savoir qu’aujourd’hui les malades chroniques utilisent 60 % des 190 milliards du budget de la Sécurité sociale (mais le surcoût dû aux ALD « n’est que » de 13 milliards).
Bruno Ventelou
Bruno Ventelou / À cette problématique s’ajoute celle des polypathologies liées au vieillissement de la population. Quand plusieurs pathologies sont concentrées sur une même personne, il ne suffit pas d’additionner les coûts de prise en charge. Il y a en effet un surcoût de la comorbidité : la combinaison de différentes pathologies va, la plupart du temps, nécessiter un arsenal thérapeutique qui sera plus coûteux au final. Le vieillissement de la population va donc, en effet, coûter plus cher au système de santé et augmenter – d’environ un point – la croissance des dépenses de santé. Cependant, c’est une donnée qu’il faut relativiser d’un point de vue économique. Ces coûts additionnels seraient facilement absorbés si nous avions, à l’échelle du pays, un taux de croissance plus élevé.
Agnès Buzyn
Agnès Buzyn / Pour ma part, je souhaite rappeler que les coûts sociaux qu’engendrent certains facteurs de risque sont considérables : 20,4 milliards d’euros pour l’obésité, 15 milliards d’euros pour l’alcool ou encore 26,6 milliards d’euros pour le tabac, et ce pour les seules dépenses de santé. C’est pourquoi la prévention et la promotion de la santé doivent irriguer notre système de santé et les parcours de vie. Il s’agit notamment de permettre le dépistage et la prise en charge précoces des pathologies, ou encore de diffuser des recommandations pour limiter l’exposition de la population aux polluants et toxiques. Mais pour réussir, il est nécessaire que tous les professionnels de santé s’engagent afin que la prévention et la promotion de la santé commencent dès le plus jeune âge, se poursuivent tout au long de la vie et deviennent une part intégrante de la culture de tous les acteurs de notre système de santé.
Notre système de santé est-il adapté aujourd’hui à la prise en charge des personnes atteintes d’une maladie chronique ?
André Grimaldi
Pr André Grimaldi / La réponse est clairement non. Notre système santé s’est construit autour de la maladie aiguë : maladie aiguë bénigne et gestes techniques simples pour la première médecine, maladie aiguë grave et gestes techniques complexes pour la deuxième médecine. Pour les personnes atteintes d’une maladie chronique, il faut inventer une troisième médecine, une médecine non pas seulement des maladies mais des personnes. Celles-ci vont devoir adopter de nouveaux comportements et trouver un nouvel équilibre de vie. En effet, pour elles, ce ne sera jamais plus comme avant et, désormais, elles seront différentes des autres. J’ai l’habitude de dire que la maladie chronique frappe toujours deux fois, une fois dans le réel et une fois dans la représentation du réel. Cela engendre un traumatisme psychique, évidemment d’intensité variable selon la maladie et selon le patient : ce dernier doit à la fois faire un travail de deuil ou d’acceptation de la maladie, et changer ses comportements. Éducation thérapeutique et résilience… nous n’avons pas été formés à cela et notre système est inadapté.
Bruno Ventelou
Bruno Ventelou / Moi je dirais qu’il est en cours d’adaptation. Les systèmes de santé de quasiment tous les pays du monde se sont construits sur la prise en charge de l’épisode aigu de soins. C’était l’essentiel du poids des maladies en Europe jusqu’au milieu du XXe siècle. Mais les systèmes de santé évoluent petit à petit, ils mutent pour être plus efficients dans la prise en charge de la maladie chronique. Ce sont des évolutions lentes et ce n’est pas fini. Par exemple, en France, en médecine libérale, le médecin était traditionnellement payé à l’acte. Cela correspondait à un modèle où le patient a un problème, il s’adresse au médecin, ce dernier l’aide à résoudre son problème et, a priori, ils ne se revoient pas jusqu’au prochain problème. Ce n’est plus adapté aux patients chroniques et le système a déjà commencé à changer puisque les médecins traitants disposent d’un forfait spécial pour la prise en charge des patients ALD ; ils sont aussi payés sur des objectifs de santé publique. Cela montre que le système évolue, même si c’est sans doute insuffisamment et imparfaitement.
Agnès Buzyn
Agnès Buzyn / Si notre système de santé est robuste et reconnu internationalement, il manque effectivement d’agilité et de souplesse. Nous devons nous adapter à des besoins nouveaux et notamment à ceux des patients chroniques. En outre, notre pays reste marqué par de fortes inégalités de santé, sociales et territoriales. Le nombre moyen de consultations par habitant et par an sur un territoire donné varie de 1 à 3 entre les 10 % des Français les plus favorisés et les 10 % les moins favorisés. Par ailleurs, le différentiel d’espérance de vie à 35 ans s’élève de 6,4 ans en moyenne entre les ouvriers et les cadres supérieurs masculins. La meilleure prise en charge des patients, et en particulier de ceux atteints d’une maladie chronique, passe obligatoirement par un accès pour tous et de qualité à la santé. Enfin, il est nécessaire de renforcer la qualité des prises en charge en leur donnant davantage de globalité ; elles sont aujourd’hui encore trop segmentées et mal coordonnées.
Quelles seraient les évolutions nécessaires pour mieux prendre en charge ces patients ?
Agnès Buzyn
Agnès Buzyn / La stratégie nationale que je porte vise à faire évoluer notre système de santé dans ce sens. Il s’agit notamment de mettre en place une politique de promotion de la santé incluant la prévention, lutter contre les inégalités d’accès à la santé, garantir la qualité des prises en charge mais aussi d’innover pour transformer notre système de santé en réaffirmant la place des usagers. Notre système doit en effet s’adapter aux connaissances et aux technologies, mais aussi aux nouvelles attentes des professionnels de santé et des patients. Nous devons donc développer des innovations numériques, technologiques et organisationnelles, pour adapter les pratiques professionnelles et améliorer la qualité du suivi des patients chroniques. Nous devons également mettre en place une organisation des soins moins centrée sur l’hôpital pour favoriser la prise en charge des soins en ville. L’ensemble de ces actions a pour but de répondre à la prévalence des maladies chroniques et à leur incidence sur la qualité de vie des patients et des aidants, mais aussi à la persistance de causes de mortalité évitable.
Bruno Ventelou
Bruno Ventelou / L’épidémiologie des maladies chroniques tend à montrer que beaucoup d’entre elles seraient liées à des facteurs environnementaux. Donc, effectivement, les systèmes de santé pourraient évoluer pour être davantage capables de produire chez les patients des démarches de santé préventive pertinentes, y compris en termes d’alimentation, d’exposition à des produits toxiques, etc. Mais notre système a été pensé pour le curatif et donc la prise en charge de l’épisode de soins. Nous sommes mal outillés sur le volet de la prévention, notamment des risques environnementaux. Je pense également qu’une meilleure coordination entre les différents systèmes pourrait améliorer les prises en charge : entre hôpital et médecine de ville, mais aussi entre les différents professionnels de santé, par exemple médecine du travail et médecine générale... Aujourd’hui, on parle beaucoup des maisons de santé pluri-professionnelles, je pense qu’elles peuvent être un élément de réponse.
André Grimaldi
Pr André Grimaldi / Il faut à mon sens mettre en œuvre cette 3e médecine, et ce dès l’annonce du diagnostic. Avant on cachait le diagnostic d’une maladie grave, maintenant on le jette parfois au nez des gens. Il est nécessaire de former les soignants, médecins et paramédicaux, au travail d’équipe, à la pédagogie et à la psychologie : faciliter l’expression du vécu des patients et le prendre en compte, ce qu’on appelle la « médecine narrative ». Par ailleurs, la tarification à l’activité qui est adaptée à la maladie aiguë, aux actes techniques, est en revanche inadaptée à la maladie chronique. Chaque mode de financement a ses avantages et ses inconvénients, mais le mieux serait de l’adapter à la réalité de l’activité. La dotation globale est mieux adaptée à la prise en charge globale. Deux cents euros par an à gérer librement par le médecin traitant et le patient, plutôt que huit consultations à 25 euros !
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Églantine Eméyé

Églantine Eméyé
mère de Samy, jeune autiste de 12 ans, et présidente de l’association « Un pas vers la vie », dont la mission est d’accompagner les familles touchées par l’autisme. Elle est journaliste et auteure de Autisme, ce sont les familles qui en parlent le mieux, aux éditions J’ai Lu.
« On ne peut plus laisser des parents sortir de rendez-vous médicaux avec si peu d’informations »

Alors que j’avais senti dès les premières semaines après sa naissance que Samy ne se comportait pas normalement, je me suis retrouvée livrée à moi-même avec mon bébé sans savoir quoi faire ni à qui m’adresser. Personne ne semblait prendre mes questions au sérieux et aucun médecin n’a dans un premier temps jugé utile de le faire bénéficier d’une prise en charge complète. Or, il criait sans cesse, dormait extrêmement mal et s’automutilait. Après de nombreuses déconvenues, j’ai mis en place un traitement à domicile avec deux personnes qui se relayaient dans la journée pour le stimuler selon les méthodes comportementales.

J’ai ensuite créé l’association « Un pas vers la vie » avec d’autres parents aussi désemparés que moi. Comme aucun établissement ne voulait accueillir nos enfants, nous avons ouvert une petite école. Des éducatrices proposaient de nombreuses activités à mon fils et s’en occupaient vraiment bien. Je ne pourrais pas dire que c’était une prise en charge adaptée – car on ne sait toujours pas ce qu’est une prise en charge adaptée pour un enfant autiste – mais c’était ce que l’on pouvait faire de mieux à ce moment-là. Puis, cet établissement est devenu une école expérimentale financée par la Sécurité sociale. Et, au bout d’un moment, les nouveaux gestionnaires ont considéré que mon fils n’y avait plus sa place car il « gênait » les autres élèves. J’ai donc été exclue de ma propre école ! On m’a ensuite proposé une hospitalisation permanente à Hyères et j’ai accepté. Cela a beaucoup apaisé Samy de toujours voir le même personnel et que les soins viennent à lui directement dans sa chambre. Mais depuis, il est demandeur d’autre chose, et moi aussi, alors je cherche une autre solution pour lui.

Entre-temps, j’ai rencontré une spécialiste de l’autisme au Canada qui m’a permis d’affiner mon approche. Par ailleurs, l’ouvrage de Brigitte Harrisson et Lise St-Charles « L’autisme expliqué aux non-autistes » a été pour moi une mine précieuse d’informations. Il ne donne pas de solutions mais explique de nombreux aspects du trouble autistique. Son contenu m’a beaucoup aidée au quotidien en me donnant notamment des clés pour calmer les crises de Samy.

Je pense que la grande majorité des médecins ne connaissent pas le fonctionnement de l’autisme et c’est très regrettable car on ne peut plus laisser des parents sortir de rendez-vous médicaux avec si peu d’informations. Et même si l’expérience m’a appris à être méfiante, j’essaye avec bienveillance et précaution les différentes méthodes qui me sont proposées. Mais en tant que parents, on ne sait plus à quel saint se vouer tant les théories sont nombreuses. Ce serait formidable que les spécialistes qui étudient déjà le sujet communiquent régulièrement entre eux. Et que nous puissions consulter des médecins entièrement dédiés à l’autisme. Il existe bien des oncologues, pourquoi n’y aurait-il pas des « autistologues » ?

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Dr Étienne Krug

Dr Étienne Krug
directeur du département Prise en charge des maladies non transmissibles, handicap et prévention de la violence et des traumatismes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)
« Je pense qu’il y a un manque de volonté politique global lorsque l’on s’attaque aux maladies chroniques »

Les maladies non transmissibles doivent être considérées comme une priorité mondiale de santé publique. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : ces pathologies sont responsables de près de 70 % des décès à travers le monde.

Le département que je dirige à l’OMS définit les grandes politiques de lutte contre les maladies chroniques et encourage les États à agir. Nous devons remplir les objectifs de développement durable fixés par les Nations unies : d’ici à 2030, réduire d’un tiers, par la prévention et le traitement, le taux de mortalité prématurée due à des maladies non transmissibles.

Pour y parvenir, nous avons construit un plan d’action. Il vise notamment à aider les gouvernements à mettre en place des politiques publiques de lutte contre les facteurs de risque de maladies chroniques. Nous ciblons le tabagisme, la mauvaise alimentation, la sédentarité et la consommation dangereuse d’alcool. Ces facteurs de risque sont évitables et les mesures que nous proposons ont démontré leur efficacité. C’est par exemple le cas de la taxation du tabac ou de l’interdiction des publicités pour les boissons alcoolisées.
Autre axe prioritaire : l’amélioration de la détection précoce et le traitement des maladies, par exemple de l’hypertension ou du cancer du col de l’utérus. De nombreuses vies peuvent être sauvées en encourageant les patients à se présenter plus tôt, en améliorant la qualité des soins et l’accès aux traitements.
Cette feuille de route vise enfin à améliorer la collecte de données sur ces affections, développer des actions de prévention et promouvoir la recherche.

Malheureusement, nous accusons un retard dans la mise en œuvre de ce plan. Je pense qu’il y a un manque de volonté politique global lorsque l’on s’attaque aux maladies chroniques. Une part des responsables politiques est fataliste et n’a pas conscience qu’il est possible d’agir pour réduire le nombre de malades. Il leur paraît souvent difficile de contrer les stratégies marketing du secteur privé : industrie agro-alimentaire, du tabac, de l’alcool…

Même si nous ne travaillons pas directement auprès des professionnels de santé, nous sommes bien conscients qu’ ils ont eux aussi un rôle essentiel à jouer. Et pas seulement en traitant et en éduquant leurs patients. Nous les encourageons à demander à leur gouvernement d’aller plus loin dans la lutte contre les maladies chroniques. Ils ne doivent pas hésiter à faire entendre leur voix.

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Eve Plenel

Eve Plenel
coordinatrice de la campagne « Vers Paris sans sida » à la mairie de Paris
« Aujourd’hui, les médecins traitants peuvent contribuer à arrêter le VIH »

Si la chronicisation de l’infection à VIH est déjà une réalité, la fin de sa transmission est le combat qui doit être mené dans les prochaines années. Et les médecins sont appelés à y jouer un rôle décisif.

Les traitements antirétroviraux actuels restaurent l’espérance de vie des personnes porteuses du VIH et empêchent sa transmission. La prise en charge du VIH s’est simplifiée et de nombreux patients font le choix d’un suivi par leur médecin traitant en ville, avec un seul bilan annuel à l’hôpital. En dépit des discriminations persistantes qu’elles subissent dans divers domaines, en France en 2015 plus de 90 % des PVVIH [personnes vivant avec le VIH, NDLR] diagnostiquées prenaient un traitement ARV (antirétroviral) et avaient une charge virale indétectable, synonyme de non-transmission.

L’ennemi, c’est le retard au dépistage : l’épidémie non diagnostiquée entretient une charge virale communautaire élevée et donc les chaînes de transmission, alimentant les presque 7 000 contaminations annuelles

Mais pour améliorer le dépistage, il faut le promouvoir auprès des bonnes personnes car le VIH discrimine plus que toute autre maladie. À Paris – qui concentre 20 % des nouveaux cas pour 3 % de la population française – 9 nouvelles infections sur 10 concernent deux groupes : les hommes ayant des rapports entre hommes et/ou des personnes nées dans un pays d’Afrique ou des Caraïbes (entre un tiers et la moitié d’entre elles ayant acquis leur infection après leur arrivée en France).

Combattre le VIH implique de lutter contre le racisme et l’homophobie, et d’apporter une écoute active aux besoins de ces populations. Cela se joue dans l’espace public, avec les campagnes « Vers Paris sans sida » mais aussi dans l’intimité du cabinet médical. Le rôle du médecin est d’autant plus important que le nouveau paradigme préventif, avec l’arrivée de la PrEP 1 remboursée à 100 %, est encore mal connu. Selon sa sexualité, les moments de sa vie et les facteurs d’exposition, on peut désormais combiner ou alterner différents moyens de protection contre le VIH que sont les préservatifs et les traitements.
Écoute attentive, approche populationnelle, prévention diversifiée : aujourd’hui, les médecins traitants peuvent contribuer à arrêter le VIH.

1 La prophylaxie pré-exposition est une stratégie de prévention médicamenteuse fondée sur l’association de deux principes actifs (ténofovir/emtricitabine) qui protège l’organisme d’une infection au VIH.

carat

Lili Carat

Lilli Carat
auteure de Maladie de Crohn, les symptômes pour la reconnaître, aux Éditions Alpen
Après 30 ans passés avec cette maladie de Crohn dont on ne meurt plus, mais qui peut être particulièrement invalidante au quotidien, je peux dire que je suis une survivante

Quand je suis tombée malade en 1989, de retour de voyage de noces en Savoie, on connaissait très peu la maladie de Crohn, qui touchait alors davantage les populations nordiques. Mais grâce au Pr Xavier Hebuterne, gastro-entérologue au CHU de l'Archet, à Nice, on a pu me sauver. Car oui, à l’époque, mon diagnostic vital était plus qu'engagé alors que je n'avais que 26 ans !

Au fil du temps, d'autres pathologies directement causées par cette maladie sont survenues. D'abord, de violentes crises de rhumatismes que seule une batterie d'anti-douleurs et de cortisone pouvait apaiser, ce qui m'a fait prendre une dizaine de kilos. Puis, un cancer du système lymphatique – le lymphome – à deux reprises. Son apparition a un lien avéré avec les traitements répétés d'immunosuppresseurs que je subissais alors. Certes, il était non hodgkinien, c'est-à-dire peu virulent, mais il a quand même entraîné un traitement chimiothérapique et de nouvelles poussées de la maladie de Crohn. Cette double souffrance m’a valu une colectomie subtotale – ablation du côlon – en 2013 et a précipité mon changement de vie. D’autant qu’il m’était, et qu’il m’est encore impossible aujourd’hui, d’être traitée simultanément pour les deux pathologies.

Désormais, après trente ans passés avec cette maladie de Crohn, dont on ne meurt plus mais qui peut être particulièrement invalidante au quotidien, je peux dire que je suis une survivante. Et à bien des titres ma vie a résolument changé. Professionnellement , j’ai cessé toute activité salariée. Je n’ai ainsi plus à subir les réflexions blessantes de mes collègues et surtout de mes supérieurs. Personnellement, ma vie est à présent plus riche. Je suis devenue bénévole au sein de l'association François Aupetit, unique association nationale reconnue d'utilité publique, et auteure de livres sur la santé. Le premier de mes ouvrages, consacré à la maladie de Crohn, est un guide à destination des patients mais aussi de leurs familles et du grand public. Je l’ai écrit pour apporter ma pierre à l'édifice de ce combat contre la maladie et pour sa reconnaissance. Car les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI) que sont Crohn et la rectocolite hémorragique (RCH) touchent près de 250 000 personnes en France.

meyers

Pr Todd Meyers

Pr Todd Meyers
maître de conférences en anthropologie à la New York University-Shanghai, auteur de Chroniques de la maladie chronique, aux éditions PUF
« Pour le patient, vie quotidienne et expérience de la maladie chronique s’emmêlent »

En tant qu’anthropologue, je m’intéresse à la place qu’occupent les maladies chroniques dans le quotidien des personnes qui en souffrent. Mon regard sur ces troubles est très différent de celui du médecin ou de l’expert en santé publique. Je ne me concentre pas sur une pathologie ou sur un trouble en particulier. Je cherche plutôt à savoir comment les maladies chroniques s’installent dans un foyer et se mêlent à l’existence.

L’une de mes principales études a consisté à suivre une femme atteinte de maladies chroniques durant une dizaine d’années. Elle s’appelait Beverly et vivait dans un quartier pauvre de Baltimore, aux États-Unis. Beverly était atteinte de nombreuses affections : diabète, hépatite C, maladie cardiovasculaire, douleurs chroniques, dépression, emphysème… J’ai cherché à comprendre comment elle et sa famille géraient ces maladies, comment ils prenaient soin les uns des autres, dans un contexte de grande précarité économique et sociale. J’ai remarqué que les maladies chroniques agissaient comme un point de pression dans les relations familiales . Les rapports se forment et évoluent autour des troubles. Mon champ d’étude ne s’est pas limité à l’intimité du domicile. J’ai accompagné Beverly en consultations et aussi pendant ses hospitalisations, ses entretiens avec des travailleurs sociaux…

J’ai été étonné de la rapidité avec laquelle nos conversations se sont détournées de sa santé pour aborder sa vie sociale et familiale. Pour une personne malade, la vie quotidienne et l’expérience de la maladie s’emmêlent. J’ai également pu observer comment les différentes maladies dont souffrait Beverly, ce qu’on appelle la comorbidité, interagissent jusqu’à évoluer de façon inattendue et compliquer considérablement le traitement.

De façon surprenante, cette étude trouve plus souvent un écho chez les médecins que chez les spécialistes de santé publique. L’approche ethnographique révèle une perspective de leur patientèle qu’il leur est difficile d’appréhender en consultation médicale. Une facette qu’ils soupçonnent intuitivement mais qu’ils ne peuvent observer eux-mêmes de façon empirique. D’un point de vue médical, c’est peut-être là l’intérêt du travail d’ethnographie.

dufranc

Céline Dufranc

Céline Dufranc
rédactrice en chef santé/forme de Rose Magazine : www.rosemagazine.fr
Cela me fait sourire quand j’entends que le cancer n’est plus tabou, car ce n’est absolument pas vrai

En 1998, lorsque j’ai appris que j’étais atteinte de la maladie de Hodgkin – une variété de lymphome – cela a été un véritable choc, d’autant que le médecin m’a annoncé la nouvelle au téléphone. J’ai ensuite souffert du manque de dialogue avec le cancérologue. À la fin des traitements, j’ai eu un sentiment d’abandon, d’autant plus important qu’à l’époque je vivais isolée dans un petit village des Landes. Professionnellement, cela a également été pénible. Un jour, le directeur du journal auquel je venais d’expliquer pourquoi je ne travaillais pas le mercredi m’a asséné qu’il avait besoin de « personnes compétentes à 200 % »… Cela me fait « sourire » quand j’entends que le cancer n’est plus tabou, car ce n’est absolument pas vrai.

Cela m’a conduit, entre 2000 et 2005, à devenir bénévole à la Ligue contre le cancer. À la suite des 1ers États généraux du Cancer, j’ai intégré un groupe appelé « Réseau de malades et de proches ». Nous avons travaillé sur différentes thématiques telles que l’annonce de la maladie ou encore la prise en charge du parcours des patients, et cela a fait partie des recommandations du premier plan cancer.

En 2011, lorsque l’on m’a proposé de rejoindre la rédaction de Rose Magazine au moment de sa création, je n’ai pas hésité un instant. Dédié aux femmes atteintes d’un cancer, ce magazine gratuit tente de leur apporter des solutions pour que leur vie soit un peu plus douce, qu’elles se sentent moins démunies face à la maladie. On espère ainsi améliorer certains aspects de leur parcours. Rose, c’est aussi une association qui a pour objectif de faire parler du cancer et d’aider ceux qui en souffrent. Nous avons notamment contribué à faire évoluer le droit à l’oubli, et mis en place RoseCar, un service de covoiturage entre patients leur permettant d’effectuer à plusieurs les trajets de leur domicile à l’hôpital.

Parmi les initiatives qui me semblent pertinentes, je peux aussi citer l’Université des patients, créée à Paris par le Pr Catherine Tourette-Turgis. Elle propose des formations diplômantes à des personnes touchées par diverses pathologies. La première promotion composée de malades atteints de cancers vient d’être diplômée. Ce cursus permet de créer de nouveaux métiers et de former des personnes qui peuvent ensuite aider à la fois les patients et les médecins, mais aussi faire le lien entre les deux.

Depuis 1998, des choses ont évolué dans le bon sens, notamment les soins de support, indispensables dans la prise en charge, en complément des traitements. Mais je considère qu’il reste énormément à faire notamment dans le rapport médecin-patient. Et je regrette qu’en France il n’existe pas de prise de parole plus forte des patients atteints de cancer, alors que pour d’autres pathologies, comme le VIH ou les problèmes de thyroïde par exemple, les malades sont parvenus à faire bouger les lignes.

Ce webzine vous est proposé par le Conseil national
de l'Ordre des médecins - www.conseil-national.medecin.fr
Décembre 2017

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